Sept morts au Yalung Ri, deux au Panbari. En quelques jours, des épisodes neigeux liés au cyclone Montha ont piégé deux cordées, dont une sur « trekking peak » — ces sommets de 5 000 à 7 000 m réputés accessibles car moins techniques que les 8 000. Secours retardés, ensevelissements profonds, réglementations inégales : le drame ravive le débat sur l’équipement et les protocoles de sécurité sur ces expéditions de plus en plus populaires, présentées comme des portes d’entrée vers l’Himalaya.
C’est vers 8 h 30 – 9 h 30, le 3 novembre 2025, qu’une avalanche d’une ampleur extrême a frappé une expédition d’acclimatation sur le camp de base du Yalung Ri, un sommet népalais de 5 630 m, situé dans la vallée du Rolwaling. L’équipe de ce trekking peak, composée d’environ 15 personnes — dont cinq étrangers et dix travailleurs de haute altitude népalais — se préparait à entamer la montée vers un sommet secondaire (le Dolma Khang) lorsqu’elle a été fauchée, explique le Kathmandu Post.
Au même moment, dans la région du Manaslu (8 163 m), deux alpinistes italiens ont été retrouvés morts au camp 1 du Panbari Himal (6 905 m), piégés par la neige dès le 27 octobre. Au total, neuf morts sont donc confirmées à ce jour.
Qui sont les victimes ?
Au Yalung Ri :
Parmi les décès confirmés par la presse népalaise, on compte aujourd’hui :
• Un Français : Christian Andre Manfredi, 69 ans.
thehimalayantimes.com
• Trois Italiens : Paolo Cocco, Marco Di Marcello (guide italo-canadien) et Markus Kirchler.
• Un Allemand : Jakob Schreiber.
• Deux guides népalais : Padam Tamang et Mere Karki.
Côté blessés, au moins deux Français : Didier Arman Berton et Isabelle Solange Thaon. S’exprimant hier depuis son lit d’hôpital, cette dernière raconte à l’AFP avoir « nagé dans la neige » pour s’extraire, tandis que son mari — Christian Manfredi — trouvait la mort.
Trois autres Népalais ont été évacués également. Plusieurs autres personnes de l’expédition ont été secourues ou évacuées sans blessure grave, dont la Française Carole Fuchs.
Au Panbari Himal
Deux alpinistes italiens ont péri après avoir été piégés dans leur tente au camp 1 : Stefano Farronato (51 ans) et Alessandro Caputo (28 ans). Malgré les conditions difficiles, leurs corps ont été découverts après plusieurs jours de recherche, notamment grâce aux détecteurs Recco dont ils étaient équipés.
Trekking peaks du Népal : des sommets pas si accessibles que ça
Sous ce terme se rassemblent des sommets souvent compris entre 5 000 et 7 000 m, accessibles à des alpinistes moins aguerris que ceux visés par les 8 000 m. Régulés par la Nepal Mountaineering Association (NMA) pour certains, ils attirent chaque année des centaines de clients internationaux. Selon la NMA, environ 27 sommets sont officiellement classés trekking peaks. Cependant, les conditions en altitude restent sérieuses : neige, glace, crevasses, météo capricieuse, couloirs avalancheux. Le fait de les considérer comme accessibles ne les immunise pas contre les événements majeurs. L’accident au Yalung Ri en est une illustration tragique.
Quelles sont les causes de ces drames ?
Les enquêtes préliminaires convergent vers un ensemble de facteurs météorologiques et nivologiques. Le cyclone nommé Montha a apporté un apport massif de neige et de pluie sur la région juste avant l’accident, créant une accumulation de neige fraîche instable. Le redoux ou la variation de température a fragilisé le manteau neigeux sur des pentes escarpées, rendant probable le déclenchement d’une plaque, explique Al Jazeera.
Enfin, la presse népalaise évoque le moment choisi : l’équipe du Yalung Ri était en phase d’acclimatation sur un sommet considéré comme « non technique », ce qui peut induire une moindre préparation à la gestion des risques avalanche.
Pourquoi les secours ont-ils tardé ?
Plusieurs obstacles majeurs ont retardé les opérations.
D’abord, la météo : la neige, le vent et une visibilité nulle ont empêché les hélicoptères d’atterrir, obligeant les secours à se rendre sur les sites à pied. « On a eu l’information tard, et le mauvais temps a retardé la réaction immédiate », ont d’ailleurs reconnu les autorités.
Par ailleurs, au vu de l’ensevelissement profond des victimes — des témoignages parlent de corps enfouis sous 3 à 4,5 mètres de neige — le repérage et l’extraction se sont révélés être un vrai défi pour les sauveteurs.
Dernier point, et non des moindres, le Yalung Ri se trouve dans une zone dite restreinte, où les hélicoptères ne peuvent intervenir sans autorisation préalable, un facteur de retard selon les médias népalais.
Les opérations de recherche et de récupération se poursuivent et mobilisent des équipes spécialisées, des guides IFMGA et des moyens héliportés. On reste dans l’attente d’une enquête complète sur ces deux drames. Mais d’ores et déjà resurgit le débat sur la sécurité des trekking peaks. Jusqu’où les standards de sécurité des 8 000 m doivent-ils être étendus à ces courses jugées accessibles attirant des clients qui y voient une porte d’entrée vers l’alpinisme. Mais sans toujours en avoir la condition physique, l’expérience, ni l’équipement. De quoi donner matière à réflexion aux agences de trekking, qui devront sans doute être plus exigeantes encore sur la formation de leurs guides et sur l’information à leurs clients. Du côté du ministère du Tourisme népalais, c’est une révision des normes d’encadrement techniques des trekking peaks qui pourrait être à l’ordre du jour.
Qu’est-ce que le Recco qui a permis de localiser certains corps ?
Le système Recco repose sur un réflecteur passif intégré aux vêtements ou aux équipements de montagne, qui renvoie le signal d’un détecteur activé depuis le sol ou depuis un hélicoptère. Contrairement à un ARVA, ce n’est pas un appareil individuel de localisation, mais un outil technique de recherche après avalanche.
Les experts l’estiment utile pour la récupération rapide de victimes ensevelies, à condition que l’hélicoptère ou l’équipe au sol puisse se positionner — or, en haute altitude, ciel bouché et logistique peuvent réduire son efficacité. Au Népal, l’utilisation de Recco est aujourd’hui obligatoire pour les expéditions sur l’Everest ou certains sommets majeurs, mais pas encore généralisée sur les trekking peaks, ce qui pose une question d’équité et de sécurité. À quel niveau doit-on imposer cette technologie ? Et comment s’assurer que tous les opérateurs la respectent ? Des questions dont le Népal va sans doute devoir s’emparer.
