Deux jours après son accident survenu à 5 700 m d’altitude sur le Leila Peak, dans le Karakoram, les secours étaient repartis ce mercredi 30 juillet dans l’espoir de retrouver vivante l’athlète allemande, victime d’une chute de pierres. Malheureusement son décès vient d’être confirmé. Biathlète allemande la plus titrée de la décennie – double championne olympique et septuple championne du monde – elle avait brusquement quitté la compétition en 2019 pour exercer en tant que guide de haute montagne et se consacrer à son autre passion, l’alpinisme et l’escalade. Membre des secours alpins, elle était reconnue pour sa prudence. Elle avait 31 ans.
C’est lundi, vers midi, heure locale, à environ 5 700 mètres d’altitude sur le pic Laila (6 069 m,) au Pakistan, qu’est survenu l’accident qui a été fatal à Laura Dahlmeier, a indiqué mardi le Club alpin du Pakistan. L’athlète allemande grimpait avec sa partenaire, Marina Eva Krauss, lorsqu’elle a été frappée par une soudaine chute de pierres dans la vallée de Hushe, dans la région nord du Gilgit-Baltistan. Selon le média pakistanais Dawn.com, Laura aurait pu communiquer brièvement avec Marina, qui se trouvait légèrement en dessous d’elle au moment du drame, mais cette dernière n’avait pas pu l’atteindre. En raison du danger permanent de nouveaux éboulements, personne n’avait pu dans un premier temps atteindre les lieux pour lui porter secours. Mais lors du survol en hélicoptère, enfin possible le 29 juillet, l’alpiniste expérimentée semblait au minimum grièvement blessée. Aucun signe de vie n’avait été détecté. Et sur les réseaux sociaux, les messages de soutien et d’espoir se multipliaient, l’athlète étant une légende en Allemagne. Ses proches ont dû se rendre à l’évidence, elle n’a pas survécu à ses blessures, vient d’annoncer notamment le site suédois Svenska Dagbladet.
Laura Dahlmeier se trouvait dans la région avec des amis depuis la fin juin. Elle venait de réussir le 8 juillet l’ascension de la Great Trango Tower (6 287 m), l’une des plus hautes parois verticales du monde (plus de 1 300 m de paroi continue). Le Laila Peak constituait le deuxième objectif de cette expédition organisée par l’agence pakistanaise Shipton Trek & Tours. Situé dans la vallée de Hushe, c’est l’un des sommets les plus impressionnants du Karakoram. Sa pente raide et soutenue comporte également de longues sections exposées aux avalanches et se terminant par des falaises verticales.
A 25 ans, couverte de titres, elle laisse tomber le biathlon
Une difficulté qui ne faisait pas peur à une athlète formée à l’école la compétition de très haut niveau, comme elle l’expliquait en octobre dans une interview accordée à Globe Trotter. « J’ai appris à être ambitieuse, à poursuivre mes objectifs et à persévérer, même lorsque la météo n’est pas idéale et que tout me fait mal. Parfois, en biathlon, je ne savais pas comment j’allais courir une course le lendemain, et puis je me retrouvais au sommet. Cela m’aide aussi en alpinisme, bien sûr : quand je pense que je ne peux plus continuer, en fait je sais que j’ai encore de la marge. »
Le biathlon, une passion qui lui était venue un peu par hasard. Pas une évidence à première vue, ajoutait-elle : « Enfant, le Père Noël m’a apporté des skis de fond – j’étais complètement déçue, car je voulais un bobsleigh maniable. J’ai sauté dessus comme sur des skis alpins et je me suis lancé dans la forêt sans m’arrêter. Ce n’était pas drôle. Grâce à un ami de mes parents, j’ai essayé le biathlon et j’étais complètement fascinée. Mais comme le ski de fond fait partie du biathlon, j’ai décidé de réessayer. »
Les résultats ont vite suivi : deux médailles d’or olympiques en biathlon, sept fois championne du monde, de quoi faire d’elle la biathlète allemande la plus titrée de la dernière décennie. Mais en mai 2019, la Bavaroise avait surpris tout le monde en mettant fin à sa carrière de sportive de haut niveau, à l’âge de 25 ans, un an après être devenue la première biathlète féminine à réaliser le doublé sprint et poursuite lors des mêmes Jeux olympiques. À l’époque, elle avait déclaré qu’elle n’avait plus d’objectifs sportifs en tant que biathlète.
« En montagne, j’étais simplement Laura, la personne, plutôt que la biathlète »
Sans surprise pour ceux qui la connaissait bien, elle tourne la page et décide de se consacrer totalement à la montagne, via l’alpinisme, le ski de randonnée, l’escalade et le trail. Passion pour les cimes qu’elle disait tenir de ses parents. « Ma mère était vététiste professionnelle. Elle avait un petit siège enfant à l’avant de son vélo et m’emmenait toujours à l’entraînement. Enfant, j’ai longtemps ignoré l’existence les bacs à sable où s’amusaient les autres petits dans la vallée. Nous, on montait toujours en montagne (…). J’ai fait mes premières longues randonnées de refuge en refuge à sept ans, à travers le Rosengarten et la Brenta. J’adorais les sections de via ferrata, où je pouvais sentir la roche avec mes mains. Plus c’était sauvage, plus j’aimais ça. Mon père m’a aussi emmenée sur le Jubiläumsgrat pour la première fois et a gravi le Höllentorkopf avec moi, par exemple. Déjà en biathlon, j’ai réalisé : en montagne, je trouve une liberté qui me manque parfois en compétition. », confiait-elle. « L’escalade a toujours été l’équilibre idéal. Même à 16 ou 17 ans, mes amis m’emmenaient grimper à Arco, et je pouvais tout oublier. J’étais simplement Laura, la personne, plutôt que la biathlète. Les jours de repos, je grimpais le Waxenstein, je regardais d’en haut et j’essayais de laisser le biathlon rester du biathlon pour une fois. »
Devenue guide de haute montagne, monitrice de ski certifiée et secouriste de montagne, elle put laisser la compétition derrière elle, tout en gardant une forte présence publique. Car si, elle se montrait toujours discrète sur les réseaux sociaux sur ses ascensions, elle s’était rapidement imposée comme une figure publique, en tant que consultante pour la chaîne de télévision ZDF.
En montagne, cette grimpeuse, qui côtoyait le 8 était souvent interviewée sur sa relation au danger. « En escalade, les conséquences sont nettement différentes de celles du biathlon », répondait elle. « Il faut être capable de mieux s’évaluer. Même en amont, c’est beaucoup plus complexe : il faut envisager toutes les éventualités et s’y préparer. Chaque erreur, qu’il s’agisse de ranger son matériel ou de choisir une prise, peut changer votre vie. Parfois, c’est trop pour moi, alors je me tourne vers des sports d’endurance. [Championnats du monde de course en montagne, Transalp en vélo de route ]. Mais dans l’ensemble, j’aime beaucoup ça. Ces défis et la possibilité de me concentrer sur une seule chose – c’est ce qui me rend si attrayant ».
Des podiums olympiques au Karakoram
Laura Dahlmeier était surtout connue pour son immense carrière en biathlon, mais depuis sa retraite sportive en 2019, elle s’était progressivement imposée comme alpiniste de haut niveau et grimpeuse, avec un palmarès discret mais impressionnant – ce qui explique que peu de ses ascensions soient documentées publiquement -notamment en grimpe technique et grandes parois. Parmi ces projets notables, on compte :
La Great Trango Tower (6 287 m, Pakistan) – 8 juillet 2025
La Face nord de l’Eiger – 2025
L’Ama Dablam : FKT (fastest known time, meilleur temps connu) féminin – 2024
L’Aiguille Dibona (Hautes-Alpes, France) – 2023
Le Pik Khorgenevskaia et la face est de la tour Warzmann dans le Pamir/Tien Shan – 2023