Vendredi 16 août, un collectif d’alpinistes anonymes a suspendu un drapeau palestinien de 145 m² dans la face ouest des Drus, à Chamonix. Une action spectaculaire dans l’un des murs les plus emblématiques du massif du Mont-Blanc, destinée à dénoncer l’inaction internationale face à la tragédie en cours à Gaza.
Du haut de ses 3754 mètres de granite, les Drus dominent la vallée de Chamonix. Suspendre un drapeau sur la face ouest, c’est utiliser l’un des symboles de l’alpinisme pour porter un message au-delà de la montagne. Le collectif explique avoir voulu « utiliser le langage des alpinistes » pour rompre le silence : « La montagne ne peut rester muette face à un peuple en train d’être exterminé. » L’installation devait durer trois jours, mais les autorités ont rapidement mobilisé un hélicoptère pour tenter de décrocher la bannière, visible de très loin depuis la vallée.
« Aucune montagne, aussi haute soit-elle, ne peut cacher la vérité »
Dans le communiqué accompagnant l’action, les alpinistes rappellent les chiffres publiés par l’ONU : plus de 62 000 morts à Gaza depuis octobre 2023, dont une majorité de femmes et d’enfants. Le texte dénonce une stratégie « correspondant aux caractéristiques d’un génocide », et appelle la France à exercer une pression diplomatique et économique forte sur Israël. Le collectif réclame aussi que les athlètes israéliens concourent sous bannière neutre, comme ce fut imposé aux Russes après l’invasion de l’Ukraine.
La montagne, nouvelle tribune politique
Ce printemps encore, aux États-Unis, El Capitan, dans le parc du Yosemite, a été le théâtre de plusieurs actions militantes. En juin, une banderole anti-Trump y avait été déployée, poussant les autorités à interdire tout drapeau militant sur ses parois.
En France aussi, la montagne a déjà servi de support à ce type de mobilisation : en 2024, l’opération « 100 sommets pour Gaza » avait vu des drapeaux palestiniens hissés du Vercors aux Monts d’Arrée, en passant par la Lauzière ou l’Ubaye. Le geste mené aux Drus s’inscrit donc dans une continuité de prises de parole symboliques en altitude.
Un silence trop lourd de la communauté outdoor
Des initiatives courageuses, venues de grimpeurs, d’alpinistes ou de surfeurs, qu’on ne peut que saluer. Ceux-là prennent la parole sans se soucier de perdre des sponsors, des followers ou du chiffre d’affaires. Mais à l’échelle du milieu, le contraste est frappant : quand, du basket au foot en passant par le tennis, des voix puissantes s’élèvent depuis des mois pour dénoncer le sort réservé aux Palestiniens de Gaza, l’outdoor reste en retrait.
Des athlètes aux marques, rares sont ceux qui affichent publiquement leur indignation face à ce que l’ONU qualifie désormais de « génocide en cours ». Jusqu’ici, ces seuls quelques gestes isolés ont troublé ce silence. Mais ces initiatives, fortes symboliquement, ne suffisent à briser l’impression générale d’indifférence.
En juin dernier, nous publiions une tribune appelant le monde de l’outdoor à sortir de son silence face à Gaza (Face à la tragédie de Gaza, le trop lourd silence de la communauté outdoor).
Et après ?
On ignore encore les suites judiciaires de cette opération, menée dans une zone réglementée du massif du Mont-Blanc. Mais elle confirme que l’outdoor est désormais une scène politique à part entière.
« Suspendre ce drapeau, c’est rappeler qu’aucune montagne, aussi haute soit-elle, ne peut cacher la vérité », écrit le collectif. Aux Drus, l’un des symboles de l’alpinisme mondial, l’image aura frappé les esprits bien au-delà de la vallée de Chamonix.
Photo d'en-tête : Le collectif d'alpinistes anonymes