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Des militants d’Extinction Rebellion mobilisés contre la retenue collinaire de La Clusaz.
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Des montagnes à l’océan, quand la mobilisation citoyenne enterre les projets destructeurs

  • 1 octobre 2025
  • 8 minutes

Maxime Dewilder Maxime Dewilder Journaliste pour Outside, Maxime aime autant courir en montagne que raconter les aventures de celles et ceux qui font l’actualité outdoor.

Bien sûr cela prend du temps, des années parfois, et beaucoup d’énergie, mais s’opposer à un projet écocide n’est pas un combat perdu d’avance, loin de là. En témoigne le dénouement de dossiers pourtant complexes dans lesquels la mobilisation citoyenne, soutenue par des associations et des ONG, a fait toute la différence. Des retenues collinaires à La Clusaz, aux surfparks fleurissant aux quatre coins de l’Hexagone, en passant par le projet immobilier de Tony Parker dans le Vercors, tour d’horizon des actions majeures qui ont marqué l’actualité, et décryptage des raisons de leur succès.

S’il suffit parfois d’une pétition pour que le débat s’enflamme et que le promoteur d’un projet « hors sol » batte finalement retraite, c’est bien souvent sur le long terme et sur la foi de solides arguments juridiques que se gagnent les batailles environnementales. L’année 2025 et de récents jugements en sont la preuve.

Des Alpes à la Seine-Saint-Denis, des projets définitivement rejetés

Projet de retenue collinaire de La Clusaz
Projet de retenue collinaire sur le plateau de Beauregard à La Clusaz. (Collectif Sauvons le plateau Beauregard de la destruction)

A La Clusaz, le projet de retenue collinaire abandonnée après 5 ans de lutte commune

Le tribunal administratif de Grenoble s’était prononcé en juillet 2025 pour l’abandon du projet de retenue collinaire à La Clusaz, sur le plateau de Beauregard. Une décision officialisée le 24 septembre. Au cœur des débats : une retenue de 150 000 m3 d’eau. Derrière l’enjeu d’accès à l’eau potable défendu par les instigateurs, la mobilisation citoyenne et le travail associatif ont permis de découvrir qu’il s’agissait surtout de produire un enneigement artificiel de la station de sports d’hiver, qui, de surcroit, aurait conduit à la destruction de huit hectares d’habitats naturels.

Qu’est-ce qui, ici, a fait pencher la balance en faveur des défenseurs de l’environnement ? Leur niveau d’expertise et leur convergence vers un objectif commun. Pour parvenir à déjouer la construction de la retenue collinaire, « la première chose, c’est de creuser le sujet, de le maîtriser », explique Fiona Mille, présidente de l’association Mountain Wilderness France. « En maîtrisant le sujet, on gagne en légitimité », dit-elle encore, expliquant trouver un relai fort utile sur le terrain par le biais des collectifs citoyens. À La Clusaz étaient mobilisés Mountain Wilderness France, France Nature Environnement, la Ligue de Protection des Oiseaux mais aussi les collectif Fiers-Aravis et La Nouvelle Montagne.

Cette convergence est déterminante pour s’informer puis sensibiliser sur le terrain. « Ce regroupement est puissant », assure Valérie Paumier de Résilience Montagne, « car cela permet de toucher différentes cibles ». À tel point que les militants du mouvement Extinction Rebellion France se présentent d’eux-mêmes pour occuper physiquement le terrain. Grâce à ce travail collectif, le juge du tribunal administratif de Grenoble suspend en 2022 les autorisations délivrées pour l’aménagement de la retenue. « L’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite », conclut-il. Trois ans plus tard, le 24 septembre 2025, le projet est définitivement abandonné. Une décision majeure qui pourrait faire jurisprudence dans d’autres cas similaires.

Projet vague artificielle Aix-les-Bains
(Okahina Wave)

A Aix-les-Bains, la vague artificielle du lac du Bourget submergée par une pétition en ligne

Décembre 2021, le fondateur de la société Okahina Wave jette l’éponge… après avoir annoncé le lancement de son projet à peine deux mois plus tôt, le 15 octobre 2021. Son plan : installer une infrastructure légère flottante se positionnant sur des plans d’eaux existants. Autrement dit : créer un parc de vagues artificielles en Savoie, à Aix-les-Bains, dans le lac du Bourget – un site considéré comme réserve de la biosphère par l’UNESCO – afin d’y surfer toute l’année. Le projet serait presque en phase avec les enjeux écologiques actuels : l’infrastructure légère flottante se positionne sur des plans d’eaux existants sans les dénaturer, soutient Okahina Wave. Insuffisant pour les locaux ! À l’époque, le maire de Brison-Saint-Innocent, une petite commune autour du lac, résume bien la situation : « Si on laisse s’implanter ce type d’activité, c’est quand même un coup de canif donné dans l’équilibre qu’on avait trouvé sur la gestion des activités plutôt douces sur le lac ».

La mobilisation citoyenne s’organise, relayée par les ONG, dont France Nature Environnement Savoie. Une pétition récolte plus de 21 000 signatures… soit plus d’un habitant sur quatre de l’agglomération Grand Lac, le regroupement des 28 communes autour du lac qui compte environ 72 000 âmes. Devant l’opposition, la société Okahina Wave se retire : « Le lieu est sensible, ce n’est pas le meilleur endroit, les conditions ne sont pas réunies et nous n’irons pas à l’encontre des Aixois et des riverains du lac du Bourget ». Des clics, des signatures numériques et le plus grand lac naturel de France demeure protégée. Aujourd’hui, la mobilisation se joue aussi en ligne.

Projet de surfpark à Sevran.
Projet de surfpark à Sevran. (Atelier Interscene, master plan & paysage / Studio Muoto, architectes urbanistes).

A Sevran, en banlieue parisienne, des citoyens appelés en conseil municipal font échouer un surfpark

Plus tôt, en 2021, un autre projet de « parc à vagues » avait échoué. Le surfpark de Sevran, en Seine-Saint-Denis, était piloté par le promoteur immobilier Linkcity, filiale de Bouygues, pour une opération totale de 250 millions d’euros. Hormis le parc, le projet visait l’urbanisation d’une enclave de 32 hectares… de terre agricole. Le surfpark en particulier était décrié pour sa « voracité énergétique » selon les mots du président d’Environnement 93. Un conseil participatif composé de 28 membres – citoyens, futurs usagers du site, représentants d’association et élus – est alors appelé en conseil municipal.

Verdict : c’est non pour le surfpark en région parisienne. « Une belle victoire et surtout la démonstration que les concertations citoyennes peuvent être un outil utile pour lutter contre des projets qui ont un impact négatif pour l’environnement en redonnant du pouvoir aux habitants », se réjouissait alors Environnement 93. Une stratégie qui s’inscrit complètement dans l’ADN de Protect Our Winters France, explique Antoine Pin, le directeur des opérations de l’association : « la politique, c’est la possibilité d’avoir un impact sur son milieu de vie à travers les politiques municipales notamment, que ce soit en termes de sobriété énergétique, de mobilité, d’alimentation et de tout ce qui touche au quotidien. Je pourrais ainsi vous parler de la fois où on a fait envoyer plus de 15 000 e-mails à tous les députés français pour leur faire comprendre que le rapport du GIEC, c’était pas pour faire joli, mais qu’il fallait l’adapter directement dans les politiques publiques. Ça a permis de recréer du dialogue entre les députés, les citoyens et les citoyennes, qui n’avaient jamais vraiment pris conscience qu’ils pouvaient communiquer en direct avec leurs députés. On aimerait bien créer les conditions pour permettre un dialogue local apaisé et effectif. Il y a un gros enjeu à se mobiliser pour ne pas perdre cet échelon-là et aider les élus locaux à répondre mieux aux besoins des habitants et des habitantes, en montagne ou ailleurs ».

En stations, des victoires à confirmer

Villard-de-Lans avec son projet de l’Ananda Resort.
La société présidée par Tony Parker, veut faire évoluer la station de Villard-de-Lans avec son projet de construction de l’Ananda Resort. (Ananda Resort)

A Villard-de-Lans, le combat continue après un premier succès

Villard-de-Lans est au cœur d’une guerre dont la mobilisation citoyenne a gagné une première bataille. Le 15 septembre 2025, le préfet coordinateur du massif des Alpes a rejeté la demande d’Unité touristique nouvelle structurante (UTNS) que Tony Parker, ex-basketteur star, avait déposée pour cette station du Vercors. Avec ses 17 597 m2 et près de 700 lits, le complexe hôtelier de luxe a été recalé car jugé « manifestement excessif », sans parler des lacunes environnementales relevées dans le dossier, notamment au sujet de la gestion de l’eau.

Parmi les éléments qui ont fait pencher la balance : une mobilisation citoyenne importante lors d’une consultation publique organisée en ligne, entre le 31 mars et le 30 avril 2025. « Il y a eu 3 614 avis exprimés », détaille un membre du collectif Vercors Citoyen, « 79% d’entre eux étaient négatifs ». Là encore, avant de prendre la parole ou de s’opposer à un projet, la compréhension et la pédagogie sont primordiales. Chez Vercors Citoyen, on estime qu’il est déterminant « d’entrer dans le détail pour comprendre puis pour vulgariser auprès des gens tout en leur disant de s’exprimer, qu’ils soient pour ou contre ». Fiona Mille, de Mountain Wilderness France, renchérit : « L’important, c’est de rassembler largement des personnes attachées à un territoire, de fédérer ». Quant au mode d’action ? « Cela varie, la voie juridique n’est pas toujours la bonne, la désobéissance civile non plus, ni le plaidoyer… En revanche, une alliance des différentes méthodes permet de créer un mouvement », est-elle convaincue.

Le dossier est toujours en cours après cette première victoire citoyenne. Mais la Communauté de communes du massif du Vercors, qui soutient le projet de l’ex-basketteur, et la Société d’Équipement de Villard-de-Lans et Corrençon (SEVLC), dont Tony Parker est actionnaire majoritaire à travers sa société Infinity Nine Mountain, peuvent faire appel de la décision préfectorale. Pour l’ancien meneur des Spur c’est un coup dur, mais son dossier n’est pas définitivement enterré, car il dispose de plusieurs cartes. A savoir : déposer un dossier remanié, plus modeste et mieux étayé en matière environnementale. Ou faire un recours contentieux devant le tribunal administratif de Grenoble, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêté. Voire un recours gracieux ou hiérarchique, adressé au préfet ou au ministre, qui pourrait permettre de rouvrir la discussion.

Mais il va devoir batailler, car face à lui, plusieurs pistes sont actuellement sur la table, toutes frontalement opposées à sa vision « resort ».

  • Une candidature concurrente pour la gestion du domaine skiable (DSP, échéance 2026), portée par Augustin Dufaure de Lajarte. Sa proposition se veut « d’un enfant du pays » et vise une stratégie « quatre saisons » centrée sur la clientèle locale/régionale dont nous vous exposions les grandes lignes en août.
  • Des dossiers plus modestes, comme le Hameau des Arolles à Corrençon, axés sur la rénovation et la création d’hébergements de taille réduite.
  • Sans parler de scénarios alternatifs portés par des associations : rénovation des « lits froids », diversification vers la randonnée, le VTT, le trail, un tourisme moins dépendant des grands complexes.

A ce jour, rien n’est donc joué. Mais la délégation de service public pour la gestion du domaine skiable sera attribuée en juin 2026, et les élus locaux pourraient privilégier un projet jugé plus sobre et plus respectueux du territoire.

3eme tronçon du téléphérique de La Grave
Le projet d’extension du téléphérique de la Grave. (La Grave)

A La Grave, la construction d’un troisième tronçon du téléphérique repoussée

Le projet d’extension du téléphérique de la Grave, dans les Hautes-Alpes, divise. D’un côté, la Société d’aménagement touristique de l’Alpe d’Huez (SATA) souhaite construire un troisième tronçon au téléphérique existant afin d’atteindre le Dôme de la Lauze, à plus de 3 500 mètres, pour remplacer l’usage d’un téléski obsolète. Dans la foulée, serait reconstruit le restaurant d’altitude au niveau de la gare de départ du futur téléphérique, mais on verrait aussi la création d’un glaciorium, lieu de conférences, d’expositions sur la haute montagne, la vie des glaciers et le réchauffement climatique. Coût de l’opération ? Environ 15 millions d’euros. Or, pour se faire, il faut ériger un pylône… sur une zone où se trouve une plante protégée : l’androsace du Dauphiné.

Un projet global écocide s’insurgent le collectif La Grave Autrement, Mountain Wilderness France, la Ligue de Protection des Oiseaux ou encore France Nature Environnement. Ensemble, c’est sur le terrain juridique qu’ils bataillent. Mais pas que, l’automne 2023, une ZAD s’installe sur le glacier de la Girose. Le projet est suspendu depuis. L’affaire est censée évoluer vers une phase de concertation pour « interroger le modèle proposé », mais elle est loin d’être tranchée sur le fond. « L’enjeu est culturel, quel est notre rapport à la montagne ? Quelle est notre vision ? », s’interroge Fiona Mille, de France Wilderness France.

Les territoires de montagne, qui représentent près de 25% de la France métropolitaine, sont donc plus que jamais au cœur des débats. Et pour cause, la montagne est particulièrement exposée au réchauffement climatique et les dossiers environnementaux sensibles n’y manquent pas. Parmi les sujets chauds à venir, on pointe la situation du plateau de Cenise, par exemple, en Haute-Savoie, où un projet de domaine de ski nordique sur un site classé en partie Natura 2000 commence à cristalliser les tensions. Mais aussi celle de Corrençon-en-Vercors : comme la commune voisine de Villard-de-Lans, son domaine skiable a été racheté par Tony Parker. Il pourrait devenir le théâtre d’un nouveau projet immobilier. Dans un autre registre, Antoine Pin, de Protect Our Winter France, cite aussi l’UTMB à Chamonix, « un événement qui suscite de plus en plus d’émoi localement » et qui pourrait être « l’objet de blocage » à l’avenir.

Mais ce tour d’horizon ne serait pas complet sans la mention de deux sujets que les associations et ONG que nous avons consultées placent en première ligne aujourd’hui et pour les mois à venir. A commencer bien sûr par les Jeux Olympiques 2030. Lancé sans aucune concertation citoyenne, ce projet avance au pas de charge et ne peut que continuer de susciter une forte opposition sur le terrain. Enfin, personne n’a oublié que 2026 va être une année décisive avec l’organisation des élections municipales. Collectifs de citoyens, associations et ONG auront fort à faire pour rappeler que les enjeux climatiques sont aussi des enjeux sociaux et économiques.

Photo d'en-tête : Antoine Mesnage / Médias Citoyens Diois
Thèmes :
Environnement
Politique
Société

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