200 000 tickets déjà vendus pour la première de « Kaizen », attendue demain, 13 septembre, au cinéma. Plus de 500 salles mobilisées en France, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg et des millions de vues en perspective à sa sortie en ligne. Le film de 2h40 d’Inoxtag sur son ascension de l’Everest fait figure d’événement en cette rentrée de septembre. En soit c’est un exploit, bien plus impressionnant que l’expédition sur le toit du monde par le Youtubeur de 22 ans. Périple hypermédiatisé dont les répercussions sont, elles, potentiellement énormes, analyse François Carrel, auteur d’ « Himalaya Business », qui, pour s’exprimer, a choisi Kombini, média mainstream, leader de l’information auprès des moins de 30 ans… la génération biberonnée, justement, à Youtube.
« On n’est plus dans l’aventure, on n’est plus dans l’exploit. On est dans le tourisme organisé » commente François Carrel, journaliste auteur d’ « Himalaya Business », essai sur l’incroyable développement du tourisme de très haute altitude dans la région, à propos de l’ascension de l’Everest réalisée par Inoxtag, en mai dernier. A la veille de la sortie en salle de « Kaizen », le documentaire de 2h40 (!) du Youtubeur de 22 ans, le spécialiste français du business autour des plus hauts sommets du monde, s’est penché avec Konbini, leader de l’information auprès des moins de 30 ans, sur les répercussions de l’ascension d’Inoxtag, influenceur comptant au plus de 7 millions d’abonnés sur YouTube. L’auteur n’est pas tendre. Mais il est vrai qu’il sait de quoi il parle.
Dans « Himalaya Business », essai publié en mai dernier chez Paulsen, il analyse notamment l’évolution des moyens mis à disposition des alpinistes, ainsi que les conséquences des pics de fréquentations sur les plus hauts sommets du monde (en termes de sécurité et d’impact environnemental – bilan carbone, gestion des déchets notamment).
L’ascension d’Inoxtag, méga star de Youtube parti sur les pentes de l’Everest en avril dernier, fait forcément ressortir ces épineux sujets. « Inox, pour son ascension en 2024, il est dans un volume d’accompagnement et de logistique légèrement au-dessus de la moyenne » explique le journaliste. « Ils ont, pour lui et son guide, trois Sherpas. Il a utilisé des hélicoptères à peu près comme tout le monde. Il a des bouteilles d’oxygène un peu classiques, cinq ou six. Il n’est pas dans une démesure. […] . Mais « Le jour du sommet d’Inox, il y a 200 personnes sur le sommet. Et une espèce de file d’attente blindée sous le sommet » poursuit-il. « Une corniche s’effondre, cinq personnes tombent dans le vide. Deux ne sont pas retenues et meurent. Il n’y aurait pas dû avoir cinquante personnes dessus ».
« Ces montagnes-là, ce n’est pas un endroit où il devrait y avoir une telle affluence » analyse François Carrel. « Et ce n’est pas de l’élitiste. Je suis alpiniste, mais je n’irai jamais là-haut. […] On n’a pas besoin d’aller à l’Everest pour vivre des choses fortes en montagne. Ou sinon on le fait pour faire du grand spectacle. […] ».
Le journaliste s’interroge également sur les conséquences de l’ascension d’Inoxtag (et de sa médiatisation). « On n’a fini d’entendre parler de l’Everest d’Inox parce qu’il va y avoir des répercussions pendant des années et des années. Ce qui m’inquiète plus, ce sont les effets sur le grand public de cette aventure très très visuelle et marketing que s’offre Inox » explique-t-il. « Est-ce que l’on va continuer de considérer que l’Everest et les sommets de 8000 mètres sont le nec plus ultra de l’humanité ? Non. […] J’espère qu’il saura garder un peu de recul dans son film, que l’on sortira de la glorification et de la mise en exergue des qualités surhumaines de ces gens qui vont au sommet de l’Everest. Ceux qui sont héroïques, ce sont ceux qui bossent autour, et les grands alpinistes qui vont faire des choses extrêmement techniques sur des sommets moins valorisés ou moins exposés médiatiquement », conclut-il.
Photo d'en-tête : Inoxtag