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Johanne Defay sous l'eau avec son surf
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Requins : entraînement sous haute sécurité pour la championne de surf, Johanne Defay

  • 18 mars 2019
  • 6 minutes

Sylvie Sanabria Sylvie Sanabria Longtemps allergique à toute forme de sport, Sylvie se révèle sur le tard marathonienne, adepte du yoga et s’initie même au surf et à la voile. En 2018, elle co-fonde Outside.fr dont elle prend la direction éditoriale. Elle est basée à Paris et dans les Cévennes.

L’île de la Réunion vient d’être à nouveau le théâtre d’une attaque de requin, mortelle pour un surfeur de 33 ans. C’est la 24edepuis la crise de 2011, la deuxième cette année. En mars dernier, nous avions interviewé Johanne Defay, meilleur palmarès de l’histoire du surf féminin français. Réunionnaise d’adoption, elle nous expliquait combien son entraînement était désormais conditionné par la menace quasi permanente des squales. En voici un extrait.

(…)

Quelle est la situation aujourd’hui à La Réunion au niveau de la sécurité des eaux ?

Suite aux attaques de requins dans la zone, un arrêté préfectoral interdit depuis 6 ans de nager, de surfer et de pratiquer toutes les activités nautiques en dehors du lagon et des zones de baignades surveillées. Ça me paraît aberrant étant donné qu’on est sur une île. J’ai donc dû trouver des solutions pour pouvoir continuer de vivre et de m’entrainer à La Réunion.

En compétition, je surfe deux fois par jour. En période d’entrainement, à La Réunion, tout dépend des conditions. Je ne fais pas de grandes sessions, 1h30 maximum,  plusieurs fois dans la journée. En ce moment, nous n’avons pas de cyclone, ni de grosse houle. Je surfe dans des spots précis sous la protection des vigies qui surveillent l’approche éventuelle des requins. Depuis un mois je teste aussi le REPLA, un système de répulsion magnétique contre les squales que j’ai installé sur certaines de mes planches. Ce n’est pas gênant, même si parfois tu te prends quelques décharges !

L’inventeur vient d’Australie, il y croit dur comme fer et investit beaucoup dans la recherche. Plus de 2000 personnes en sont équipées dans le monde. Dans le circuit, je suis la seule. Pas sûre que je sois vraiment plus en confiance, mais le risque zéro n’existe pas. Et puis, je me dis que l’effet placébo peut jouer.

Reste qu’au final je m’entraîne beaucoup moins dans l’eau que les Américaines par exemple. Pour certaines, ce serait impossible. Maud Le Car (NDLR : surfeuse, 25eme au WSL) m’a dit un jour : « Tu n’as pas surfé depuis un mois, je ne sais pas comment tu fais. » La plupart des surfeurs ne supporteraient pas de rester une seule semaine sans mettre les pieds sur une planche. Le surf, c’est un mode de vie. Et pour eux, ce n’est tout simplement pas envisageable.

Moi, j’y ai été forcée par les événements, si je voulais rester à La Réunion avec ma famille, mon copain, je devais m’entraîner différemment en variant les sports en dehors de l’eau. Je préfère moins surfer et m’entraîner à domicile, à ma façon.

Johanne DefayJohanne DefayJohanne DefayJohanne DefayJohanne Defay

Concrètement, en quoi consiste ta préparation physique ?

Simon, mon coach (NDLR : Simon Paillard – athlète de haut niveau et préparateur mental et physique – est aussi son compagnon) m’a aidé à croire à ce nouvel entraînement. Pas facile au début! Quand tu vois sur les réseaux sociaux les autres qui surfent à droite et à gauche chez elles et que toi tu es là, à courir, nager ou à ramer dans un lagon ou dans une piscine, c’est sûr que cela ne semble pas forcément l’entraînement rêvé.

Simon m’a aidé à repousser mes limites dans d’autres sports et finalement ça m’a énormément apporté en surf. Il m’a encouragé à relever des défis : faire les 210 km du tour de l’ile à vélo, par exemple. J’ai vu que j’en étais capable. Lui vient du triathlon, il s’est mis au trail quand il a quitté Annecy pour la Réunion. Très axé performance, c’est un passionné de tous les sports. Des pratiques différentes que j’ai appris à aimer, moi aussi, d’autant qu’elles alimentent mon surf.

Nous avons mis en place un entrainement mixant des sports différents. Pas que du vélo ou de la course à pied, sinon on perd l’explosivité nécessaire au surf. Mais aussi beaucoup de muscu et d’exercices spécifiques de force pure. Beaucoup de proprioception aussi, essentielle pour le surf.

A côté, je travaille aussi l’endurance. Je suis une athlète qui a tendance à prendre du poids facilement et l’endurance fait partie de mon entrainement. Je mixe aussi avec du VTT, la Réunion est un terrain de jeu de fou pour le vélo. Mais également avec du skate pour travailler les changements d’appui.  Pied avant, pied arrière, gestion des bras, travail du corps dans l’espace. Sans compter la natation, bien sûr.

Au final, je fais pas moins de deux à trois entrainements par jour. Deux intensifs, et un troisième d’étirements ou de yoga que je pratique sans prof en visionnant des vidéos sur internet. Je suis tout le temps en vadrouille, impossible pour moi d’aller régulièrement dans un studio. Ce n’est pas primordial pour mon sport, mais j’en aime la pratique, la philosophie, l’aspect méditation aussi. 

Ta méthode est payante, si l’on en juge par ta progression fulgurante sur les dernières années. A-t-elle été étudiée par les experts ?

Je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est que le surf se professionnalise. On voit de plus en plus de surfeurs suivre des entrainements spécifiques en parallèle, accompagnés par des kinés ou des coachs. Certains font beaucoup de yoga, d’autres de la course à pied. Avant, c’était vraiment surf, surf, surf !

C’est vrai que j’ai progressé énormément ces dernières années alors que, hors compétition, je surfe nettement moins que les autres filles. Mais il n’y a pas de recette miracle. Le surf n’a pas de mode d’emploi et les méthodes d’entrainement restent taboues pour beaucoup.

Tu sembles pourtant très à l’aise pour en parler

Oui, j’ai souvent dû expliquer mes choix à mes parents, aux officiels de la Fédération française de surf et aux gens du milieu. Beaucoup me demandent pourquoi je ne déménage pas, aux États-Unis par exemple. Mais moi, les US, ce n’est pas mon truc. J’ai besoin de retrouver les marchés français, de voir moins de plastique et de huit voies. Quant à la côte ouest française, l’hiver, ce n’est pas possible. Je déprime !

C’est compliqué de partir de chez soi. Je suis en compétition neuf mois sur douze. Je passe ma vie dans les avions.  L’année dernière, j’ai calculé avec une appli que j’avais fait l’équivalent de trois fois le tour du monde et passé, en vol, plus de 25 heures devant des vidéos de sécurité. Depuis mes 14 ans, je passe mon anniversaire loin de chez moi. Or j’ai besoin de rentrer à la maison, de ce repos mental, de voir mes proches.  Je ne suis pas prête à faire le sacrifice de l’exil. Donc, je préfère surfer un peu moins et avoir l’envie d’y retourner quand j’y vais.

Johanne DefayJohanne DefayJohanne DefayJohanne DefayJohanne Defay

Justement, comment travailles-tu ton mental ?

Pendant ma carrière junior, aucun coach ne m’a parlé d’objectif à court ou long terme. Dès mon arrivée sur le Tour, j’ai beaucoup  travaillé sur ce point avec Simon, avant même qu’il ne devienne mon entraîneur. On a commencé la prépa mentale avec de simples exercices de respiration ou de cohérence cardiaque. Des choses assez basiques. Simon m’a donné quantité d’outils pour que je puisse les appliquer toute seule lorsque je suis en déplacement. J’ai peu à peu trouvé ma routine. Ça m’a pris des années pour l’affiner.

Maintenant qu’on est ensemble dans la vie, on ne fait plus vraiment de séances de prépa mentales. On la travaille au quotidien. Simon est fort pour ça. Il me fait passer ses messages quand je suis en train de m’entrainer physiquement, quand je me lance un défi dans un autre sport par exemple. Il m’aide à améliorer ma conscience. On peut travailler de différentes manières, mais ce qui est sûr c’est que si tu as fait une bonne prépa physique, que tu te sens bien dans ton corps. Ta confiance va forcément être au top pour la compétition.

On s’est également focalisé sur des petites choses du quotidien, notamment en matière d’organisation. J’avais une grosse tendance à la procrastination ! Or quand tu es prête physiquement, que tu as pris tes billets d’avion, que ton logement et tes locations de voitures sont réservés. Le jour J, tu es calée !

Reste que j’ai encore beaucoup à travailler au niveau du mental. On peut toujours faire plus. Particulièrement en matière de stratégie. En surf, l’expérience entre en jeu. Il faut savoir gérer la série -c’est très bizarre, tu peux très vite passer à côté- être solide mentalement, avoir confiance en ses choix.  Tout l’enjeu est de réussir à prendre l’ascendant sur des compétitrices parfois plus fortes que toi techniquement.  

Cette préparation mentale m’aide bien évidemment dans la vie de tous les jours. Mais je n’aime pas trop ce terme. Pour moi, il s’agit de mettre de l’ordre dans ta vie avant d’en mettre dans ton sport. C’est prendre confiance en toi, bien voir quel rôle telle personne tient dans ta vie. 

Je ne ressens pas de stress sur le Tour. Le surf reste un sport très sain, très cool. Les gens sont gentils, polis, les surfeurs sont très disponibles. C’est un mode de vie qui me rend heureuse.

Malgré ton palmarès et ton classement tu n’as aucun sponsor majeur issu de l’industrie du surf. Comment l’expliques-tu ?

C’est super rare en tant que surfeur, c’est vrai. Peut-être une question de timing ? De budgets marketing déjà attribués ? Peut-être qu’ils ont déjà une fille qui fait du surf et aussi un peu de mannequinat à côté ? Vas savoir pourquoi.  Super dry est effectivement mon sponsor principal et, combiné à GoPro, Dakine et à Smith Optics, c’est top !

Photo d'en-tête : Simon Paillard
Thèmes :
Entraînement
Femme
Natation
Surf
VTT

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