Il aura fallu plus d’un mois après le début de l’offensive russe en Ukraine pour que la première enseigne du groupe Mulliez – comprenant également Auchan et Leroy-Merlin – prenne cette décision… « en raison de problème d’approvisionnement » apprend-on dans un communiqué diffusé aujourd’hui, mardi 29 mars.
Depuis le 24 février, date de l’offensive russe en Ukraine qui se solde à ce jour par la « perte de milliers de vies, le déplacement de 10 millions de personnes et la destruction systématique d’infrastructures essentielles » en Ukraine » selon le chef de l’ONU, Antonio Guterres – les entreprises occidentales cessaient leurs activités en Russie, en protestation contre cette invasion. Des pétroliers BP, Shell et ExxonMobil à McDonald’s, une à une, elles se désengageaient, par conviction ou sous la pression de l’opinion publique. Rien en revanche d’un des groupes français les mieux implantés en Russie : le groupe Mulliez propriétaire des enseignes Auchan, Leroy-Merlin mais aussi de Décathlon.
Au point que le lundi 7 mars, l’Association Professionnelle Sport & Outdoor (APSO) et ses organisations professionnelles affiliées se mobilisait à son tour et lui adressait une lettre ouverte, la sommant de montrer qu’elle n’allait pas « sacrifier l’éthique aux affaires ». Une initiative qui trouva vite un écho dans la communauté outdoor. Dans la foulée, le 9 mars dernier, une manifestation était même organisée devant le magasin Décathlon à Grenoble (Comboire) pour inciter la marque à se désengager, au moins temporairement, de toute activité en Russie.
Depuis, la pression ne cessait de peser sur la famille Muliez, 7ème plus grande fortune de France, qui se contentait de communiquer à minima sur ses activités russes et ukrainiennes. Une position qu’elle n’a pas pu tenir très longtemps. Car si l’on ne peut pas exactement dire que l’enseigne française « contribuait à financer » l’offensive lancée par Vladimir Poutine, il est incontestable que sa posture de « discrétion » devenait désormais totalement inacceptable à l’heure où il est urgent d’affaiblir le régime de Vladimir Poutine, et ce par tous les moyens.
On apprend donc aujourd’hui que Décathlon interrompt l’exploitation de ses magasins : «Respectant scrupuleusement les sanctions internationales, Decathlon constate que les conditions d’approvisionnement ne sont plus réunies pour poursuivre son activité en Russie. Decathlon est amené à suspendre l’exploitation de ses magasins», explique le communiqué diffusé par l’enseigne. Par pragmatisme donc…
Reste à savoir si ses deux autres marques, Auchan et Leroy-Merlin, prendront le même chemin. Ce qui est loin d’être gagné car au cours des vingt dernière années, le géant français de la grande distribution a fait de la Russie un territoire d’expansion. Via Auchan, en 2002. Leroy-Merlin en 2004 (Leroy-Merlin est la troisième entreprise étrangère au monde la plus exposée en Russie selon « Forbes » derrière les entreprises Elko et Japan Tobacco). Et bien sûr Decathlon, dont le premier magasin a ouvert en 2006 dans la couronne de Moscou. Depuis, son succès n’a pas faibli. Le leader du sport compte aujourd’hui une soixantaine de magasin dans le pays. Pour Décathlon, la Russie n’est certes que le sixième marché après la France, la Chine, l’Espagne, l’Italie et l’Inde, mais son potentiel est considérable et il s’inscrit dans le développement global de la famille Mulliez.
Photo d'en-tête : Décathlon