Il y avait un avant et un après « Zabardast », film produit en 2018 par la marque de vêtements de snowboard, de ski, de surf et d’outdoor. Il y aura un avant et un après « Chronoception ». Tourné au fin fond du Kirghizistan, ce 55 minutes affichant les riders Thomas Delfino, Aurél Lardy et Léa Klaue, n’hésite pas à mélanger les genres. Parfaitement réussi et bien dans l’esprit d’une marque qui depuis sa création en 2008 n’a jamais hésité à faire bouger les lignes.
(Presque) aussi attendu que la neige, les docs de Picture, inspirants et porteurs d’un message fort, marquent chaque saison. En 2018, c’est « In Gora », un mois de trip à bord d’un bus aménagé. 6000 kms, 13 pays visités, 10 riders, des problématiques environnementales locales et beaucoup de très bons moments : la recette de Picture est posée, et ça fonctionne. La même année arrive en salle « Zabardast », carnet de voyage intime d’une incroyable expédition de freeride au cœur du Karakoram. Le film, réalisé par Jérome Tanon, rafle les prix dans les festivals. Cette aventure humaine tellement isolée, tellement haute, tellement engagée qu’aucune erreur n’était permise parle immédiatement aux riders, mais aussi à une communauté bien plus large de personnes engagées contre le changement climatique.
Elles ne seront pas déçues non plus par les documentaires suivants dans lesquels on retrouvera le leitmotiv de la marque « faire rêver, inspirer le changement, faire état des problèmes environnementaux actuels et montrer des solutions. ». En 2019, Picture produit ainsi « Shelter » où l’on voit Mat Schaer, Léo Taillefer et Thomas Delfino, accompagnés par la légende Jeremy Jones et le suisse Levi Luggen parcourir les Alpes en transport en commun, et à la simple force de leurs jambes. L’objectif : profiter de leur passion avec un minimum d’impact et montrer que les solutions existent à l’heure où les principales émissions des stations de ski sont liées aux personnes y accédant en voiture. 2020, année creuse pour beaucoup, pas pour Picture qui nous sort du confinement avec l’étonnant « Made in Voyage », road trip ski hors du temps. Il sera suivi du très engagé « Wave of change », surf trip de Damien Castera à bord du Low-tech Lab, puis de « Home lines », une petite histoire simple et sans prise de tête, « une aventure entre copains dans nos montagnes », dixit Picture.
Bien dans l’esprit de la « Picture Family »
Alors forcément, on se demandait où on allait être transportés cette année. Et bien… au bout du monde, dans le Kirghizstan, sous la direction cette fois de Guillaume Broust, un des membres de la Picture Family. Joyeuse et bruyante communauté réunie au fil des ans par les fondateurs de la marque, Julien Durant, Vincent André et Jérémy Rochette, trois jeunes passionnés d’outdoor. Elle compte des snowboarders, skieurs, surfeurs, explorateurs, aventuriers, photographes, vidéastes, artistes, navigateurs, activistes, et des environnementalistes. Leur point commun ? Faire bouger les lignes à travers leurs passions et se retrouver dans la philosophie de Picture : « Ride, Protect, Share ». « Rider » via des expériences uniques, originales. « Protéger » car depuis sa création en 2008, l’entreprise s’est donnée pour mission de maîtriser son impact environnemental, sortir des modèles conventionnels de production et promouvoir une consommation responsable. Ce qui se traduit notamment par l’usage de matières premières responsables et durables, une décarbonation de l’ensemble de la chaine de fabrication, une stratégie packaging sans plastique, ou encore par une garantie de réparabilité à vie sur ses produits ; sans parler, tout récemment, d’un système de location. Et enfin, « Partager » : les bonnes expériences, mais aussi les bonnes pratiques, sans tomber dans le discours moralisateur.
Car, bien sûr, Picture pourrait faire la liste des labels durables acquis au fil des années, qui la placent aujourd’hui parmi les entreprises de l’outdoor les plus vertueuses, mais cette marque qui vise à utiliser le business comme une force pour avoir un impact positif, préfère faire passer son message autrement. Et c’est précisément ce qu’elle a fait en donnant carte blanche au rider Thomas Delfino, à l’origine du projet « Chronoception », et au réalisateur Guillaume Broust, également à la caméra de ce film hors normes. Non sans prendre quelques risques comme on va le voir.
Des accès compliqués, des faces raides jamais skiées
« C’est l’histoire d’une expédition hors du temps », explique-t-il. « Une expédition au sens propre – au fin fond des montagnes reculées du Kirghizistan – comme au sens figuré – un projet qui aura mobilisé plus de deux ans de production. Flash Back : 2021. Thomas Delfino, pro rider me contacte pour réaliser un film documentaire de ski dans un pays lointain et inexploré. Une expédition de la trempe de ‘Zabardast’ avec des accès compliqués, des faces raides jamais skiées et une météo plus qu’incertaine. Bref, un projet de grande ampleur. Pas mal de problèmes géo-politiques et une pandémie plus tard, nous partons au printemps 2022 pour le Kirghizistan en suivant les anciennes Routes de la Soie, sur les traces des premiers explorateurs du XII° siècle. L’idée est de rejoindre les montagnes reculées du Kokshaal-Too, dans la région du Tian Shan, à la frontière entre le Kirghizistan et la Chine. Là-bas, tout au fond, se dresse le Kyzyl-Asker. Un sommet culminant à 5842 mètres, une gigantesque pyramide que Thomas rêve de pouvoir descendre à ski ».
Une solide équipe est constituée. Thomas Delfino comme chef d’expédition. Aurélien Lardy en jeune skieur chamoniard, accro à la pente raide et à la glace noire. Léa Klaue, snowboardeuse du Valais-d’à-côté et courageusement seule fille à bord du Kamaz. « Pour les guides de haute-montagne, nous nous entourons d’Hélias Millerioux, Himalayiste de renom et Piolet d’Or au Nuptse. Et enfin de Jean-Yves « Blutch » Fredriksen, explorateur surdoué, pourfendeur de big walls et une des très rares personnes à avoir traversé l’Himalaya en autonomie totale avec son parapente, et de surcroît la seule personne avec un violon… Jérémy Bernard nous accompagne en tant que photographe et Pierre Frechou aka La Frech en tant que cadreur supplémentaire, qui était déjà au Pakistan pour Zabardast ».
« Nous allons marcher. Beaucoup. Beaucoup marcher »
« Mais qui dit expédition dit forcément aléas, sinon ce ne serait pas une expédition. Et nous plantons notre bus dans la boue, un vieux Kamaz à six roues motrices, à plus de 40 km de notre camp de base. C’est à pied que nous allons franchir ces immensités, rayées de rivières tumultueuses et bordées d’horizons infinis. La note est donnée. Nous allons marcher. Beaucoup. Beaucoup marcher.
Les distances sont longues, les sacs sont lourds. Les steppes kirghizes s’étendent devant nous, sans fin. Nous abandonnons notre objectif principal, forcés de constater que nous n’avons pas l’équipe pour réaliser ce genre de sommet. La production du film, les recharges de batteries, le poids des sacs est incompatible avec une expédition en style alpin. Heureusement, Thomas a plus d’un tour dans son sac à dos et nous nous dirigeons vers de superbes sommets qui se profilent dans les vallées adjacentes. Pyramida, Pony et Papillon de Nuit.
Le rapport au temps varie selon les évènements. Le temps s’allonge lors du voyage, de la route, de la marche, des portages. Mais on tend à l’absorber dans son inconscient, à l’oublier. Il paraît infini dans les camps, sous la neige qui tombe, les montées pas à pas dans la pente, les cols qui se succèdent. Et puis d’un coup tout s’accélère. L’arrivée au sommet. Grisé par l’adrénaline, l’altitude, le stress. Le temps se détend lors de la préparation, on vérifie chaque détail. Et puis on droppe. Et le temps se fige. Le temps semble aussi s’arrêter quand les musiciens jouent, comme dans une sorte de transe chamanique », poursuit Guillaume Broust. « Dans la pente, quelques virages, une ligne. Ce temps qui paraît dans l’absolu si court, et pour autant qui restera gravé dans nos mémoires à jamais. C’est ce paradoxe dont il est question, entre le temps si long d’une expédition, et le temps si court et intense d’une descente ».
La faible autonomie du drone, un facteur de stress pour les skieurs
« La gestion du matériel est un facteur important à prendre en compte en expédition, en plus de la sécurité du groupe, de la météo, de la nivologie et des attentes du côté sportif », poursuit-il. « Les sauvegardes des images doivent être faites régulièrement. Pour les camps avancés, nous prenons des panneaux solaires qui servent à recharger nos batteries de caméras et de drones. Le drone est clairement un facteur de stress pour l’équipe média (crash, perte du signal, perte des données etc.). Mais il l’est aussi pour les skieurs, car aux vues des distances, le drone ne peut voler que 5 minutes sur site et implique une sérieuse coordination durant les descentes. Par contre, l’histoire étant écrite à l’avance, il est plus simple de savoir où aller en termes de création artistique. Une fois l’expédition terminée, nous revenons à la civilisation après trois semaines seuls dans la montagne, et prenons le temps de partager la vie locale, les coutumes et les traditions. Nous avons la chance de pouvoir filmer des danseuses et des musiciens locaux, qui sera la clef de voûte du projet artistique. Pour la partie storytelling, je souhaitais que l’histoire soit racontée par l’allégorie du temps. Une sorte de personnage incarné, une métaphore qui peint le film et le raconte au fur et à mesure du déroulé ».
Etrange et envoutant fil conducteur pour ce film conçu à la manière d’une fable contemporaine nous immergeant dans la culture Kirghize, peuple nomade et chamanique. « Comme une ode à l’aventure, celle que vivaient les premiers explorateurs qui peignaient à l’aquarelle dans leur carnet de voyages, la rencontre du monde et de ses peuples. », conclut le réalisateur. De ce voyage hors du temps servi par un montage très précis, on sort encore ébloui par les images, et porté par une bande son magnifique, (une des marques de fabrique de Guillaume Broust) avec dans la tête comme une envie de prendre le large et de rejoindre la Picture Family pour rider ces lignes parfaites.
Pour voir le film en salle
Festival | Date | Lieu | Ville, Pays |
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High Five Festival | 01/10/2023 | Pathé Annecy | Annecy, France |
Picture Outdoor Night | 05/10/2023 | Arkose Nation | Paris, France |
Tegernsee International Mountain Film Festival | 18/10/2023 | Tegernsee Castle | Tegernsee, Allemagne |
We love POW POW | 19/10/2023 | Pathé Grenoble | Grenoble, France |
Xplore Alpes Festival | 20/10/2023 | Le Coeur d’Or | Bourg-Saint-Maurice, France |
We love POW POW | 22/10/2023 | Pathé Chambéry | Chambéry, France |
We love POW POW | 26/10/2023 | Pathé Annecy | Annecy, France |
Xplore Alpes Festival | 27/10/2023 | Le Coeur d’Or | Bourg-Saint-Maurice, France |
Image Montagne Festival | 01/11/2023 | Espace Chambaud | Lons, France |
We love POW POW | 02/11/2023 | Pathé Bellecour | Lyon, France |
We love POW POW | 03/11/2023 | Les Toiles du Lac | Aix-les-Bains, France |
Champéry Film Festival | 10/11/2023 | Palladium | Champéry, Suisse |
Rencontres Ciné Montagne | 10/11/2023 | Palais des Sports | Grenoble, France |
Rencontres de la Cinémathèque de Montagne | 25/11/2023 | Le Quattro | Gap, France |
Skimetraje | To be confirmed | Palacio de Baluarte | Pamplona, Espagne |
Graz Mountain Film Festival | To be confirmed | Congress | Graz, Autriche |