Et si on admettait enfin que la poule aux œufs d’or est épuisée ? Qu’elle a un sérieux coup dans l’aile et que pleurer sur la neige fondue est improductif ? Pas facile au vu des milliards que l’industrie du ski, largement soutenue par les deniers publics, a générés au cours des six dernières décennies. Douloureux pour tous ceux dont le quotidien en dépend aujourd’hui. L’heure n’est plus aux lamentations, mais aux changements. Alors que faire ? Persister dans les vieux modèles économiques à coup de subventions et au détriment de l’environnement ? Ou oser un vrai virage et, sans se voiler la face, accepter un avenir moins lucratif afin de remettre la nature au centre de nos vies ? Aujourd’hui des solutions existent, encore en tests pour la plupart. Une à une, nous les avons explorées dans ce dossier. L’occasion également de dresser pour la première fois un bilan complet de la situation.
1. État des lieux
2. Le ski en France : les 12 chiffres chocs
3. Canons à neige, snowfarming, tourisme quatre saisons : ça marche ?
4. Parole d’expert : Interview de Loïc Giaccone
5. La fin d’un modèle unique de renommée internationale
6. Flash-back : comment en 60 ans la France est devenue une des patries du ski… sous perfusion
7. Pour aller plus loin
État des lieux
L’hiver avait commencé à s’installer mi-décembre. C’était sans compter sur le redoux, arrivé aux alentours des fêtes. Cumulé à de fortes précipitations, le manque de neige s’est rapidement fait sentir sur l’ensemble des six massifs montagneux de l’Hexagone. Conséquence : près de 50% des pistes de ski fermées lors de la deuxième semaine des vacances de Noël, une période pourtant clé pour les stations qui en tirent en moyenne entre 20% et 30% du chiffre d’affaires de la saison. Des aléas – la plupart en lien avec le réchauffement climatique – appelant à une interrogation sur la viabilité des stations dans l’avenir et sur leurs éventuelles stratégies pour ajuster leurs investissements. Pris de court, certains domaines, désireux de sauver leur or blanc, le temps d’une saison du moins, utilisent depuis des années des méthodes plus ou moins controversées. En ont résulté de nombreuses polémiques venues ternir l’image du ski en station, dont récemment au Grand Bornand, situé à 1300 mètres d’altitude. On se souvient qu’en décembre dernier, à dix jours de l’étape de Coupe du monde de biathlon, faute d’enneigement suffisant, la station savoyarde, hôte de l’événement pour la 5e fois, acheminait de la neige depuis sa réserve de snowfarming. Le modèle du tout ski ne serait-il pas en train de s’essouffler ?
Trois scénarios simulent le réchauffement à venir de la planète (GIEC, 2014). Les chiffres qui leur sont accolés correspondent à l’apport supplémentaire d’énergie (en W/m²) dû aux activités humaines par rapport à la situation qui régnait en 1750. Dans le scénario pessimiste RCP8.5, rien n’est fait pour contrôler les émissions de gaz à effet de serre. Le scénario RCP2.6 est dit « sobre », et le RCP 4.5 « intermédiaire ».
Si certains climatosceptiques persistent encore à croire que nous avons affaire à des « années exceptionnelles » – sous-entendu, on va revenir à la normale – Bernard Francou et Marie-Antoinette Mélières, auteurs de « Coup de chaud sur les montagnes », publié aux éditions Guérin en 2021, sont bien convaincus du contraire. « Le réchauffement aura également un impact sur le manteau neigeux hivernal, qui se réduira de 75% dans les moyennes montagnes, de 25% dans les massifs les plus élevés des Pyrénées et des Alpes », expliquent-ils. « Un déclin du manteau neigeux s’observe dans la durée. Déjà visible à 2100 mètres, davantage encore à plus à basse altitude (1500 m), sa diminution porte sur trois semaines environ et elle est manifeste surtout au printemps. Elle est également plus nette dans les Alpes du Sud que dans les Alpes du Nord […] Tandis qu’au-dessus de 2400 mètres deux avantages persistent : les précipitations en cours d’hiver tombent en grande majorité sous forme solide (neige) et le manteau reste suffisamment froid pour pouvoir s’échauffer lors des redoux sans toutefois atteindre la température critique de fusion qui n’arrive qu’au printemps. Autrement dit, les redoux tassent la neige et augmentent sa densité, mais ne la font pas disparaître ».
Graphique représentant les prévisions d’enneigement en fonction des trois scénarios du GIEC. Réalisées par le centre d’étude de la neige au col de la Porte, dans les Préalpes de la Chartreuse, ces simulations ont été faites entre 1300 et 1500 mètres, une altitude où existent de nombreuses stations de ski. En gris : les valeurs dérivées des mesures de terrain. En couleur : les projections, par périodes de trente ans, selon les trois scénarios d’émission de gaz à effet de serre du GIEC : « sobre » (RCP2.6, un réchauffement limité à 2°C d’ici 2100) en bleu, « intermédiaire » (RCP4.5, environ 3°C de réchauffement) en orange, « du laisser-faire » (RCP8.5, environ 5° de réchauffement) en rouge. Quel que soit le scenario envisagé, on peut d’ores et déjà en déduire que la pratique du ski deviendra, dans les décennies à venir, de plus en plus aléatoire dans les stations d’altitude équivalente. L’industrie du ski devra donc s’adapter pour faire face à cette évolution.
Plus aucun doute, l’industrie du ski, de plus en plus dépendante de la variabilité de l’enneigement, va devoir s’adapter, quitte à se réinventer. Répondant ainsi à cette problématique majeure, indispensable pour leur rendement, et donc de leur survie, les stations mettent en place, souvent avec l’appui des pouvoirs publics, des solutions courtermistes dans le but d’assurer la viabilité des domaines skiables dès le début de l’hiver, notamment la production de neige artificielle, dite « de culture », qui puise dans les réserves d’eau et consomme beaucoup d’énergie. Un modèle, mis à mal par la hausse du prix de l’électricité, qui interroge. Ces investissements sont-ils justifiés dans une période nous imposant de réduire nos émissions ? Permettons-nous d’en douter.
Le ski en France : les 12 chiffres chocs
Chiffres issus, sauf indication contraire, de « Coup de chaud sur les montagnes », éditions Guérin, 2021.
Canons à neige, snowfarming, tourisme quatre saisons : ça marche ? Le point sur les solutions à court ou long terme
1. Remonter les pistes de ski en altitude
« En-dessous de 2000 mètres d’altitude, le ski n’a pas d’avenir, surtout pour les expositions sud » explique la station de Valloire, en Savoie. Son pari ? Aller chercher la neige là où elle est la plus abondante, c’est-à-dire plus haut. « On abandonne 20% de notre domaine à basse altitude pour le translater en altitude » résume Jean-Marie Martin, le patron de la Société d’Économie Mixte (SEM) de Valloire. Une dizaine de pistes situées sous la barre des 2000 mètres d’altitude vont donc fermer au profit de quatre autres, plus haut. Coût total de l’opération : huit millions d’euros.
Remonter les pistes de ski en altitude, ça fonctionne vraiment ?
Premièrement, cette solution n’est pas envisageable par toutes les stations, notamment celles des petits massifs (Jura, Vosges, Massif Central). Ensuite, remonter les pistes en altitude ne fait que repousser l’échéance, permettant de garder en vie le ski alpin pour « 30-40 ans ». Mais passé ce délai, quid de l’avenir de la station de Valloire quand on sait que d’ici 2050, l’enneigement des Alpes pourrait chuter d’environ 40%, quelle que soit l’altitude ? Grands gagnants de l’affaire ? Certains exploitants locaux sans doute. Grands perdants ? La majorité des skieurs, car qui dit réduction du domaine dit réduction de l’offre et augmentation des tarifs. À ce jour, seulement 8% des Français skient. Combien seront-ils dans 30 ans ? Le ski est condamné à être une pratique élitiste, malheureusement.
2. Les canons à neige
La neige artificielle est une question de survie pour de nombreuses stations : au niveau national, chaque année, 39% des pistes y ont recours. Initialement utilisés en palliatifs en cas de déficit d’enneigement, les canons à neige sont aujourd’hui un moyen systématique de préparation des pistes en amont de la saison hivernale. Ils permettent ainsi aux exploitants de réduire les risques d’enneigement insuffisant, et de tirer un maximum de profit les chutes de neige ultérieures. L’exemple de Gresse-en-Vercors, station à moins d’une heure de Grenoble (Isère), est parlant. Située à 1200 mètres, elle est grandement dépendante des canons à neige. « Neuf canons supplémentaires ont été installés à l’automne 2021 sur les hauteurs du domaine, détaille Reporterre. Leur fonctionnement, associé à celui des quarante-et-un canons déjà installés, représente environ 40 % de la facture d’électricité de la station ».
Les canons à neige, ça fonctionne vraiment ?
« Les demandes de subvention pour ce type d’équipement [les canons à neige, ndlr] sont attribuées par le conseil régional quelle que soit l’altitude, le reste est à la charge des stations, précise Corinne Morel Darleux, conseillère régionale d’opposition à la région Auvergne Rhône Alpes, et membre de sa Commission Montagne. C’est une grosse prise de risque financière pour elles, car cela revient à miser sur les trois éléments qui vont le plus manquer dans les prochaines années : le froid, l’eau, et l’énergie ». Rappelons que les canons à neige fonctionnent lorsque les températures sont suffisamment faibles. Dès que l’air ambiant se rapproche de 0°C, les rendements baissent fortement. Au vu de la hausse des températures de ces dernières décennies, notamment en novembre-décembre quand les besoins de neige de culture sont les plus importants, les créneaux de temps favorables se sont donc drastiquement réduits. Par ailleurs sachant que 1 m³ d’eau est nécessaire pour produire 2 m³ de neige et que sécuriser un hectare de piste réclame 3000 m³ de neige au minimum, le jeu en vaut-il la chandelle ? Cette pratique n’est-elle pas déconnectée de la réalité climatique ?
3. Le snowfarming
Le snowfarming consiste à récupérer de la neige déjà existante pour la conserver d’une année sur l’autre. Elle est accumulée dans une grande fosse, puis recouverte d’une couche de pellets de bois la protégeant des températures estivales. Les pertes (en volume) d’une année sur l’autre tournent autour des 20% à 30%. Elle est alors disponible pour l’année suivante pour ouvrir des premières pistes tôt dans la saison ou garantir la tenue d’un évènement sportif. Par exemple, le domaine de ski nordique les Confins à la Clusaz a eu recours à cette technologie à partir de 2016, pour être en mesure de pourvoir suffisamment de neige lors de la Coupe du monde de ski de fond grâce aux 6300 m³ conservés. Elle avait d’ailleurs permis une ouverture des pistes à compter de mi-novembre l’année dernière, même si cette année elles sont encore fermées.
Le snowfarming, ça fonctionne vraiment ?
Cette pratique est parfois considérée comme une alternative souhaitable, ou « propre » grâce à des dépenses énergétiques « peu élevées » et un impact « très faible » sur le cycle de l’eau, comme l’expliquait Samuel Morin, chercheur à Météo France et directeur du Centre d’études de la neige à l’AFP. En théorie, il suffit en effet de laisser la neige sous sa couche protectrice et ne pas intervenir. Enfin, en théorie seulement. Le domaine des Saisies admet en effet avoir dû arroser la couche de pellets en été pour limiter la fonte et avoir enregistré 20% à 40% de perte de volume. La neige a ensuite été utilisée pour couvrir une piste de ski nordique de 1,5 km. La technique pourrait surtout permettre, sur des surfaces limitées, d’éviter le recours à de la neige artificielle. Encore une fois, ce n’est que théorique car on sait qu’une bonne partie de ces réserves proviennent de canons à neige. Sans parler, bien sûr, du problème de l’acheminement en camions jusqu’aux pistes et de son impact environnemental.
Selon Eric Feraille de France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes (FNE AURA), cette pratique va rester anecdotique. Il faut déjà pouvoir accueillir un tel système de stockage, suffisamment grand et exposé nord. Ensuite, pour que la technologie fonctionne, il faut tout de même garantir une certaine fraicheur, que la tendance climatique actuelle rend très incertaine.
4. Le modèle quatre saisons
Abandonner le « tout ski » et évoluer vers un modèle plus diversifié, moins exigeant sur la présence et la qualité du manteau neigeux tout au long de l’hiver : un beau défi à relever pour les stations qui ont jusqu’à présent entièrement misé sur cet « or blanc ». Car c’est une véritable révolution qui se profile, avec des conséquences inimaginables il y a encore quelques années.
On ne vient plus seulement pour le ski, mais pour vivre l’ambiance d’un village de montagne
« On compte vivre encore longtemps du ski, tout en se posant les bonnes questions, pour anticiper le moment où cette activité sera moins régulière, explique Jean-Christophe Hoff, directeur des remontées mécaniques de la Clusaz, en Haute-Savoie. En impliquant la population active et en développant ces expériences, peut-être que demain, on choisira la Clusaz car c’est une destination qui a du sens et où l’on vit autre chose. C’est un atout que nous possédons et qui fait que nous avons plus de facilités que d’autres à s’engager dans cette diversification ». L’ambiance village de cette station constitue des arguments de poids pour attirer des vacanciers. C’est d’ailleurs autour de celle-ci que se structure l’offre touristique de la station en complément du ski. Outre les activités classiques que l’on retrouve dans la station en été (randonnée, VTT), les acteurs touristiques locaux tentent de développer des expériences liées au territoire (visites de fermes permettant d’assister à la fabrication du reblochon, ou de scieries afin d’observer la fabrication d’une ruche par exemple). Les grands bénéficiaires ? Les petites stations villages qui ont été bien inspirées de ne pas sacrifier à la vague des méga domaines, préservant ainsi leur âme.
On ne va plus seulement « au ski », on s’évade en pleine nature, tous azimuts
« Plusieurs formes de diversification sont possibles, explique Hugues François. La tendance à poursuivre l’installation d’équipements lourds (balnéothérapie, piscine, patinoire), notamment quand la force publique est aux manettes, mais encore la structuration de l’offre nature, de tout ce qui est loisir sportif (comme la randonnée ou le VTT, une pratique toujours liée aux remontées mécaniques s’inscrivant également autour de l’idée d’utiliser la pente en montagne comme source de divertissement). […] À proximité des Parc Naturels Régionaux et des grandes agglomérations, comme autour de Grenoble par exemple, de nombreuses stations ont développé une diversification, toujours avec du ski, autour des activités de pleine nature, de la découverte du patrimoine aux activités sportives. Tout ça s’est co-construit de manière un peu entremêlée. Ces activités ont pu profiter d’une capacité d’hébergement déjà présente ainsi que d’une attractivité autour de l’environnement naturel. On a déjà des territoires assez agiles ».
On va en station moins pour skier que pour se cultiver
Cela vous aura peut-être échappé mais l’endroit où il fallait être en octobre pour qui s’intéresse à la gastronomie, c’était Chamonix qui organisait son premier « Festival casse-croûte», nouveau rendez-vous « gastro/culturel ». Voir la « capitale mondiale de l’alpinisme », la mythique Chamonix, investir autant d’énergie et de fonds pour se lancer sur ce créneau devrait donner à réfléchir à plus d’une station. Mais il est vrai qu’au pied du mont Blanc, où l’on voit d’année en année se rétrécir la Mer de glace, c’est moins du côté des alpinistes qu’il faut lorgner, mais plutôt de celui des amoureux de la montagne sous toutes ses formes (fortunés de préférence) et surtout des traileurs, rappelons que la semaine de l’UTMB génère en moyenne 8 millions d’euros à la vallée ; des retombées plus importantes que durant une semaine de la saison hivernale.
On ne réserve plus seulement en station mais dans une ville proche car en cas de faible enneigement, l’offre touristique y est plus large
« Depuis le milieu des années 90, un ensemble de dispositifs de politiques publiques a promu la diversité de l’offre touristique dans les territoires de montagne » nous a expliqué Hugues François, ingénieur de recherche à l’INRAE. « Au début, cette diversité était essentiellement organisée autour de la station – il fallait que l’offre complémentaire au ski puissent être mise en œuvre quand la station était ouverte de manière cohérente, de façon à maximiser son attractivité. Puis, petit à petit, on s’est tournés vers l’enrichissement de cette offre. En parallèle, on a assisté à un élargissement des contours de la destination. Avant, on venait dans une station avec des hébergements et des remontées mécaniques fortement structurés autour d’un domaine skiable. Et aujourd’hui, on a plus tendance à essayer de vendre une station dans son territoire, avec une offre touristique vraiment élargie et où la station n’est qu’un élément de cette offre même si ça reste, dans certains cas, un produit d’appel. Il n’y pas qu’un seul critère mis en avant ». Les grands bénéficiaires demain ? Des villes comme Annecy, Aix-les-Bains ou Gap par exemple.
Le modèle quatre saisons, ça fonctionne vraiment ?
Non, pas pour toutes les stations
Du côté de Tignes, en Savoie, le recul du glacier et l’arrêt de l’offre construite autour du ski « 365 jours par an » à la fin des années 1990, ont bien conduit les responsables à développer d’autres activités, comme le VTT, avec un fort positionnement autour du sport. Mais Olivier Duch, premier adjoint au maire de Tignes concède cependant les difficultés pour un territoire aussi élevé en altitude d’attirer une clientèle, en dehors de la saison de ski, pour un court séjour : « Tignes n’est pas la première station que l’on trouve sur sa route quand on part en week-end, sur ce point, nous n’avons pas les mêmes atouts que certaines stations-villages ».
À voir sur le long terme, mais… on n’a pas le choix
Les stations de basse à moyenne altitude sont en première ligne vis-à-vis du manque de neige, ce sont donc les premières à devoir s’adapter. C’est notamment le cas à la Combe Saint-Pierre, dans le Jura. Là-bas, entre 880 et 1035 mètres, nul canon à neige. « Ça ne remet pas en cause notre existence, car nous sommes une station quatre saisons depuis 2007 : on a l’accrobranche, on utilise les téléskis l’été pour les VTT. En gros, s’il y a de la neige tant mieux, sinon tant pis », explique Robert Guillaume, responsable de cette petite station. Une stratégie de diversification qui n’avait rien à voir avec le changement climatique mais qui s’avère payante aujourd’hui.
Soyons lucides, en termes de business, le « quatre saisons » ne va pas (encore ? ) rapporter autant.
Loïc Giaccone, chercheur travaillant sur les questions d’adaptabilité de la montagne au changement climatique
Dans le Jura et dans les Pyrénées, deux exemples à suivre de très près
Metabief, station de moyenne montagne est pionnière au niveau européen sur le sujet. Située dans le massif du Jura, elle a fait le choix d’anticiper dès maintenant en pensant à l’après. Son positionnement est clair : « envisager la fin du ski alpin à l’horizon 2030-2035, en cohérence avec les projections climatiques [et] adopter des décisions cohérentes avec l’orientation de fin du ski alpin : investissement pour maintenir la qualité des remontées mécaniques (au lieu d’un renouvellement), développement d’activités outdoor (VTT, trail, etc.), mise en valeur du patrimoine naturel et culturel ». Un moyen, à long terme, de limiter la casse. « Mais ils [les responsables de la station, ndlr] savent qu’en terme de business, ça ne va pas rapporter autant, nous explique Loïc Giaccone, ex-journaliste spécialisé ski, travaillant sur les questions de montagne et d’adaptabilité liées au changement climatique. Ils sont bien conscients qu’ils vont aller vers une décroissance du chiffre d’affaire annuel lié à l’activité touristique. 20, 30 ou 40%. Difficile de savoir de combien exactement. Grâce au plan qu’ils vont mettre en place, ce sera juste moins pire. Ce qui va leur permettre de compenser une partie des pertes. Mais dans tous les cas, ils ne pourront pas remplacer le chiffre d’affaire lié au ski. Et ça, c’est la dure réalité des régions concernées par le manque de neige à court terme, qui subissent l’élévation de la limite pluie/neige ».
Puigmal, ancienne station de ski alpin située dans les Pyrénées Catalanes a dû fermer ses portes en 2013 en raison du manque du neige, mais elle a pu renaître de ses cendres, portée par les actions des élus locaux et l’expertise du Groupe Rossignol, le numéro 1 mondial de la production de ski. Convaincus des qualités et des forces de leur territoire, ils ont choisi de redonner vie à cette plaine d’altitude, coincée entre les sommets pyrénéens, en attirant de nouveau les touristes sportifs. Comme le ski alpin n’est plus possible, fini la glisse. Peu importe, la montagne a d’autres choses à offrir. Le soutien du Groupe Rossignol peut paraître, au premier abord, paradoxal. L’idée ? Repenser la montagne avec ou sans neige et accompagner les stations dans leur transition quatre saisons. Avec son service On Piste, le groupe s’est donc mis à créer des stations de trail, de vtt et de rando un peu partout en France, apportant au passage – depuis une dizaine d’année – son expertise pour tracer les parcours et les faire connaître (parcours encadrés et balisés par GPS via un site internet dédié et une application numérique, promotion de la station). Plus besoin de canon à neige, de dameuses, ni même de remontées mécaniques, ce qui entraîne de réelles économies. Coût du service vendu par le Groupe Rossignol aux stations : un ticket d’entrée de 70 000 euros, auquel s’ajoute une cotisation annuelle variable selon le nombre de circuits développés. De station fantôme, Puigmal, pionnière dans le domaine, est ainsi passée à station quatre saisons, avec le développement de quatre sports. VTT, trail, marche nordique et ski de randonnée, des piliers pour permettre à tous de profiter de la montagne, quelle que soit la période de l’année… tout en redynamisant l’activité locale.
Il est toutefois encore trop tôt pour dresser un bilan, surtout que le domaine était déjà fréquenté par des randonneurs après la fermeture des pistes de ski. De plus, à ce jour, l’accès reste gratuit. « La collectivité a fait le choix de la gratuité pour se différencier du modèle des stations de ski et animer le site », explique Adrien Thillard, chargé de mission Sport développement de la communauté de communes, aux Echos. « Nous allons organiser des courses [de trail, ndlr] et nous voulons que des professionnels emmènent des groupes, poursuit-il. L’objectif est d’avoir des retombées économiques sur l’hébergement et la location de matériel ».
Difficile donc de généraliser le modèle quatre saisons à l’ensemble des stations françaises, au vu de leur disparité. Si les stations-villages comme la Clusaz peuvent s’appuyer sur un patrimoine local riche et varié pour cultiver leurs différences, les stations créées de toutes pièces (Tignes, Val Thorens, etc.) dans des zones vierges risquent d’avoir du mal à enrayer une transition. Comment ces dernières pourront-elles tirer leur épingle du jeu avec ce modèle, de par leur situation élevée en altitude et leur absence relative d’ancrage territorial ?
« Ce qui est important, c’est d’apporter une réponse en fonction du contexte, de l’environnement direct, de l’altitude, des paysages, ou du tissu agricole, précise Jérôme Caviglia, directeur général d’ATEMIA, une entreprise d’ingénierie touristique. Chaque station doit trouver son modèle, avec un vrai positionnement, au risque que ne se développe qu’une standardisation de l’offre. […] Le ski reste l’activité la plus performante au niveau économique, on ne parviendra pas à la remplacer avec une seule offre », conclut-il. Diversifier, oui – pas le choix, au regard de l’urgence climatique – mais pas n’importe comment, met en garde Loïc Giaconne dans l’interview ci-dessous.
Parole d’expert
Interview de Loïc Giaccone
Si les stations veulent changer, se détourner du ski alpin, elles devraient réfléchir à ne pas retomber dans les erreurs du passé et ne pas faire d’énormes Center Parcs
Loïc Giaccone
Chercheur associé à l’Université de Georgetown (USA) auprès de l’économiste Gaël Giraud et originaire des Hautes-Alpes, Loïc Giaccone s’interroge depuis de nombreuses années sur l’avenir des stations de ski face au bouleversement climatique. Entre deuil de l’âge de l’or blanc, dépendance au tourisme et climatoscepticisme, la transition va s’avérer ardue, nous explique-t-il.
Peut-on dire que c’est bientôt la fin du ski en France ?
Ça dépend où on regarde, à quelle échéance, quel scénario de gaz à effet de serre sera suivi et quelles pratiques on observe. Si l’on regarde dans le Massif Central, dans le Jura ou à Val Thorens, on ne peut pas apporter les mêmes réponses. Si l’on regarde le ski de fond, le ski de rando ou le ski alpin, on n’a pas la même réponse non plus. S’y ajoutent les incertitudes sur le sujet, en termes d’émissions, de réponse du climat et de l’enneigement. J’ai l’impression que les mises à jour récentes du modèle climatique tendent vers un peu plus de réchauffement que ce que l’on pensait, en tout cas au niveau de la France. Il se pourrait bien que les prochaines mises à jour des modèles sur l’enneigement futur soient un peu plus pessimistes. […] Je ne sais pas trop ce que ça donnera en 2050. Mais ce qui est sûr c’est que dès 2030/2050, ça peut devenir compliqué pour certaines stations à basse altitude et à moyenne altitude, surtout dans certains massifs assez exposés – Massif Central, Vosges, Jura et toutes les petites stations de basse altitude des Alpes et des Pyrénées.
Les stations les plus menacées par le manque de neige sont situées à basse altitude ou c’est plus compliqué que ça ?
Cela va déprendre de leurs caractéristiques, notamment de leur exposition. Je pense que ça risque d’être assez compliqué pour les stations orientées Sud. Une fermeture de station, est à la fois due à des critères externes et à une décision politique de gouvernance locale – quand on décide que ce n’est plus la peine de faire des efforts, quand on voit que ça ne va plus marcher ou alors parce qu’il y a une crise, un changement de direction. […] Des stations peuvent prendre des décisions différentes. À Metabief, ils [les responsables de la station, ndlr] ont par exemple dit : « Nous on sait qu’en 2030/2035, le ski alpin va s’arrêter donc on va s’adapter dès maintenant, avec un plan d’action qui tient compte de cette réalité future ». D’autres, au contraire, vont acheter des canons à neige. Au final, il y a beaucoup de subjectif et de décisions politiques dans la façon dont les stations vont rebondir face à ces questions.
Pensez-vous que les canons à neige représentent une partie de la solution pour faire face au manque de neige ? Au vu de leur coût et de leur consommation énergétique, ne sont-ils pas une grosse prise de risque financière ?
La première question, c’est avant tout de savoir à partir de quel moment on passe de l’adaptation (réduire la vulnérabilité et l’exposition par rapport à un risque climatique) à de la maladaptation, un terme strictement défini dans le glossaire du rapport du GIEC. Dans le cadre du ski, si acheter des canons à neige fonctionne à long terme, on peut parler d’adaptation. Mais si on a acheté des canons à neige en se reposant uniquement sur cette activité-là, et qu’à un moment ça ne marche plus, non seulement, on n’aura pas réduit notre vulnérabilité et notre exposition au risque climatique ; mais on les aura augmentés. C’est ce que l’on appelle de la maladaptation. Les canons à neige sont une solution d’adaptation dans certains endroits, à une certaine échéance.
L’autre question, c’est de savoir dans quelle mesure les gens ont envie de venir skier sur des bandes blanches, au milieu des alpages, en hiver. On le voit bien, ce n’est pas très sexy. Plus on aura de mauvais hivers, plus on utilisera des canons à neige, plus on aura de moments de ski qui ressembleront à cela. On est plusieurs à se poser la question de l’attractivité des territoires hivernaux dans ce genre de conditions, autour du ski en tous cas. Après on voit très vite que les stations s’adaptent et proposent d’autres activités. Est-ce que ça suffira à compenser la perte du ski alpin ? C’est plus difficile à dire.
Ne pensez-vous pas qu’une partie de la population pourrait se détourner du ski ? Au vu des récentes polémiques au Grand Bornard par exemple. Mais surtout parce que c’est un modèle très polluant, notamment du point de vue des transports.
C’est la grande question de l’industrie de ces dernières années. […] On a certaines études qui ont été faites sur les jeunes populations – en fait, ce qui inquiète l’industrie, c’est que même sans le changement climatique, il y a une déperdition de la population des jeunes skieurs, plus rapide que l’évolution de la pyramide des âges en France. Donc on a vraiment un souci au niveau du futur de la pratique du ski alpin. Et si en plus les jeunes sont conscients des problèmes écologiques, s’inquiètent pour le climat, etc., le renouvellement des générations de skieurs va poser question.
On a aussi un report vers des activités plus nature avec des stations qui essaient de surfer sur cette vague-là, surtout depuis le Covid. La randonnée est donc en plein essor. Mais elle reste marginale par rapport à la fréquentation du domaine skiable. On parle de quelques millions de journées sur ski de randonnée sur 50 millions journées-skieurs. Et ça ne rapporte pas autant d’argent puisqu’il n’y a pas de forfait. De plus, ça pose déjà des questions de la surfréquentation en montagne.
À mon avis, les domaines skiables vont devoir s’inquiéter du futur de leur fréquentation, de l’évolution de l’attractivité de leur territoire dans le cadre de pratiques qui paraissent anti-écologiques. S’ils veulent changer, se détourner du ski alpin, ils devraient réfléchir à ne pas retomber dans les mêmes travers – ne pas faire d’énormes Center Parcs. C’est pour ça que l’exemple de Metabief est hyper intéressant parce qu’ils [les responsables de la station, ndlr] ont réfléchi à ne pas refaire les mêmes erreurs passées, à ne pas tomber dans le développement à outrance. Ils vont renouveler leur luge d’été, une luge sur rail, ont du VTT. Ils ont d’ailleurs accueilli une Coupe du monde… pourtant aucune nouvelle piste de VTT n’a pour le moment été ouverte. À plus long terme, ils comptent développer le tourisme contemplatif.
Mais malheureusement, je pense que ça va être dur à généraliser sur d’autres stations. Métabief est un peu un cas particulier. Parce que le directeur de la station, un ancien glaciologue, connaît bien le changement climatique. Il est là-bas depuis dix ou douze ans et a embêté ses équipes avec ça, leur a montré des projections climatiques. Ils avaient les données de terrain rapportées par les nivologues – c’était clair, les périodes de froid étaient de plus en plus courtes, de plus en plus rares. À un moment, quand les gens se retrouvent coincés, lorsque la réalité du terrain vécue, ressentie, se recoupe avec ce qu’on leur donne comme information sur ce qui se passe globalement, il y a une espèce d’étincelle. C’est comme ça que le directeur a réussi à faire comprendre la situation à ses équipes d’abord. Ensuite, ça a été un combat pas possible avec les politiques locaux, régionaux et socio-professionnels pour faire accepter ça à tout le monde. Parce qu’il y a une phase de deuil, du déni qui se met au milieu, etc. C’est hyper compliqué. Olivier Erard a tout de même réussi à vendre le projet de Metabief, parce qu’ils ont quelques millions de subventions de la région pour faire leur transition, aux élus. Son argument ? Présenter le projet comme la première station a vraiment enclencher sa transition. Il m’a dit : « Je plains les suivants qui vont vouloir faire pareil parce qu’ils n’auront pas cet argument-là ». Malheureusement, le monde étant actuellement politique, pour réussir à faire ce genre de choses, il faut arriver à dégoter de l’aide des élus, des régions et des départements pour avoir des investissements. Je pense que ce type d’opération va être compliquée à renouveler. On verra. […] On se heurte encore à beaucoup de climatoscepticisme, il y a de tout en montagne. […]
Mais à Metabief, ils savent bien qu’en terme de business, ça ne va pas rapporter autant. Ils sont conscients qu’ils vont aller vers une décroissance du chiffre d’affaires annuel lié à l’activité touristique. De l’ordre de 20, 30 ou 40%. Difficile de savoir de combien exactement. Grâce au plan qu’ils vont mettre en place, ce sera juste moins pire. Ce qui va leur permettre compenser une partie des pertes. Mais dans tous les cas, ils ne pourront pas remplacer le chiffre d’affaires lié au ski. Et ça, c’est la dure réalité des régions concernées par le manque de neige à court terme, qui subissent l’élévation de la limite pluie/neige. […] Quoiqu’il en soit, une station fermée ne sera jamais une station fantôme. On le voit bien à Metabief mais aussi à Céuze, dans les Hautes-Alpes. Rando, ski de rando l’hiver quand il y aura de la neige… ils feront en fonction des éléments.
Au final, ces questionnements autour de la pratique du ski ne sont-ils pas une invitation à revoir notre dépendance au tourisme en général ?
En effet. D’après Philippe Bourdeau [professeur à l’Institut de Géographie Alpine de l’Université Grenoble-Alpes, ndlr], lorsqu’on a réalisé que l’ère du tout ski était finie, on a d’abord commencé à se diversifier autour du ski mais toujours dans la neige. Ensuite on s’est dit : « L’ère du tout neige est finie, alors il faut diversifier en quatre saisons ». Mais là, en fait, il faut sortir du tout tourisme, repenser entièrement le territoire, en tant que territoire de montagne pour pouvoir anticiper l’évolution de la vie en montagne pour le reste du siècle. Si le tourisme en montagne s’effondre, pour plein de raisons différentes, il faut penser à faire vivre les locaux sans être trop dépendants des flux qui viennent d’ailleurs. Et ça, depuis la crise du Covid, c’est beaucoup plus facile à faire comprendre.
Combien d’emplois dépendent des domaines skiables ?
On a uniquement les chiffres du Domaine Skiables de France, soit 120 000 emplois directs et indirects en stations qui dépendent de l’ouverture des stations de ski. C’est essentiellement concentré dans les Alpes du Nord. Et ça ne concerne que le ski alpin. Le tourisme en montagne, c’est beaucoup plus. N’oublions pas que le ski alpin, c’est un milliard de chiffre d’affaires pour les remontées mécaniques. […] Continuer de faire du tourisme qui soit un peu moins dépendant de la neige, ça ne veut pas dire qu’il faut arrêter le tourisme, mais ça vaut dire qu’il faut anticiper que le tourisme puisse ralentir sa croissance ou la diminuer, anticiper les changements structuraux en France. Les territoires de montagne pourraient devenir de plus en plus attractifs s’il venait à faire de plus en plus chaud, ce qui va poser des questions de foncier en montagne. Ce qui est déjà le cas. Par ailleurs, l’agriculture, l’artisanat… Ces pratiques ancestrales un peu oubliées sont actuellement remises au goût du jour de manière superficielle et presque folklorique. Mais personnellement, je pense qu’il faudrait le faire un peu plus profondément et sincèrement.
Y a-t-il un risque que les prix des forfaits explosent, afin de maintenir une rentabilité à tout prix, quitte à ce que le ski ne soit plus qu’un sport de privilégié ?
C’est déjà un sport de privilégiés. Seulement 8% des Français vont au ski chaque année, selon le CREDOC [Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, ndlr]. Des cadres sup’ et des chefs d’entreprise en priorité. Une autre étude montre que de base, partir en vacances en hiver, c’est aussi un truc de privilégié. Depuis plus d’une dizaine d’années, les grosses stations de ski des Alpes du Nord, celles qui tirent l’industrie, font de la montée en gamme. Ils s’adressent de plus en plus à une clientèle plus favorisée, plus riche – fruit d’une réflexion axée autour du business qui se place dans un contexte où les inégalités ont tendance à augmenter, ou à ne pas se réduire. […] Si on vend des services aux plus riches, on est obligé de monter en gamme et on aura du mal à démocratiser la pratique, à attirer plus de monde. Dans le futur, je ne vois pas comment ça va pouvoir repartir dans une autre direction.
Ma grande question est de savoir comment va-t-on continuer à vivre en montagne dans le futur. C’est ce qui m’inquiète le plus. Je ne vois pas trop vers quoi ça va aller dans 30-50 ans, avec des canons à neige abandonnés et des retenues collinaires vides. […] Si le contexte socio-économique en France commence à être de plus en plus difficile à vivre, ça va être compliqué de justifier des pratiques bourgeoises comme le ski qui souffre déjà de cette image-là. […] Ca risque de se tendre pas mal.
La fin d’un modèle unique de renommée internationale
Comment vont s’adapter les décideurs locaux face au manque de neige ? Vont-ils choisir la fuite en avant, quitte à investir dans des canons à neige, un engrenage économique dangereux et néfaste sur le plan environnemental ? Est-ce la fin de l’expansion des domaines skiables de vallées à vallées et de la multiplication des équipements ? Arrivera-t-on à trouver une substitution à l’offre ski ? Quel est l’avenir du tourisme en montagne ?
Une chose est certaine : c’est la fin d’un modèle unique de renommée internationale. Face aux défis actuels, il ne peut plus constituer une référence et cède peu à peu le pas à une diversité de trajectoires. À court terme, l’enjeu va résider dans l’accompagnement des stations, ces dernières devant faire le deuil de l’or blanc. S’il y aura, on l’a bien compris, autant de réponses possibles face au manque de neige, que de lieux concernés, les acteurs territoriaux devront être capables de proposer une offre diversifiée, différenciante et multi-saisons, sans tomber dans les pièges de la surfréquentation et de la multiplication de « Luna Parks de montagne ».
« Comment la montagne pourrait participer à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans un contexte où aujourd’hui une grande partie de notre population dépend de l’activité touristique ? », s’interroge Hugues François, chercheur à l’INRAE. « N’est-ce pas plutôt de la responsabilité des territoires de montagne de sortir du tourisme plutôt que d’attendre que le tourisme ne soit plus viable pour changer d’activité ? […] C’est d’autant plus important de se questionner le plus tôt possible que ça ne va pas se faire du jour au lendemain. La question à se poser, c’est comment est-ce qu’on veut vivre et habiter la montagne demain ? »
Flash-back : comment en 60 ans la France est devenue une des patries du ski… sous perfusion
Années 60
Développement intensif des stations de sports d’hiver c’est le « Plan neige » et la construction de stations en site vierge (La Plagne, les Arcs, Tignes).
Années 70
Premières alertes face au boom de l’or blanc. « La montagne colonisée », écrit en 1973 par Bruno Cognat, souligne l’impact des conditions d’enneigement dont sont tributaires les stations de sports d’hiver. Deux ans plus tard, « La neige empoisonnée », de Danielle Arthaud, montre les limites de la station intégrée.
Années 80
Succession d’hivers « sans neige ». Le débat sur la viabilité des stations monte. En parallèle, développement des techniques de gestion de la neige dans les domaines skiables : damage (maintien et répartition du manteau neigeux), neige artificielle (dite « de culture »).
Années 90
Début de la diversification touristique. L’objectif ? Proposer une offre « après-ski » aux visiteurs.
Années 2000
• 2008 : La phrase choc : « L’ère du tout ski c’est fini, mais sans le ski tout est fini », Laurent Reynaud, directeur du syndicat des remontées mécaniques.
• 2020 : Scandale du transport de neige par hélicoptère pour pallier l’absence de « l’or blanc » en février dans une station pyrénéenne. Engagement des Domaines skiables français, au nom de toutes les stations de l’Hexagone, dans une démarche de préservation de la montagne (16 éco-engagements en matière de climat, d’émissions de gaz à effet de serre, de protection de la biodiversité et de gestion de l’eau). Objectif : atteindre la neutralité carbone en 2037.
• 2021 : second programme « Espace Valléens » sur l’adaptation au changement climatique, notamment autour du développement du « tourisme 4 saisons ».
• 2022 : 650 millions d’euros prévus dans le cadre du plan « Avenir Montagne », dont 181 millions d’euros par des crédits de l’État et de 150 millions d’euros par les six régions concernées. Objectif ? « Donner aux territoires de montagne qui le souhaitent les moyens de s’adapter vers plus de résilience, de se réinventer vers un tourisme quatre saisons, sans pour autant tourner le dos à l’activité neige ».
Pour aller plus loin…
« The deployment of snowmaking in the French ski tourism industry: a path development approach » (« Le déploiement de la neige artificielle dans l’industrie du tourisme du ski en France : une analyse des stratégies d’évolution »), étude de Lucas Berard (27 juillet 2022) (en anglais)
« Determination of snowmaking efficiency on a ski slope from observations and modelling of snowmaking events and seasonal snow accumulation », (« Détermination de l’efficacité de l’enneigement artificiel sur une piste de ski à partir d’observations et de modélisation des événements d’enneigement et de l’accumulation saisonnière de neige »), étude datant de 2017, réalisée par les chercheurs français Pierre Spandre, Hugues François, Emmanuel Thibert, Samuel Morin, and Emmanuelle George-Marcelpoil (en anglais)
« Le ‘tout ski’ est peut-être fini, mais sans le ski, tout est fini ! », Laurent Reynaud, directeur du SNTF (Syndicat National des Téléphériques de France) remet en cause le modèle du ski en 2008
« La station de Metabief : un exemple de station en transition », article publié le sur le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoire
« Coup de chaud sur les montagnes », Bernard Francou et Marie-Antoinette Mélières, publié en 2021 aux éditions Guérin
« La lutte des bergers de Cervières ou la fin de la ruée vers l’or blanc », émission du 4 octobre 2022 sur France Inter
« En Isère, le tourment des stations de ski face à la fin inéluctable », Reporterre, (23 décembre 2022)
« En montagne, un modèle économique sans ski est-il possible ? », article publié le 1er juillet 2021 sur Pour l’Eco
« Bon Pote #4 Loïc : le ski est-il écologique ? », interview de Loïc Giaccone donnée à Bon Pote en février 2020
« Vidéo / Loïc Giaccone dans le Greenletter Club : pourra-t-on (encore) skier à la fin du siècle ? », (17 janvier 2022)
« Les Passeurs », un magazine pour imaginer la montagne de demain (actifs via leur newsletter)
Mise à jour : vendredi 13 janvier 2023
Photo d'en-tête : Yann Allegre