Le 20 juin, le hameau de la Bérarde, dans les Ecrins, était dévasté par une crue extrêmement violente du Vénéon. Quelques jours plus tard, c’est de l’autre côté des Alpes que de violents orages frappent, causant un terrible bilan humain. En cause là aussi, le réchauffement climatique. La fréquence et l’intensité de ces épisodes autrefois rares, laissent désormais présager un risque accru dans nos zones de montagnes et en vallée.
On a tous encore en tête la tragédie du village de la Bérarde. Ce haut lieu de l’alpinisme, niché au coeur du massif des Écrins, était détruit les jeudi 20 et vendredi 21 juin par une crue torrentielle d’une violence exceptionnelle. Le phénomène avait surpris. les images des routes coupées et des maisons éventrées par des amas de pierre étaient spectaculaires. Au total 200 000 mètres cube d’eau, l’équivalent de 80 piscines olympiques, avaient tout emporté dans la vallée en quelques heures, charriant au passage, une cascade de sédiments et des blocs de pierres. La crue du Vénéon laissait derrière elle un champ de ruine. Aucune victime n’était à déplorer heureusement, grâce à l’intervention, parfois très compliquée, des secours par hélicoptère.
Glissement de terrain et brusque montée des eaux
Nos voisins alpins n’ont pas eu cette chance. Le week-end dernier, le nord de l’Italie et la Suisse ont été sévèrement touchés par des intempéries. Bilan à ce jour : 4 morts et 6 disparus entre le canton du Tessin, situé au sud-est de la Suisse et le canton voisin du Valais, au sud-ouest. En cause, notamment, un glissement de terrain et une brusque montée des eaux. Les opérations de recherche se poursuivent, selon un communiqué publié lundi soir.
Les images sont également très impressionnantes en Italie. À Noasca, dans le nord du pays, la cascade a tout emporté ou presque sur son passage. Dans cette région du Piémont, pas moins de 100 mm de pluie sont tombés en 24 heures, provoquant eux glissements de terrain. Plus de 200 personnes devaient être évacuées.
Une combinaison de facteurs
Comment expliquer la violence de ce phénomène ? Demandions-nous à Louise Dallons, géographe spécialisée dans les risques naturels en montagne, au lendemain de la catastrophe de la Bérarde. « Une combinaison de facteurs – couverture neigeuse importante, augmentation des températures et fortes précipitations – a donné à la rivière suffisamment de force pour quelle puisse emporter des sédiments. Mais aussi charrier des roches toujours plus grosses qui ont provoqué davantage de destruction en aval. Il est tout de même assez typique que les orages de juin dans les Alpes fassent des dégâts. C’est un peu la saison. […] Mais d’habitude, la tendance est aux orages localisés qui vont provoquer des débordements. Là, l’épisode pluvieux était très étendu. »
Suite au changement climatique, « il ne faut pas oublier que l’on a une augmentation des extrêmes, dans tous les types d’événements », poursuivait-elle. « Notamment météorologiques – sur l’intensité des pluies, leur dispersion et leur dissolution (…), on a le réchauffement de la température atmosphérique en général qui génère le recul des glaciers, du permafrost et un changement dans la couverture neigeuse. Et tout cela va déstabiliser les versants, produire des roches et des sédiments disponibles et mobilisables par les crues qui ont toujours eu lieu – et qui auront toujours lieu – mais qui peuvent être aggravées par l’augmentation des extrêmes. Et les intempéries en général. […] Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’on a l’émergence de nouveaux risques. De nouvelles situations de risques aussi. Parce que les effets du changement climatique vont avoir un vrai impact sur l’intensité et aussi sur la localisation des aléas. […] ».
Les vallées prises au piège
« Il y a un vrai lien avec un changement climatique. Mais il faut aussi prendre en compte la partie socio-économique », Précisait la géographe. « Nos vallées sont aussi beaucoup plus exposées parce qu’il y a plus de tourisme. Et comme leur économie se base exclusivement dessus, de vrais enjeux en découlent. Il faut prendre également en compte que peu de territoires sont disponibles pour construire. Ils sont donc toujours en fond de vallée. Sur les cônes de déjection des torrents ou dans les couloirs d’avalanche. […] C’est le cas de La Bérarde, située à la confluence de deux torrents, l’Étançons et le Vénéon. Donc nécessairement, si ça déborde, elle est prise au piège. »
Un scénario confirmé ce week-end chez nos voisins alpins et auquel nous allons certainement devoir faire face à nouveau à l’avenir.
Article mis à jour le 5 juillet 2024.
Photo d'en-tête : Captures d'écran de la vidéo Youtube d'Il Fattio Quotidiano