« Fast & Light », c’est peut-être ce qui vient à l’esprit en faisant dérouler l’impressionnant CV de l’alpiniste italien qui, à 33 ans seulement, cumule les records de vitesse en solo sur les plus hauts sommets de la planète. Du Val d’Aoste, sa terre natale, à l’Himalaya. Mais ce serait oublier que l’athlète pro de la team La Sportiva est l’un des plus polyvalents aussi, jamais plus heureux qu’en montagne, l’univers de sa famille depuis cinq générations.
Un destin tout tracé. La trajectoire fulgurante de François Cazzanelli n’étonne personne de l’autre côté des Alpes, du côté de Cervinia, où l’alpiniste a grandi et où il vit toujours, au pied du Cervin. Là-bas, le nom des Cazzanelli, pour son père, et Maquignaz, pour sa mère, sont liés depuis plus d’un siècle à la profession de guide de haute montagne et à l’alpinisme. « Il va sans dire que mon parcours ne pouvait que s’inscrire dans les traces de mes ancêtres depuis cinq générations », nous explique un Cazzanelli qu’on arrive à attraper au vol entre deux courses en montagne. De quoi lui donner, à vie, une assurance dont il tire aujourd’hui une inépuisable énergie. « Mes rêves, jeune ? Pour moi, ça a été très facile, très simple », dit-il. « Car j’ai toujours su que me vie serait en montagne. Ici, elle fait partie de notre culture. Je ne suis content, bien avec moi même, que quand je suis en montagne. Sans elle, je ne serais pas tranquille », confie-t-il.
Personne dans sa famille ne l’a poussé à devenir guide. Mais tout l’y préparait. Un père, un grand-père et un arrière-grand-père, tous guides de l’illustre « Società Guide Del Cervino ». Sans faillir, il la rejoint lui aussi en 2012. Presque une évidence quand on fait sa première ascension majeure à six ans, le Becca D’Aran via Carrel, et qu’à 14 ans on grimpe le Cervin par l’arête du Lion. A ses côtés, dès ses premiers pas, son père, Valter Cazzanelli. « Un premier de cordée, c’est lui qui m’a inspiré, m’a éduqué », dit-il. « Un être solaire qui m’a appris à aimer passer du temps dans la nature. De lui, j’ai retenu que là-haut, il faut rester calme, écouter ses sensations et prendre la montagne quand c’est le bon moment ».
« Vivre la montagne à fond mais aussi la partager »
Sur son chemin, François Cazzanelli fera d’autres rencontres, tout aussi marquantes. A 14 ans, c’est Marco Camandona, la découverte du ski alpinisme et plus tard la compétition dans l’équipe nationale italienne. « Quelqu’un de génial, un peu fou, qui aime rigoler. On a pas mal de choses en commun. Il est toujours motivé pour de gros projets, mais avec lui tu es sûr qu’il cherche avant tout à passer de bons moments en montagne, qu’il n’y aura pas de tensions ». Sa plus grande leçon ? « Il faut vivre la montagne à fond mais aussi la partager. Pas la garder pour nous. C’est une chose qu’il faut transmettre aux nouvelles générations ».
Des enseignements qui vont structurer un parcours ponctué d’ouvertures et de premières, souvent avec son compagnon de cordée, Francesco Ratti. En 2017 Cazzanelli est remarqué pour son ouverture d’une nouvelle voie sur le Monta Edgar en Chine. L’année suivante, en 2018, c’est sur le Cervin, son terrain de jeu de prédilection, qu’il ouvre la voie Dirreta allo Scudo. Là aussi qu’on le voit, en août, avec Kilian Jornet relier pour la première fois les Grandes et les Petites Murailles en 10 heures et 59 minutes, une « promenade de santé » de 23 km et 3 300 mètres de dénivelé vertical.
« Je pourrais faire un meilleur temps sur le Nanga Parbat «
Ces records attestent de son niveau exceptionnel. Très vite le jeune alpiniste, inspiré par le Suisse Erhard Loretan, étonne par la longueur de ses ascensions rapides en terrain alpin. Sur les sommets de plus de 4 000 mètres de sa région natale : on pense à l’arête du Cervin réalisée en 16h04 en septembre 2018 avec Andreas Steindl. Mais aussi sur les plus hauts sommets de la planète. A son palmarès notamment : le Manaslu (8163 m) en 17h 43′ en 2019 et, la même année, la Peuterey Integral en 12h 12′. En 2021, c’est l’Ama Dablam (6812 m) en 5h 32′. En 2022 il s’illustre à nouveau en Himalaya avec l’ascension du Nanga Parbat réalisée en 20 heures, sans oxygène. « Un temps que je pourrais encore améliorer, j’en suis convaincu », dit-il. On peut faire mieux, car c’est un sommet dangereux et cette année-là, j’ai fait le meilleur temps possible avec un compromis au niveau de sécurité. Sur cette montagne, tu dois bien gérer les risques, tu ne peux pas passer à n’importe quel moment. Alors y retourner ? Pourquoi pas. Dans son viseur aussi : le K2. « J’y suis allé en 2022, mais je ne l’ai pas fait en style rapide. Au final c’était une grosse expé et à un moment je n’ai plus eu l’énergie et le niveau mental nécessaires et j’ai préféré grimper en profitant de ce beau sommet ». Un nouveau record en perspective ? « J’y pense parfois. Mais des fois non ».
Record. Un mot qu’il n’aime pas trop. « Quand je fais ces ascensions rapides, je ne mentionne jamais le terme de record. En montagne, il y a tant de facteurs qui peuvent affecter ton temps. Alors difficile de comparer. Mais la vitesse, c’est sûr que c’est quelque chose qui m’attire. Elle te donne un sentiment de totale liberté et de force. Tu bouges vite et trouves un équilibre entre toi-même et la montagne. Dans ces moments-là tu as souvent le sentiment d’être « dans le game ». C’est génial. Je suis encore très motivé par ça, notamment sur de gros projets.
« Plus tu vas vite, moins tu t’exposes au danger »
Comme un Benjamin Védrines ne peut on s’empêcher de penser ? « Benjamin, mon très cher ami, est plus complet, plus fort que moi. Lui est plus concentré sur la montagne, il me donne du stimuli, me fait réfléchir, me montre qu’on peut tous tout le temps s’améliorer. Moi, je suis plus instinctif. J’aime plus faire les choses à vue si possible. J’aime la pureté du style, penser une ascension en speed. Ca ne m’expose pas plus je pense. Plus tu vas vite, moins tu t’exposes au danger. Enfin, c’est une question de gestion des équilibres. Ça suppose aussi d’avoir beaucoup d’expérience et d’être très bien préparé physiquement. Avant le départ j’étudie aussi beaucoup mes projets et calcule les facteurs de risques. Depuis quelques semaines je suis père d’un petit Nima, (« lune » en népalais, ndlr), j’en tiens compte, mais en fait j’ai toujours réfléchi à cette question de gestion du risque. L’arrivée de Nima n’y a rien changé, enfin si, au niveau de l’organisation du temps, ça oui » dit-il en riant.
« Alors la préparation, oui ça compte. Sur tous les plans. Avant pour la préparation physique, je m’appuyais sur mon expérience du ski de compétition, mais ça ne suffit pas maintenant. Alors j’ai pris un coach et je vois les résultats. Au niveau matériel, j’aime être léger mais je ne suis pas fixé sur un poids précis. J’ai besoin d’avoir le meilleur matériel possible et surtout le plus fiable, quitte à emporter quelques grammes de plus. Vrai pour tout mon équipement, les vestes ou pantalons de la gamme Alpine Tech de La Sportiva, mais aussi ceux de la ligne Super Couloir que je suis en train de développer avec mon sponsor. Nous les alpinistes, nous sommes des athlètes qui doivent faire le maximum dans les pires conditions. Et l’alimentation ? Là, je suis une catastrophe ! Moi, c’est pizza, café et Nutella ! Pas un exemple, ça non ! ».
Pour en savoir plus sur la collection Alpine Tech de La Sportiva, visitez www.lasportiva.com.
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