Fabriquer de la wax « durable », réparer une planche de surf avec du mycélium, l’appareil végétatif du champignon… Damien Castera, surfeur pro et aventurier, n’a pas chômé lors de son aventure à bord du Nomade des mers, bateau laboratoire des low tech de Corentin de Chatelperron. De quoi nourrir un passionnant documentaire de 40 minutes où l’on voit Damien se nourrir de criquets au piment avant d’attaquer une session au large du Mexique, et Corentin surfer « comme une grenouille », entre deux expériences pour tester des technologies plus respectueuses de l’Homme et de la planète. Un film réalisé par Pierre Fréchou et produit par Picture Organic Clothing, à découvrir dès aujourd’hui en accès libre.
« Je croyais que j’étais plutôt du genre actif », raconte Damien Castera, « mais en fait, à bord du Nomade des mers, j’ai eu l’impression d’être limite méditatif. Coco (Corentin de Chatelperron, ndlr) et son équipe, ne s’assoient jamais ! » Sur ce bateau laboratoire, y a toujours quelque chose à faire en effet pour assurer le bon fonctionnement de son éco système et la mise en oeuvre de nouvelles expériences. En s’attaquant à l’écriture de « Wave of change », le free surfeur pro, membre de la société des explorateurs français – déjà rôdé à la réalisation sur sept films documentaires basés sur diverses expéditions – partait avec un triple objectif : naviguer, vivre en autonomie complète en expérimentant les nombreuses inventions du Low tech lab à bord et … surfer les meilleurs spots de Bahia de Huatulco dans l’État de Oaxaca au Mexique. En bref, dit-il, « mélanger deux domaines d’expertise, le surf et les low tech. »
Cap sur la Bahia de Huatulco
Le surf, il s’en chargeait. Et le timing le servira. Lorsqu’il embarque sur le bateau de Corentin dans une aventure soutenue par leur sponsor commun, Picture Organic Clothing, en octobre dernier, la planète est figée par le Covid. Le Mexique n’échappe pas à la pandémie. Ce sont des plages désertes, des spots paradisiaques, que le surfer va découvrir au fil de son périple. Pas de grosse houle, mais peu importe, dit-il. Il n’était pas là en quête de performances, mais de découverte. «Quand tu pars, raconte-t-il, tu as toujours le risque de ne pas trouver ce que tu cherches. Mais l’aventure se suffit à elle-même ». Il ne sera pas déçu.
L’aventure sera avant tout celle de l’autonomie. Car à bord du Nomade des mers, véritable centre de recherches flottant parcourant le globe depuis 2015, on met avant tout le cap sur les low tech. Des technologies allant dans le sens de modes de vie plus respectueux de l’Homme et de la planète. Par opposition aux high tech, elles sont peu coûteuses, faciles à appréhender, accessibles à tous et applicables au quotidien. Du four solaire, en pensant par la production de protéines végétales, ou encore la construction d’un smart phone low cost à partir de composants recyclés, Corentin de Chatelperron, jeune ingénieur fondateur du Low-tech Lab, entend mettre en œuvre des programmes de recherche, d’expérimentations et de documentation collaborative. Un projet né de sa propre aventure, apprend-on dans « Wave of change ».
Remettre du sens dans la consommation
En 2010, Corentin travaille au Bangladesh à la construction d’un bateau en fibres naturelles de jute. Pour démontrer l’intérêt de ce matériau, il entreprend une expédition en solitaire et rejoint la France en six mois sur le premier prototype, baptisé «Tara Tari». Au cours de cette aventure, il développe son intérêt pour l’autonomie. Il décide alors de l’expérimenter pendant six mois dans le golfe du Bengale, à bord d’un nouvelle embarcation en jute, «Gold Of Bengal». Au fil de l’eau, il constate l’ingéniosité déployée de par le monde pour répondre de façon simple, accessible et durable aux besoins de tout un chacun… L’intérêt pour les low-tech est né. En 2014, le Low-tech Lab est lancé avec la création d’une plateforme de documentation collaborative et le départ de l’expédition Nomade des Mers : un tour du monde à la découverte de l’innovation low-tech.
« Pour avoir déjà croisé Coco il y a quelques années, je connaissais un peu le sujet », se souvient Damien » « Aussi quand l’idée a germé de le rejoindre à bord et d’associer surf et low tech, ça faisait sens, surtout quand on entend Macron tourner aujourd’hui en dérision les écolos et parler des Amish et du retour à la bougie. Il faut recréer un lien entre l’homme et sa consommation. Remettre du sens dans notre consommation. Or les high tech nous rendent dépendants, contrairement aux low tech », rappelle le surfeur. Sobres et propres, ces technologies se veulent à la fois économiques, fabriquées localement, à faible impact écologique, réparables et font souvent appel à notre créativité. C’est un ensemble de savoir-faire simples, répondant à nos besoins essentiels : alimentation, énergie, eau, santé. C’est l’innovation, mais d’une toute autre façon.
De la wax durable qui tient
C’est donc tout naturellement que Damien, Coco et son équipe – l’architecte d’intérieur belge Caroline Pultz et l’ingénieur breton Guénolé Conrad- se sont penchés sur les applications possibles des low tech dans l’univers du surf. De leurs recherches, et de leurs mains, sortiront ainsi de la wax 100% durable, à base de cire d’abeille, de résine de pin et d’huile de coco. Et un surf recyclé et remis à neuf grâce à du mycélium, l’appareil végétatif
du champignon ! Deux inventions dont Damien et le Low tech lab nous livrent la recette ci-dessous. Sans parler d’une dérive en contre-plaqué de récupération.
« Ça n’a pas été facile », se souvient le surfeur, mais ça marche ! Pour la wax, on a dû trouver un apiculteur, le rejoindre en stop, une vraie mission ! Puis dénicher de la sève de pin. Mais au final, franchement, la wax est quasiment comme la normale. Sauf au niveau de la couleur, marron et non blanche ou de couleur comme d’habitude. On pourrait l’améliorer encore un peu, car il me semble qu’elle part un peu plus vite que la normale, mais ça tient et se conserve plutôt bien. Quant à la planche cassée et jetée au rebus que nous avons réussi à réparer avec du mycélium, Coco a surfé non-stop dessus et il s’est éclaté, même si au niveau style, ce n’est pas encore ça » (rires).
Une nouvelle piste pour la fabrication de planches de surf
Cette idée, Corentin de Chatelperron l’avait en tête depuis 2019. Initialement, c’est l’intégralité de la planche qui devait être fabriquée, et à Cuba. Mais la pandémie interdisant l’accès à l’île, l’équipe se détourne vers le Mexique, plus ouvert. Là, le temps leur est compté et ils ne peuvent pas créer un moule, opération assez complexe, dans lequel serait coulé le précieux matériau avant d’être shapé. Alors, ils s’adaptent et tentent l’expérience d’une réparation. Et ça marche, explique Damien. « Une découverte ! Après deux semaines d’usage intensif, ça ne bouge pas dans l’eau. C’est donc un test de compatibilité de matériaux très concluant qui pourrait ouvrir des perspectives. »
Cette piste passionne le surfeur. Car s’il regrette que toutes ses planches ne soient pas encore en matériaux éco responsables, faute de trouver des produits aussi performants que les boards en résine, notoirement polluants, il suit en effet de près les différentes expérimentations dans lesquelles nombre de surfeurs et shapers se lancent aujourd’hui. Au même titre que Picture Organic Clothing – marque de vêtements outdoor engagée dans une démarche durable, éthique et éco-responsable – auquel on doit la production de « Wave of change ». Marque qui sans trop vouloir se prendre au sérieux, veut faire bouger les lignes. Une approche et un ton que l’on retrouve dans ce documentaire qui, sous couvert d’aventure, parvient à faire passer en termes simples un message complexe mais essentiel.
Envie de vous lancer vous aussi ? Jetez un œil sur les tutos du Low tech lab. Ou découvrez, étape, par étape, le périple autour du monde de Corentin de Chatelperron, parti sur le Nomade mers depuis … 6 ans déjà. A moins que vous plonger dans la fabrication de « wax maison » vous tente. C’est facile ! Les plus téméraires pourront, eux , se lancer dans la réparation de leur board en mode « végétal mais ça, c’est le niveau 3 ! »
Deux recettes low tech pour le surf
Wax maison
Ingrédients:
- 70 g de cire d’abeille jaune (la blanche est à proscrire car trop molle pour cet usage)
- 20 g d’huile de coco (pour la texture)
- 20 g de résine de pin
- 20 g d’eau.
Matériel:
- 1 pilon ou marteau
- 1 casserole
- 2 poêlon pour bain-marie
- 1 bouteille en plastique découpée pour le moule
- 1 spatule pour mélanger
Méthode:
- Ecraser les cristaux de résine de pin au pilon ou au marteau
- Faire chauffer l’eau et la poudre de résine obtenue dans une casserole
- Laisser s’évaporer l’eau
- Mettre la cire au bain-marie
- Y ajouter la résine fondue et l’huile de coco
- Mélanger jusqu’à homogénéisation
- Découper un bas de bouteille et l’utiliser comme moule
- Remplir le moule
- Laisser durcir quelques heures avant de démouler la wax
Réparation d’une planche de surf avec des panneaux en champignon
La culture de champignon:
- Préparation du substrat de culture
Pasteuriser la paille mélangé à du marc de café fraîchement filtré.
Les fibres représentent les briques d’une maison; le marc de café les jointures. - Inoculation dans un environnement stérile
Le substrat étant une excellente nourriture pour beaucoup de micro-organismes, on y insère le mycélium de champignon de manière stérile pour éviter les éléments pathogènes dans l’air ou sur les surfaces. Le mycélium est la partie racinaire blanchâtre des champignons, habituellement logée sous l’écorce d’un bois mort ou dans le sol. - Incubation dans le noir
Le mycélium colonise les fibres cellulosiques et agglomère tous les éléments organiques ensemble. - Fructification
Au bout de quelques semaines, le substrat est devenu tout blanc. Il est alors prêt à fructifier: les primordias (ébauches de champignons) apparaissent et doublent de volume chaque jour. Une fois prêts, les champignons peuvent être récoltés! Bonne dégustation.
Les panneaux en champignon:
- Après la récolte, récupérer le substrat de culture de champignon et l’effriter jusqu’à obtention d’un substrat poudreux homogène et l’humidifier légèrement.
- Ajouter de la farine (10% de masse du substrat humidifié). Les glucides contenus dans la farine permettent de stimuler une deuxième incubation en nourrissant le mycélium à nouveau.
- Ce passage est délicat. Il est important de travailler dans un milieu stérile lors de cette opération (mains propres, vêtements propres, etc.) pour éviter les risques de contamination). Étaler le substrat dans un moule recouvert de bâche plastique transparente lavable et désinfecté au préalable.
- Recouvrir toute la surface du panneau en champignon par la bâche plastique transparente lavable et désinfectée au préalable.
- Aplatir avec du poids et laisser incuber quelques jours.
- Au bout d’une dizaine de jours, le panneau est devenu tout blanc: le panneau est prêt à être déshydraté pour stopper l’activité fongique! La déshydratation se fait au soleil ou au four. Le panneau devient alors inerte comme le bois et hydrophobe.
Réparation d’une planche de surf avec des panneaux en champignon:
- Enlever la partie abîmée de la planche avec une défonceuse.
- Remplacer la partie vide par les panneaux en champignon.
- Envelopper entièrement la planche de résine (écologique si possible).
- Laisser sécher
- La planche est prête à être repeinte et à reprendre les vagues de plus belle.
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