Le 23 septembre, le skieur-alpiniste polonais de 37 ans signait un exploit historique : l’ascension de l’Everest sans oxygène, suivie d’une descente intégrale à ski jusqu’au camp de base. Une première dont le récit devrait être porté à l’écran en 2026, mais on pouvait d’ores et déjà en avoir un avant-goût il y a six jours via une vidéo de 31 minutes réalisée par son sponsor, Red Bull. Un film qui comptabilise aujourd’hui près de 8 millions de vues sur YouTube. À juste titre : les images sont saisissantes. Un seul hic : sur la photo d’ouverture s’affichant sur la plateforme, Andrzej Bargiel est seul au sommet. Pasang Rinzee Sherpa, qui l’a secondé jusqu’à la fin de l’ascension, n’est plus dans le plan. Effacé. Une « disparition » qui n’est pas sans rappeler celle qui avait soulevé une énorme polémique à la sortie de « Jirishanca » – film produit par Patagonia relatant la première intégrale et en libre de « Suerte » sur le Jirishanca (6 125 mètres), au Pérou.
Jusqu’où peut-on aller pour accrocher le spectateur ? Jusqu’à effacer d’un plan un personnage jugé secondaire dont la présence perturberait le regard, voire affaiblirait l’exploit ? La question semble s’être posée dans les studios de Red Bull, à l’heure d’éditer la vidéo de 31 minutes relatant l’exploit d’Andrzej Bargiel : l’ascension de l’Everest sans oxygène, suivie d’une descente intégrale à ski jusqu’au camp de base. Une première historique, réussie après trois tentatives avortées, qui ne doit rien au hasard.


Le Polonais de 37 ans détient un formidable palmarès, avec notamment la première et seule descente intégrale du K2 à ski de l’histoire, sans oxygène, en 2018. Mais il n’a jamais caché non plus que sur l’Everest, il avait été soutenu par une solide équipe. Le rôle de son frère Bartek, remarquable pilote de drone, qui l’a guidé tout au long de son exploit, a été déterminant et largement commenté. De même, on sait que pour la poussée finale au sommet, il avait pu compter sur douze alpinistes népalais.
Parmi eux, Pasang Rinzee Sherpa qui, portant ses skis, l’accompagne jusqu’au sommet. Des images que l’on découvre dans le film de Red Bull, mis en ligne il y a six jours. Le Sherpa est bien dans l’histoire, rien n’est caché de son rôle pendant l’ascension, comme sur certaines images de la descente, en arrière-plan. Mais, curieusement, il n’apparaît plus sur la principale vignette que Red Bull a décidé de faire apparaître sur YouTube. Celle sur laquelle on clique. Là, Andrzej Bargiel est seul. Pasang Rinzee Sherpa a soudain disparu. L’image est certainement plus forte ainsi. Et il est vrai que c’est seul qu’Andrzej Bargiel a réussi sa formidable descente à ski de l’Everest. Mais ce coup de Photoshop laisse comme un malaise. S’il n’enlève rien à l’exploit, on a soudain comme l’impression d’avoir été un peu grugé.
D’autant que cette petite manip que peu de spectateurs auront sans doute notée (près de 8 millions ont cliqué sur la vidéo) dira sans doute quelque chose à tous ceux, et ils sont nombreux, qui ont été choqués par l’affaire du « Jirishanca » en février dernier. Ce film produit par Patagonia relatait la première intégrale et en libre de « Suerte » sur le Jirishanca (6 125 mètres), au Pérou, par deux pointures de l’alpinisme, Josh Wharton et Vince Anderson. Ces derniers ont découvert que le jour de l’ascension, le 23 juillet 2022, une autre cordée se trouvait également au sommet, en même temps que celle des deux Américains. Or, elle n’apparaissait nulle part dans le superbe film de 31 minutes qui avait marqué tous les esprits lors du Reel Rock Tour. Pire, un grimpeur avait été enlevé des images, révélait Alpine Mag. De quoi ouvrir un intense débat dans le milieu des films d’escalade.
La disparition soudaine de Pasang Rinzee Sherpa d’un plan destiné à « vendre » la vidéo fera certainement moins de remous. Mais ce petit arrangement avec la réalité que, par bonté d’âme, on aimerait croire lié à une maladresse, voire à un essai malheureux passé entre les mailles du filet, n’en reste pas moins symptomatique d’une dangereuse tendance générale à réécrire l’histoire pour les besoins de la promotion d’une marque.



