Au CES de Las Vegas en janvier dernier c’était l’un des produits les plus attendus : l’E-Skimo, censé « révolutionner le ski de randonnée » en le motorisant, annonçait la startup suisse E-Outdoor à son origine. Ou pervertir son âme, prédisaient ses détracteurs. Au-delà des débats éthiques bien compréhensibles, restait la question du prix de cette innovation. On en sait aujourd’hui un peu plus.
En ski de rando, la descente, ça se mérite. Et le passage obligé, c’est la montée, dans la souffrance parfois. Voilà qui pourrait n’être plus qu’une image du passé si l’on en croit Nicola Colombo et Ivan Mura, les deux cocréateurs de la société suisse E-Outdoor, à l’origine de l’E-Skimo, ou e-ski de rando, le bien nommé, qui ont la ferme intention de transformer cette pénible ascension en une partie de plaisir, quasiment sans efforts. Leur promesse ? Gravir les montagnes 80 % plus vite avec 30 % d’effort en moins et ainsi gagner jusqu’à 4 fois plus de dénivelé sur le même temps. Peu glorieux, sans doute. Mais tentant pour certains, on l’imagine.
Comment ça marche ?
Très discrets sur les spécificités techniques de leur innovation, les deux Suisses fournissent aujourd’hui quelques détails supplémentaires sur leur site.
« Chaque ski est équipé d’un moteur amovible à moyeu sans engrenage de 10 Nm, d’une batterie au lithium de 240 Wh et d’une bande de roulement divisible de type motoneige. Ces composants travaillent ensemble pour réduire l’effort de 30 % et augmenter les vitesses de montée jusqu’à 80 %, offrant jusqu’à trois heures d’autonomie avec une seule charge.
Parmi les principales caractéristiques :
- Assistance intelligente : les capteurs et les IMU à détection de mouvement activent les moteurs en fonction de la position des skis et de la répartition du poids de l’utilisateur.
- Conception légère : avec seulement 2,8 kg par paire, les skis restent maniables pendant la montée et offrent des performances supérieures en descente.
- Transition rapide : lorsqu’un skieur atteint le sommet, l’unité d’alimentation, la batterie et la bande de roulement peuvent être rapidement détachées et rangées dans un sac à dos. Une fois retirés, deux capuchons à glisser rétablissent une surface de ski parfaitement lisse.
- La sécurité, une priorité : le système intègre des capteurs sur les bâtons. Si l’utilisateur lâche au moins un bâton, l’assistance se désengage automatiquement, garantissant contrôle et sécurité.
Le système E-Skimo se compose d’une unité d’alimentation et d’une bande de roulement installée sur chaque ski pour aider lors des montées. L’activation est gérée par des capteurs avancés, notamment une unité de mesure inertielle (IMU) et un GPS, qui détectent la position de chaque ski et le poids/l’angle du talon. Cela permet à l’appareil de fournir une assistance naturelle, semblable à la sensation que procure la conduite d’un vélo électrique. »
Reste le prix, et, on s’en doutait, il est (très) élevé. Pour s’épargner un peu de sueur ( mais aussi y perdre beaucoup en mérite diront certains) il faudra compter la modique somme de 4 800 euros, hors frais d’envoi. Les skieurs qui ont pu tester l’E-Skimo, lors de sessions de deux heures organisées à San Bernardino, dans les Alpes suisses, seront peut-être refroidis par le tarif annoncé. Mais les plus convaincus peuvent d’ores et déjà passer à l’étape de la réservation, moyennant un acompte de 266 euros. Ils rejoindront alors les heureux propriétaires d’une première série (numérotée) limitée à 100 paires d’E-Skimo, avant le passage à une production à plus grande échelle.
Précisons que si, à ce tarif, on a droit à un sac de rangement, un sac à dos destiné à ranger les différents équipements pendant la descente, des bâtons, des peaux et des crampons, il faudra acheter en sus des fixations ATK, compatibles avec les semelles de 290 à 335 mm.
Pas donné pour un système qui séduira sans doute certains, mais qui interroge. Notamment sur l’éternelle question de l’autonomie. On sait en effet que la durée des batteries varie en fonction de l’effort effectué, de la température ambiante, et que ses performances ont la fâcheuse tendance à fléchir avec le temps. Les trois heures annoncées par le fabricant seraient donc un grand maximum. Suffisant pour une petite sortie, mais pas pour une rando de plusieurs jours où la recharge pourrait être très problématique, on s’en doute.
Enfin, les concepteurs mettent en avant le côté pratique de l’affaire. Une fois au sommet, « vous détachez les composants motorisés et vous les rangez dans votre sac à dos, en « moins d’une minute », assurent-ils. Oui, mais le poids direz-vous ? Comptez 2,7 kg pour l’ensemble. Suffisamment léger pour être transporté. Mais aussi suffisamment lourd pour que vous en veniez à vous demander si, vraiment, c’était une bonne idée… Surtout lorsque la batterie est déchargée.
Enfin, quelles que soient les performances de ce produit que nous n’avons pas pu tester, il interroge forcément sur l’approche de la montagne qu’elle suggère. Certes, les concepteurs de l’E-Skimo avancent que « ce n’est pas seulement un produit, c’est un mouvement visant à démocratiser et à améliorer l’expérience du ski de rando ». Et que leur but « est de rendre ce sport plus accessible, plus exaltant et plus inclusif, en permettant à un plus grand nombre de personnes d’explorer la beauté des montagnes avec facilité et joie. » Mais il réduit le ski de rando, l’un des derniers espaces de liberté, à une pratique dépendante de l’électricité – une aberration environnementale – où la notion d’effort, et de satisfaction dont on peut en tirer, n’existe quasiment plus.
Déjà un partenariat avec Tecnica
Reste qu’il ne laisse pas les industriels du secteur indifférents. E-Outdoor prévoyait dès ses débuts de s’associer à des fabricants de skis bien établis. C’est chose faite. La start up vient de signer avec Tecnica, comme elle l’annonçait fièrement en début d’année sur Linkedin. « E-Skimo est heureux d’annoncer le début d’une collaboration avec le Ski Excellence Center du groupe Tecnica, situé à Mittersill, en Autriche. Le groupe Tecnica, fondé en 1960, a une riche histoire dans l’industrie de l’équipement sportif, englobant des marques telles que Blizzard, Lowa, Moon Boot, Nordica et Rollerblade. Son centre d’excellence du ski à Mittersill est une pierre angulaire de la fabrication de skis, combinant artisanat traditionnel et innovation moderne. Cette collaboration vise à intégrer la technologie avancée d’E-Skimo à l’expertise du Ski Excellence Center de Tecnica. »
Le débat reste ouvert et l’avenir dira si cette « innovation » deviendra la norme, en marge des ski de rando « musculaires » ou si elle finira dans le cimetière des gadgets.
Photo d'en-tête : E-Skimmo- Thèmes :
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