Åke Nordin, le fondateur de Fjällräven ne pouvait être que suédois. Un gars de la trempe d’une Greta Thunberg. De ceux qui ne lâchent rien, convaincus que tôt ou tard, leur message va passer. Le sien : faire des produits pour vivre heureux en pleine nature. Des équipements beaux, utiles et qui tiennent la route, longtemps. Autrement dit, durables. La meilleure façon d’être aussi peu impactant que possible sur l’environnement, selon lui. Pas si simple pourtant, comme la marque a pu le constater au fil des années, mais sa ténacité a payé. Et l’histoire semble lui donner raison.
On connait peu l’humour suédois. Et c’est dommage, car une petite incursion sur le site de Fjällräven – marque dont les amateurs d’outdoor ont plus retenu les pantalons, vestes, sacs et autres tentes inusables, que son nom, totalement imprononçable – en dit long sur la philosophie de cette pionnière de l’outdoor, considérée aujourd’hui comme l’une des plus exigeantes au monde en matière de durabilité.
Dans un spot de quelques minutes on y voit une sévère Suédoise, une certaine « Anita, depuis 2011 dans la société », expliquer, que, vraiment, on se demande comment on a pu donner un nom pareil à une marque : « Fjällräven » (littéralement « montagne du renard »). Car personne hors Suède ne sait le prononcer, et encore moins l’écrire correctement. Pas vendeur ça. La solution ? Le changer conseille-t-on. « C’est non ! », répond Åke Nordin, le fondateur de Fjällräven. L’homme, est un ex parachutiste de l’armée suédoise qui a commencé à faire des essais sur la machine à coudre de sa mère. Il a des convictions aussi solides que ses produits, et ne fait confiance qu’aux techniciens qui savent de quoi ils parlent, à son expérience personnelle et aux retours de ses clients. Alors Fjällräven restera Fjällräven.
Que des pros de la calculette lui conseillent de rogner un peu sur la qualité pour augmenter les profits ? « C’est non ! ». Et quand plus tard des as du marketing lui suggèrent de varier ses produits pour sortir de ses fameux pantalons, vestes, sacs et tentes qui ont fait sa réputation certes, mais bon, « faut savoir se renouveler ». C’est « non encore ! » Pourquoi multiplier les références quand le consommateur y trouve son compte, trop heureux d’année en année de retrouver les best-sellers fonctionnels, durables, intemporels qui ont fait leurs preuves et qui durent des décennies ?
Le légendaire pantalon de rando Vidda Pro optimisé
Bien sûr on pense tout de suite au sac Kånken. Sur le dos de tous les écoliers suédois depuis 1978, un de ses produits phares. Mais il n’est pas le seul. Prenez la veste Greenland, développée pour les besoins d’une expédition au Groenland. Un classique là aussi, conçu en 1968, à partir de stocks de toile G-1000, matériau signature de la marque. Etanche à l’eau et au vent il remplace alors le coton, omniprésent à l’époque. Une petite révolution. A peine améliorée sur de micro détails, elle fait toujours partie des modèles les plus appréciés de la marque.
Mais cet été, c’est le légendaire pantalon de rando Vidda Pro qu’on va retrouver sur les sentiers. Un incontournable lui aussi. Et qui ne date pas d’hier. Lancé en 1999, il est désormais disponible dans une version optimisée pour les conditions chaudes et commercialisé sous le nom de Vidda Pro Lite (nom de guerre F86891). Et comme tous les pantalons techniques de la marque qui compte une gamme adaptée à chaque usage, il répond aux valeurs de base de Fjällräven. A savoir : être indémodable. Répondre, dans la durée, aux besoins spécifiques du randonneur. Etre à faible impact au niveau environnemental. Et réparable. Un point capital quand on sait qu’une veste de montagne utilisée deux fois plus que la moyenne (soit environ 140 fois x 2), voit son impact carbone réduit de 49 %, selon une étude suédoise publiée en 2019. Une équation complexe qui tient à une éthique sans faille et à la capacité de la marque à savoir dire non aux compromis. Sur tous les plans.
Polyester recyclé, coton biologique et laine régénératrice
Non aux matériaux gourmands en ressources. Sa fameuse toile G-1000 est ainsi fabriquée aujourd’hui uniquement à partir de polyester recyclé et de coton biologique. Un changement qui marque une étape importante dans la réduction de l’impact global de Fjällräven et de sa dépendance à l’égard des matières vierges. Le polyester vierge n’est plus utilisé que dans les produits extensibles G-1000 (représentant moins de 1% de l’ensemble des matériaux G-1000 produits), car 13% de polyester vierge sont nécessaires pour garantir une fonctionnalité extensible durable.
Non aussi aux mauvais traitements infligés aux animaux. Chez Fjällräven la laine provient par exemple de Nouvelle Zélande (ZQRX wool) ou de Suède, mais la marque veille à sa traçabilité et à ce qu’elle soit produite dans des conditions régénératrices pour l’environnement. Ce qui est loin d’être la norme dans l’industrie du textile. Non également à la fast fashion et aux collections éphémères, sources de gaspillage et de pollution. Et bien sûr non aux produits chimiques nocifs.
Plus de 15 ans de recherches pour éliminer les PFC
L’exemple le plus intéressant étant sans doute ici celui des PFC ou substances per- et polyfluoroalkyles, également appelées PFAS. L’Union Européenne et les États-Unis commenceront à interdire ces fameux polluants éternels à partir de 2025, mais Fjällräven a pris conscience de leur impact sur la santé et notre environnement dès 2008.
A l’époque Fjällräven utilise encore peu ces composants chimiques, mais pour elle, c’est un choc qui va générer une vraie prise de conscience. Et le début d’un casse-tête. La marque s’engage dès 2009 à éliminer progressivement ces « produits chimiques éternels » de tous ses vêtements et produits. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle se penche également sur d’autres additifs et produits chimiques pas vraiment nécessaires qui, d’une manière ou d’une autre, pouvaient être dangereux.
Concrètement cela voulait dire que chez Fjällräven plus aucun composant chimique inutile ne serait désormais utilisé. Pas simple d’un point de vue commercial, surtout quand la concurrence ne s’en prive guère. La marque doit convaincre tous ses fournisseurs de changer, tout en étant transparente envers ses propres clients. Au cours de cette période de transition, elle avoue que, pour un temps, elle ne pourra pas offrir exactement la même fonctionnalité que les autres marques utilisant encore des fluorocarbures. Ce qui veut dire des produits peut-être un point moins respirants, à utiliser avec un peu plus de soins. Le prix à payer pour un impact environnemental bien moindre. Une fois de plus, c’est un « non » qui n’est pas vendeur. Et qui a un coût réel pour la marque. Mais pour Martin Axelhed, son PDG, le choix est évident. Et la décision sans appel.
Fjällräven coupera alors les ponts avec son ancien fournisseur et commencera à développer sa propre membrane d’étanchéité, sans PFC. Un processus long et complexe, semé d’embuches. Car les PFC sont partout, ils sont volatiles, difficiles à traquer. Il faudra plus de 15 ans de recherches pour que la marque parvienne pratiquement à ses fins. Aujourd’hui, à l’exception de certaines fermetures éclair, tous les produits Fjällräven sont fabriqués sans PFC.
Fjällräven a désormais un temps d’avance sur la règlementation appliquable en Europe dès 2025-26, mais elle est consciente que la réduction totale des PFC est loin d’être encore acquise. A l’échelle de la planète, comme à celle de l’industrie outdoor. Ce chantier est toujours en cours, expliquait encore récemment Martin Axelhed dans une lettre ouverte à ses clients, et Fjällräven compte bien y investir tous les moyens nécessaires, mais, écrit-il, « êtes-vous prêts de votre côté à limiter vos équipements à l’essentiel, à ne pas les renouveler chaque saison, à les entretenir et à les réparer si besoin pour les faire durer des décennies ? Cela demande quelques efforts de chacun, c’est vrai. Mais cela en vaut la peine. Qu’en dites-vous ? »
Découvrez les toutes dernières collections Fjällräven sur Snowleader.com
Photo d'en-tête : Fjällräven- Thèmes :
- Équipement
- Fjällräven
- Randonnée