Elles sont alpinistes, traileuses, grimpeuses, surfeuses, aventurières ou scientifiques. Et, bien au-delà des podiums, elles ont toutes, à leur manière, repoussé les limites du possible cette année et redessiné les contours d’un monde longtemps dominé par les hommes.
Laura Pineau, la Française qui s’est fait un nom parmi les grands du Yosemite
Début décembre, c’est un peu la mort dans l’âme que Laura Pineau, aka « Mademoiselle fissure », quittait The Valley. Elle venait pourtant de boucler un chapitre américain exceptionnel. Six mois seulement après avoir réalisé avec Kate Kelleghan la première « Yosemite Triple Crown » féminine, l’étoile montante de l’escalade française, 25 ans, réussissait la première ascension féminine de « Wet Lycra Nightmare » (V9, 5.13d A0), la paroi la plus déversante du Yosemite. De quoi aiguiser son appétit pour El Capitan, où on a de fortes chances de la revoir, plus motivée que jamais… mais pas tout de suite. Car au volant de son van, elle mettait le cap sur le Canada, direction l’Europe, et le Verdon, la tête encore pleine de son aventure américaine. Une étape clé de sa carrière… qui n’aurait peut-être pas eu lieu sans son échec à Ninja Warrior.
Malgré la tempête, Sasha DiGiulian signe l’une des plus belles ascensions féminines sur El Cap
Plus de trois longues semaines de progression, une météo dantesque qui pendant neuf jours l’a coincée dans un portaledge détrempé à 800 mètres du sol… il aura fallu toute la ténacité de Sasha DiGiulian pour libérer le 26 novembre Platinum, la plus longue voie en libre sur El Capitan. Une ascension qu’avant elle, seules trois cordées avaient réussie en libre. Et un héritage évident : celui de Lynn Hill, référence ultime pour toutes les grimpeuses du Yosemite.
La reine vacille, mais n’abandonne pas : la leçon d’abnégation de Courtney Dauwalter à l’UTMB
Et si la plus grande gagnante de l’UTMB était Courtney cette année ? 24 heures après son arrivée en 10e position en 25h50, l’immense championne américaine – trois victoires sur cette épreuve à son actif – impressionnait encore en août dernier. Ce que l’on retient de sa course, ce n’est pas sa défaite, ce n’est certainement pas le terme qui s’impose. Parlons plutôt de sa victoire sur la souffrance. Et sur son ego aussi. Car il faut un immense courage, autant d’humilité, mais aussi une extrême élégance pour puiser au plus profond de soi la force de poursuivre la course quand les jambes vous manquent, que seules subsistent la douleur et la fatigue, et que tout espoir de podium s’est définitivement évanoui. C’est ce qu’a montré la plus grande traileuse de l’histoire ce jour-là, en poursuivant sa course quand tout la poussait à renoncer. La foule massée à son arrivée à Chamonix pour l’acclamer et la soutenir ne s’y est pas trompée. La Reine Courtney a vacillé, mais elle n’a pas été détrônée. Mieux, elle est définitivement entrée dans la légende, en ajoutant un supplément de grâce et d’âme à un sport de plus en plus aseptisé. À ce stade, un seul mot : merci Courtney. Respect, Madame Dauwalter.
Ruth Croft, l’ultra-méthodique Néo-Zélandaise, détrône Courtney Dauwalter à l’UTMB
Le scénario semblait presque écrit d’avance : la reine Courtney revenait à Chamonix et décrochait une nouvelle victoire sur la course phare de l’UTMB. L’arrivée en tête ce samedi 30 août de Ruth Croft, à l’issue de 22:56:23 heures de course, a montré, une fois de plus, que rien n’est jamais acquis et en a surpris plus d’un. Or ceux qui, depuis dix ans, suivent le parcours de l’athlète néo-zélandaise de 36 ans, ne voient là aujourd’hui que l’aboutissement d’une stratégie bien pensée, mixant data et feeling, soutenue par une détermination sans faille.
Comment le VTT a rendu Pauline Ferrand-Prévot imbattable sur le Tour de France
La Française a littéralement dominé le Tour de France Femmes. Et ce n’est pas un hasard. Ce sont ses compétences techniques toutes disciplines confondues, sa mentalité de vététiste et son instinct de gagneuse forgé par plus de dix ans de compétition tout-terrain qui l’ont propulsée au sommet du cyclisme sur route féminin.
Naila Kiani, l’alpiniste qui secoue la société pakistanaise
Voici une femme qui n’a pas peur de rien et surtout pas de faire tomber tous les clichés. Naila Kiani pourrait se contenter de faire partie de la liste des participantes à la course de 14 x 8 000. A 39 ans, elle déjà 12 sommets derrière elle – dernier en date, le Kanchenjunga, le 23 mai dernier – mais ce serait presque banal et pas vraiment passionnant. Car elle est bien plus que ça. Ex banquière devenue alpiniste pro en trois ans, elle n’est pas née avec une petite cuillère en argent dans la bouche, entend bien redorer l’image du Pakistan et donner des ailes aux femmes de son pays. Jamais la dernière pour s’insurger contre les conditions de vie et de travail des porteurs et des guides pakistanais, elle ne s’est pas fait que des amis dans le milieu de l’alpinisme commercial. Et ce n’est qu’un début semble-t-il : elle vient tout juste de lancer sa propre agence d’expédition !
La Française Élise Poncet bat le record féminin de l’ascension du mont Blanc à ski
Le 16 mai, avec un aller-retour en 6 h 54 seulement, la grande spécialiste de la course en montagne pulvérisait de 30 minutes l’ancienne marque détenue depuis juin 2024 par l’Américaine Anna DeMonte. Une performance historique, mais aussi l’aboutissement du mélange de ses deux grandes passions, » la performance d’endurance et la haute montagne avec le terrain alpin », dit-elle.
Maryline Nakache, reine du Marathon des Sables
La star du Marathon des sables cette année, c’est elle : première femme à entrer dans le Top 10 du MDS Legendary – 250 km en 6 étapes – Maryline Nakache, N°1 chez les femmes, a terminé 4e au général, juste derrière le redoutable trio marocain masculin. À seulement 3h du vainqueur ! Mais, forte de sa légendaire endurance sur du long, voire du très long, il ne faudrait sans doute pas grand chose, pour qu’elle décroche la 3e place.
Brooke Raboutou devient la première femme de l’histoire à grimper dans le 9b+
Le 8 avril, à la veille de son 24e anniversaire, la grimpeuse Américaine a enchaîné Excalibur, une voie mythique de Drena, près d’Arco en Italie. Un 9b+ ultra physique et déversant que seuls Stefano Ghisolfi et Will Bosi avaient réalisé. Brooke Raboutou signe donc la troisième répétition et la première féminine à ce niveau. Un tournant dans l’histoire de l’escalade.
Katie McKinstry Stylos explose le plafond de verre du dry tooling
Le 18 mars 2025, Katie McKinstry Stylos est entrée dans l’histoire du dry tooling en devenant la première femme à enchaîner Parallel World, une voie extrême cotée D15+/D16, dans l’immense dévers de Tomorrow’s World au cœur des Dolomites italiennes. Un exploit de taille puisqu’un D15 correspond à peu près à un M15 en mixte et à un 9a en escalade sportive. Très peu d’hommes dans le monde ont atteint le niveau D16, et aucun ne l’a dépassé à ce jour.
Christina Lustenberger réalise la 1e descente à ski de la face sud du Mont Robson
Il aura fallu deux jours et deux tentatives à Christina Lustenberger et son compagnon de cordée Guillaume Pierrel pour atteindre, en février dernier, l’objectif que la championne de ski canadienne visait depuis une dizaine d’années. À ce jour, seules trois autres personnes étaient parvenues à skier le plus haut sommet des rocheuses canadiennes, mais jamais par la face sud, extrêmement engagée. Un formidable exploit qui s’ajoute au CV déjà très solide des deux partenaires.
Concourir avec les hommes ? c’est quoi la suite pour Janja Garnbret après son doublé à Séoul et un dixième titre mondial
Elle n’était pas venue à Séoul en septembre pour participer, mais pour gagner. En deux jours, la Slovène Janja Garnbret a raflé l’or en difficulté puis en bloc, portant à dix son total de titres mondiaux. Une performance inédite qui s’ajoute à ses 47 victoires en Coupe du monde et à ses deux médailles olympiques. De quoi confirmer sa domination, et poser une question : jusqu’où peut-elle encore aller ?
À Nazaré, Justine Dupont, une suprématie construite au fil des années
Les résultats ont parlé d’eux-mêmes à Praia do Norte où se tenait mi-décembre le Nazaré Big Wave Challenge. Mais au-delà des trophées, l’édition 2025 confirme surtout une tendance lourde : la France s’impose comme l’un des pôles de référence en matière de surf de gros. Portés par Justine Dupont et le jeune Clément Roseyro, les chargeurs tricolores s’installent durablement dans l’élite mondiale, sur les traces d’un Benjamin Sanchis ou d’un Pierre Rollet.
OnlyFans comme sponsor : le pari de la liberté pour cette ultra-traileuse pro
Après avoir remporté à deux reprises la Hardrock 100 (2018 et 2021) et la Diagonale des Fous (2019), l’ultra-traileuse américaine Sabrina Stanley a de nouveau défrayé la chronique début 2025. Non pas pour une victoire ou un record, mais pour l’annonce d’un contrat de sponsoring inattendu avec… OnlyFans. Si la plateforme reste largement associée à du contenu pour adultes, elle accueille désormais une multitude de créateurs – sportifs compris – qui y trouvent un moyen direct de financer leurs projets et de garder la main sur leur image. L’initiative a fait débat : certains ont tiqué sur la réputation sulfureuse du site, d’autres ont salué un coup de maître, à l’image de l’ultra-runner Dylan Bowman qui y voit « une étape enthousiasmante ». Car derrière ce choix se dessine une tendance de fond : de plus en plus d’athlètes délaissent les marques d’outdoor et de trail running pour se tourner vers des partenariats plus libres, mieux alignés sur leurs valeurs, offrant plus d’autonomie et un contrôle accru sur leurs revenus.
De la protection des océans au ministère : Catherine Chabaud, 1e femme à boucler un Vendée Globe, reprend la barre
Que va-t-elle faire dans cette galère ? L’annonce de sa nomination en octobre au poste de ministre déléguée à la Mer et à la Pêche a pu surprendre. Femme de conviction, pas le genre à naviguer en eaux troubles, on la voit mal à bientôt 63 ans s’engager dans une mission sans y croire. C’est mal la connaître. Celle qui a dédié sa vie à la défense de l’environnement est une habituée des causes difficiles – voire perdue diront les plus pessimistes. Elle a montré, en mer comme à terre, qu’elle n’était jamais plus efficace que lorsque ça tanguait fort. Elle va avoir fort à faire dans les jours à venir. Mais elle en a la carrure.
Elles nous ont quittés en 2025
Fin tragique du sauvetage de Natalia Nagovitsyna au pic Pobeda
Coincée depuis le 12 août à plus de 7 150 mètres avec une jambe fracturée, l’alpiniste russe Natalia Nagovitsyna ne sera finalement pas secourue. Le 22 août, les autorités kirghizes ont mis fin aux opérations, jugées trop dangereuses pour les sauveteurs, pris eux-mêmes dans des tempêtes à répétition. En dix jours, la tentative de sauvetage a viré au drame : l’Italien Luca Sinigaglia, qui avait réussi à rejoindre Nagovitsyna, est mort d’un œdème cérébral, tandis que les Iraniens Maryam Pilehvari et Hassan Aghalou ont disparu dans une tempête lors de leur ascension. Au total, le pic Pobeda, réputé le sommet le plus meurtrier du Tian Shan, aura coûté la vie à quatre alpinistes en une semaine.
Plus d’espoir pour la légende du biathlon Laura Dahlmeier, emportée par une chute de pierres au Leila Peak
Deux jours après son accident survenu à 5 700 m d’altitude sur le Leila Peak, dans le Karakoram, les secours étaient repartis le 30 juillet dans l’espoir de retrouver vivante l’athlète allemande, victime d’une chute de pierres. Malheureusement son décès a été confirmé. Biathlète allemande la plus titrée de la décennie – double championne olympique et septuple championne du monde – elle avait brusquement quitté la compétition en 2019 pour exercer en tant que guide de haute montagne et se consacrer à son autre passion, l’alpinisme et l’escalade. Membre des secours alpins, elle était reconnue pour sa prudence. Elle avait 31 ans.
Klára Kolouchová, pionnière tchèque de l’Himalaya et figure de l’alpinisme au féminin dévisse au Nanga Parbat
Grosse émotion le 4 juillet à l’annonce de la disparition d’une des femmes himalayistes les plus en vue : Klára Kolouchová, 46 ans. Celle que le grand public avec découverte dans le documentaire à succès de Nims Dai – « 14 Peaks : Nothing is impossible » – s’était imposée comme la première Tchèque à gravir l’Everest, le K2 et l’Annapurna. Mais c’est sur le Nanga Parbat ( 8 126 mètres), au Pakistan, que l’alpiniste a fait une chute mortelle le 3 juillet entre les camps I et II. Mère de deux jeunes enfants, elle s’était imposée comme l’une des figures de proue de la cause des femmes en montagne, défendant inlassablement son droit à concilier ses responsabilités familiales et ses rêves d’alpinisme dans un univers encore très masculin.
Disparition en montagne de Krystyna Palmowska, pionnière de l’alpinisme himalayen
A 76 ans, elle grimpait encore. Et c’est dans le massif des Hautes Tatras en Slovaquie, là où elle avait fait ses armes, que Krystyna Palmowska, l’une des meilleures alpinistes au monde dans les années 70-80, a trouvé la mort en juin en chutant d’une falaise. Avec elle, c’est tout un pan de l’histoire de la montagne qui disparaîssait. Alpiniste passionnée, elle avait contribué à briser le plafond de verre en s’imposant notamment comme la première femme à atteindre le Broad Peak (8 047 m) et le Nanga Parbat (8 126 m), malgré les multiples obstacles qu’elle dut surmonter.
Jane Goodall, la voix des chimpanzés et de la planète, s’est éteinte à 91 ans
Infatigable militante pour la nature, pionnière de l’étude des primates, messagère de la paix des Nations unies, la Britannique Jane Goodall est morte le 1er octobre alors qu’elle assurait une tournée de conférences en Californie. Un exercice auquel cette conférencière passionnée s’est volontiers pliée tout au long de sa vie, rappelant inlassablement : « Nous ne sommes pas séparés du règne animal, nous en faisons partie (…). Chacun de nous compte. Chacun de nous a un rôle à jouer. Chacun de nous fait la différence, chaque jour ». Des messages que le grand public pouvait entendre en direct, notamment lors de son premier TED Talk, en 2007. A découvrir ou redécouvrir ici.
Photo d'en-tête : Montage Outside
