Les chiffres sont vertigineux, mais on ne doit pas s’arrêter là. Car en bouclant States of Elevation, son dernier projet absolument titanesque, Kilian Jornet semble être allé chercher, une fois plus, à repousser ses limites physiques, mais aussi à vivre une expérience philosophique, voire politique, dans tous cas, engagée, comprend-on à l’issue de son périple qui l’a conduit des montagnes du Colorado à la Sierra Nevada, jusqu’au Mont Rainier. Soit l’équivalent de plusieurs Tours de France et de dizaines de marathons, mais tous à haute altitude. Et ce, en marge d’un programme environnemental très étudié. Un format hybride inédit pour l’athlète espagnol.
Avouons-le, depuis son départ le 3 septembre, on avait un peu de mal à suivre Kilian Jornet parti gravir les 72 sommets de plus de 4 000 mètres (14 000 pieds) des États-Unis continentaux, sans autre moteur que le sien. Comme pour son projet alpin, l’année dernière, les informations étaient distillées au compte-gouttes, et toujours avec un temps de retard. Aussi en a-t-il surpris plus d’un cet après-midi en annonçant qu’il avait bouclé States of Elevation, son périple américain. « Imaginé comme une ligne sur une carte », il vient de tracer les contours grandeur nature en seulement trente jours.
Résultat : 5 145 kilomètres parcourus, dont 4 133 à vélo et 1 011 à pied, et 123 045 mètres de dénivelé positif
« Quand j’ai commencé ce projet, ce n’était qu’une idée sur une carte. Aujourd’hui, au-delà des chiffres, c’est une aventure immense et humaine — une façon de découvrir des lieux qui sont devenus très spéciaux pour moi », confie-t-il.
Après un court teasing cet été, l’annonce de son troisième grand projet avait étonné. Exit l’Europe, les Pyrénées et les Alpes, c’est vers les Etats-Unis qu’il annonçait mettre le cap. Le 3 septembre dernier, il prenait donc le départ au Longs Peak, dans le Colorado pour, un mois plus tard, rejoindre le Mont Rainier, dans l’État de Washington. Entre les deux : rien moins que les Rocheuses, les déserts de Californie, la Sierra Nevada, les forêts du Nord-Ouest Pacifique. Pas de record en vue, disait-il – même si au passage il a gratté un FKT ! – mais « une manière d’explorer autrement ».
J’ai été émerveillé par la nature sauvage, la faune, et la diversité des paysages. J’ai aimé le faire seul, mais aussi partager des moments avec des amis venus m’accompagner sur leurs terrains de jeu (…). Chaque kilomètre et chaque sommet renforcent ce lien avec la nature, inspirant émerveillement, humilité et sentiment d’appartenance.
Et à ceux qui s’étonnaient alors de le voir prendre un avion pour aller courir – ce qui n’est plus vraiment dans ses habitudes ces dernières années – il rappelait qu’en parallèle de cette traversée, sa fondation accompagnait le projet sur un autre terrain : celui de l’action environnementale et communautaire. Au total, quatre événements “Running Minds” et deux journées de restauration de sentiers ont rassemblé plus de 500 participants à travers plusieurs États américains. « La fondation a collaboré avec 21 organisations partenaires autour des thèmes de la reconnexion à la nature, de la résilience et de la préservation des terres publiques ( …). Les participants ont signé 79 cartes adressées aux législateurs, plaidant pour la protection des espaces naturels. », », précise le communiqué de presse diffusé aujourd’hui. Pas insignifiant à l’heure où l’administration Trump s’acharne à ouvrir à l’industrie les parcs nationaux et tant d’autres zones naturelles protégées.
Et maintenant ? Avec States of Elevation désormais bouclé, « Kilian Jornet compte lever le pied quelques semaines avant de réinventer de nouvelles lignes et de nouveaux sommets », apprend-on. Après l’exploit qu’il vient d’accomplir, on peine à imaginer la suite.
States of Elevation : des chiffres vertigineux
Au total, States of Elevation représente l’équivalent de plusieurs Tours de France et de dizaines de marathons, mais tous à haute altitude. Si 80 % de la distance totale ont été parcourus à vélo, près de 60 % du temps d’effort s’est déroulé à pied, à raison d’une moyenne de 15 heures de mouvement par jour.
- Distance totale : 5 145 km (soit 3 198 miles)
- Sommets de plus de 4 267 m (“fourteeners”) : 72
- Temps de déplacement cumulé : 488 h 52 min 07 s
- Dénivelé positif total : 123 045 m (soit 403 740 pieds)
- Durée du projet : 31 jours