Arrêté en juin alors qu’il traversait seul l’Iran à vélo, au troisième jour de la guerre entre Téhéran et Israël, le jeune franco-allemand Lennart Monterlos, 19 ans, vient d’être acquitté des charges d’espionnage qui pesaient contre lui. Le verdict, rendu par un tribunal révolutionnaire à Bandar-Abbas, met fin à quatre mois d’incertitude. Il intervient dans un climat diplomatique tendu, alors que plusieurs Français demeurent emprisonnés en Iran.
Lennart Monterlos n’avait rien d’un espion. Étudiant et passionné de bikepacking, il s’était lancé au printemps 2025 dans un long périple à vélo depuis l’Europe vers l’Asie. Sur son compte Instagram où il se faisait appeler « Vélo Rêveur »– inactif depuis le 16 juin – il partageait des images d’un voyage lent, ponctué de bivouacs et de rencontres, avant de disparaître des radars dans le sud de l’Iran, à Bandar-Abbas, au troisième jour de la guerre de douze jours entre l’Iran et Israël.
Le 16 juin, ses proches cessent de recevoir des nouvelles. Quelques semaines plus tard, Téhéran confirme son arrestation, l’accusant d’avoir « commis une infraction », selon les mots du ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi. Les autorités n’avaient alors donné aucun détail sur la nature des charges, évoquant de simples “questions de sécurité”.
« Acquitté pour absence de preuve »
Ce lundi 6 octobre, le chef du pouvoir judiciaire de la province d’Hormozgan, Mojtaba Qahremani, a annoncé que le tribunal révolutionnaire avait prononcé « l’acquittement » du jeune homme « en considérant les principes juridiques et les doutes quant à l’infraction imputée ». Une formulation inhabituelle en Iran, où les verdicts d’acquittement sont rares dans les affaires dites de “sécurité nationale”. L’annonce, relayée par l’agence semi-officielle Tasnim, précise que le procureur conserve le droit de faire appel, même si, selon Le Monde, Lennart Monterlos aurait été libéré dimanche 5 octobre et se préparerait à quitter le pays.
L’affaire Monterlos s’inscrit dans une séquence diplomatique délicate entre Paris et Téhéran. Deux autres Français, Cécile Kohler et Jacques Paris, enseignants et syndicalistes arrêtés en 2022, demeurent détenus à Téhéran, accusés d’espionnage pour le compte d’Israël et passibles de la peine de mort.
À la tribune de l’ONU, le 24 septembre, Emmanuel Macron avait exigé sur X (ex-Twitter) leur libération immédiate, citant également Monterlos :
Quelques jours plus tard, la France a retiré son recours contre l’Iran devant la Cour internationale de justice, qui portait sur l’accès consulaire aux prisonniers français — un geste interprété comme un signe d’apaisement avant cet acquittement, explique Reuters. Selon des diplomates cités par cette agence, des discussions porteraient sur un possible échange de prisonniers, incluant Mahdieh Esfandiari, étudiante iranienne arrêtée en France pour des propos pro-Hamas.
Avant son arrestation, Monterlos venait d’avoir 19 ans. Il avait quitté l’Europe seul, à vélo, sans sponsor, sans encadrement, avec pour unique ambition de rallier le Japon “par la route la plus lente possible”. Sa famille, établie en Allemagne, avait dénoncé des “accusations absurdes” et demandé sa libération. Son itinéraire — plus de 10 000 kilomètres depuis l’Europe — s’était jusque-là déroulé sans incident, entre les Balkans, la Turquie et la frontière iranienne.
L’Iran, une zone sensible pour les bikepackers et vanlifers
Cette histoire n’est pas sans rappeler celle de Benjamin Brière, vanlifer détenu en Iran… pendant trois ans, entre 2020 et 2023. Le motif de son arrestation ? « Espionnage » et « propagande ». Le trentenaire originaire de Lyon avait été arrêté par le Corps des gardiens de la révolution islamique – une organisation paramilitaire dépendante du chef de l’État iranien– pour avoir « pris des photographies de zones interdites » à l’aide d’un drone de loisir. Il avait toujours clamé son innocence, de son arrestation à son retour en France, le 12 mai 2023.
Plus tôt cette année, en janvier 2025, Craig et Lindsay Foreman, un couple britannique voyageant à moto autour du monde, ont été arrêtés en Iran. Ils sont toujours détenus dans la prison de Kerman. Le motif : espionnage sous couvert de tourisme. Comme eux, un Allemand est détenu à Evin, une prison pour les détenus politiques et les étrangers, depuis un an. Les Iraniens ont reconnu sa détention en juin 2025 pour espionnage. Il aurait circulé en vélo à proximité d’une zone sensible, c’est-à-dire dans la région de Markazi connue pour abriter le site nucléaire d’Arak.
Photo d'en-tête : Lennart Monterlos- Thèmes :
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