Un nouveau logo, « l’orbite », un bleu qui vire au violet : le géant de la distribution fait sa mue de printemps. Mais ce n’est pas que de l’habillage. Derrière ce ravalement de façade : des transformations majeures amorcées en juillet dernier qui prennent forme cette année. De quoi bouleverser encore les pratiques outdoor. Au niveau mondial.
1700 magasins, 59 pays, 100 000 collaborateurs (dont plus de 850 ingénieurs et 400 designers) 15, 4 milliards d’euros de chiffres d’affaires hors taxes en 2022, une croissance en hausse de 12% par rapport à l’année précédente, 900 brevets… C’est du lourd. Alors quand le N°3 mondial de l’équipement outdoor annonce son relooking, on regarde et on décrypte.
Le logo d’abord. Le bleu un peu mou auquel on s’était quand même habitué prend un petit coup de boost avec une pointe de violet. On aime, ou pas. Mais ça se voit. D’autant qu’au graphisme du nom, inchangé, est désormais accolée une très tonique « orbite » qui, explique la marque, « exprime le mouvement, l’ambition d’atteindre de nouveaux sommets, et la circularité, au cœur du modèle d’entreprise durable de Decathlon. »
Au-delà du jargon marketing, qu’est-ce que ça veut dire ? Que Décathlon met le turbo. Voit grand. Et global. Et que certains dans l’outdoor (Nike, N°1 avec 44 milliards d’euros de chiffre d’affaires, Adidas, N°2, 21 milliards d’euros…), feraient bien de se méfier, car la marque ne cache pas ses ambitions de devenir N°1 mondial de l’équipement outdoor.
Comment ? En attaquant sur plusieurs fronts.
Un rôle social
Synthétisé dans le nouveau mantra de la marque : “Move People Through the Wonders of Sport”. En français : « Faire bouger l’Humanité grâce à la magie du sport ». « Décathlon a un rôle social, celui de faire en sorte que chacun puisse avoir accès aux bénéfices du sport. Cette mission peut être la nôtre dans le monde entier.», expliquait déjà en septembre 2022 Barbara Martin Coppola, PDG du groupe, au Figaro. Louable intention, et Décathlon est loin d’être la seule marque à la revendiquer. Reste qu’elle fait incontestablement partie de celles qui ont rendu accessibles au plus grand nombre plus de 80 disciplines, moyennant une large palette de produits vendus à des tarifs raisonnables. Mais à quel prix au niveau mondial sur le plan social et environnemental ? On suivra donc de près l’évolution de l’offre du géant, et ses exigences auprès de ses fournisseurs.
Plus que 9 marques contre 65 en 2021
En juillet dernier le distributeur annonçait son plan stratégique sur cinq ans. Il allait de pair avec une cure d’amaigrissement. « Wedze », « Elops », « Olaian »… des noms familiers pour les amateurs de ski, de cyclisme ou de surf hantant les rayons de Décathlon, allaient disparaitre à terme. Pas les produits, non, mais les marques qu’on allait retrouver regroupées. On parlait d’une douzaine à l’époque. Elles sont neuf au final. Quechua (montagne), Tribord (eau et vent), Rockrider (cyclisme en extérieur), Domyos (fitness), Kuikma (raquette), Kipsta (sports collectifs), Caperlan (nature), Btwin (glisse urbaine et mobilité) et Inesis (sports de précisions), et 4 marques expertes : Van Rysel, Simond, Kiprun et Solognac. On est loin des 65 marques que comptait Décathlon en 2021 ! On devrait donc y voir plus clair.
Une circulation plus fluide en magasins
C’est que nous promet la marque dans les mois à venir. « Plus de 1700 magasins dans le monde entier vont évoluer, offrant aux clients une circulation plus fluide, une meilleure visibilité produits, des affichages physiques et numériques attractifs et un environnement plaisant d’un point de vue esthétique. » Personne ne s’en plaindra, certains magasins ayant tant gagné en superficie que s’y retrouver parfois relève de la grande rando.
Une refonte globale de son site
Un gros chantier que celui du numérique. L’arrivée en mars de la nouvelle directrice générale, Barbara Martin Coppola y est pour quelque chose. La Franco-Espagnole avait laissé alors entendre que ça allait bouger chez Decathlon. Et d’elle la famille Mulliez attendait sans doute de faire ce qu’elle savait faire le mieux : digitaliser et transformer. Il n’y avait qu’à regarder son CV pour s’en convaincre. A 46 ans, elle comptait vingt-deux ans d’expérience dans le digital et la tech. Elle avait déjà œuvré chez Ikea, comme chief digital officer, après être passée par Google et YouTube en France puis aux États-Unis, chez Samsung en Corée du Sud, et Texas Instruments en Europe et au Japon. Pour s’attaquer au site de Décathlon, Barbara Martin Coppola sort donc les armes de guerre. A commencer par la 3D et l’intelligence artificielle bien sûr.
La 3D pour mieux choisir
La 3D, les Américains en ont déjà un avant-goût depuis février via le nouveau partenaire de Décathlon. Tout simplement Apple. Le 2 février dernier la marque à la pomme créait l’événement en dévoilant son tout nouveau casque de réalité virtuelle, l’Apple Vision Pro. Dans la foulée, elle annonçait aussi l’intégration progressive de 600 nouvelles applications dans son système d’exploitation. Parmi elles, celle d’un certain Decathlon. La promesse ? Pénétrer virtuellement dans une tente depuis votre canapé ou « prendre en main » un vélo en 3D dans votre salon. Disponible pour l’instant aux États-Unis seulement, cette innovation pourrait bien arriver en Europe d’ici quelques mois.
L’Intelligence artificielle pour mieux gérer les stocks
S’il est un outil dont Décathlon s’est emparé, c’est l’IA. A juste titre. La marque explique que sa chaîne d’approvisionnement digitale a été « repensée en s’appuyant sur les outils et algorithmes de l’IA pour obtenir des prévisions précises, une planification des réassorts et des paramètres de stocks précis. » Cela aurait déjà permis « des réductions majeures des niveaux de stocks ainsi que de nombreuses améliorations, y compris la réduction des coûts de transport, de l’empreinte carbone, et des délais de livraison. »
Durabilité : un gros chantier, de gros engagements
Le tour d’horizon ne serait pas complet sans le volet environnemental. Tarte à la crème de toutes les présentations de marque aujourd’hui. Mais un point particulièrement sensible pour Décathlon sur lequel le distributeur est très attendu, compte tenu du nombre de ses références (plus de 100 000 en 2021). De leur origine : « On produit 50 % de tous nos produits mondiaux en Chine », précisait en janvier 2023 Matthieu Brière, vice-président de Decathlon Chine. Et des matériaux utilisés. L’industries de l’outdoor étant un grand consommateurs de matières premières et de produits polluants. Et Décathlon n’échappe pas la règle malgré les premiers efforts amorcés ces dernières années. Nul doute dès lors que ses engagements en matière d’environnement seront suivis de près.
« Decathlon cherche à être moteur et s’est engagé à atteindre le Net Zéro d’ici 2050 », écrit la marque qui annonce les objectifs décarbonés suivants :
20% de réduction en émissions de CO2 absolues en 2026.
42% de réduction en émissions de CO2 absolues en 2030 et net zéro d’ici 2050.
Et bien sûr le volet « inclusion »
Enfin, on ne sait si l’arrivée de Barbara Martin Coppola à la tête de Décathlon y est pour quelque chose, mais la marque annonce fièrement que « En 2023, le comité exécutif de Decathlon a atteint la parité pour la première fois dans son histoire, et l’entreprise a pris des engagements inédits pour 2026, y compris pour mesurer la représentativité, l’inclusion et l’appartenance, d’agir dans ces domaines, et d’établir des standards globaux . »
Photo d'en-tête : Decathlon