David lama

Il y a 5 ans disparaissait David Lama, alpiniste prodige

  • 17 avril 2024
  • 4 minutes

16 Avril 2019, David Lama, ainsi que l’Autrichien Hansjörg Auer et l’Américain Jess Roskelley, trouvent la mort en montagne sur les pentes du pic Howse (3295 m), au Canada. Une partie des cendres de David repose désormais sur le Fox Peak (5800 m), un sommet népalais gravi par l’alpiniste lors de son acclimatation en vue de ses tentatives au Lunag Ri (6895 m), une ascension qui lui avait valu un Piolet d’Or posthume, en 2019. À l’occasion du cinquième anniversaire de la mort de leur fils, ses parents ont publié une vidéo hommage, présentant la dernière demeure d’un alpiniste au parcours fulgurant.

Amoureux de la montagne depuis l’enfance, David Lama y a dédié sa vie. De père népalais et de mère autrichienne, il a effectué ses premières ascensions à l’âge de cinq ans. Très vite il est pris sous l’aile de Peter Habeler, un éminent alpiniste autrichien à qui l’on doit la première sans oxygène de l’Everest (8848 m) aux côtés de Reinhold Messner.

L’escalade, une formalité pour ce jeune prodige

Au début de sa carrière, le jeune David Lama se dirige vers l’escalade sportive. À travers une pratique assidue de la compétition. Et il excelle. Double champion du monde junior, plus jeune vainqueur du classement général de la Coupe du monde (à 15 ans !) et double champion d’Europe en bloc et en difficulté l’année d’après, en 2006.

En parallèle de ses exploits sur la résine, David Lama grimpe en extérieur. Là-aussi, son niveau est exceptionnel. À 10 ans il est dans le 8a, à 11 ans dans le 8b, et à 12 dans le 8c. En 2005, à 14 ans seulement, il réussit « No Future », une voie cotée 8c+, à Céüse, au cœur des Hautes-Alpes. Mais il va se détourner de ce monde pour aller vers de plus hauts sommets. 

À partir de 2010, les exploits s’enchaînent. Cette année-là, il gravit avec l’Autrichien Peter Ortner, « Bellavista », une grande voie libérée par Alex Huber en 2001, avec, entre autres, une longueur clé autour de 8b+/8c. Le tout sur l’imposante Cima Ovest, l’une des Tre Cime di Lavaredo, dans les Dolomites. 

La même année, il répète la « voie Petit » (450 mètres de 13 longueurs, 8b max) au Grand Capucin (3838 m), dans le massif du Mont Blanc. Un premier pas vers le monde de la haute altitude. 

Un exploit marquant : la première en libre du Cerro Torre

Une ascension va particulièrement résonner dans le microcosme de l’alpinisme. Accompagné par Peter Ortner, David Lama, alors âgé de 21 ans, va devenir le premier homme à avoir gravir en libre la face Est du Cerro Torre (3102 m), en Patagonie. Via la célèbre « voie du compresseur ». 

« Cette première ascension libre de la corniche sud-est de Cerro Torre est probablement la meilleure aventure de ma vie à ce jour », écrit-il à l’époque. « Je suis particulièrement fier de l’avoir faite sans vous avoir rajouté le moindre piton ». À savoir qu’à l’époque, le Cerro Torre est au cœur de la controverse. Et ce , depuis que l’Italien Cesare Maestri avait affirmé avoir atteint le sommet en 1959. Une tentative qui n’avait pas été sans dégâts collatéraux, puisque son partenaire de cordée, Toni Egger, était mort durant l’ascension. Onze ans après, Maestri était revenu en Patagonie, équipé d’un compresseur de 180 kilos et d’une perceuse. De quoi réussir l’ascension, en se hissant sur les 400 pitons, à raison d’un tous les mètres, laissés derrière lui. 

Près de quarante ans après cette histoire, le Cerro Torre demeure le challenge ultime en escalade libre. Et ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.  

Utilisant uniquement des coinceurs (protections amovibles), David Lama passe près de 24 heures dans la face. Et, en dépit de quelques averses et du gel, il établit un bivouac en paroi avant son assaut final vers le sommet, le matin suivant. « On a suivi le trajet d’origine sur trois pans de montages, en grimpant dans des zones étroites et friables. Arrivé 20 mètres sous le compresseur [que Cesare Maestri avait laissé pendant son ascension, ndlr], on a pris à droite puis on a atteint un réseau de fissures qui nous a amené au sommet ». Remarquable ! 

Un avis partagé par le jury des Piolets d’Or, qui, en 2013, délivre une mention spéciale à cette ascension.

Le Lunag Ri, une leçon de persévérance

Une autre date est marquante quand on remonte le fil de la carrière de David Lama : le 25 octobre 2018. Jour où il se dresse au sommet du Lunag Ri (6895 m), un des rares sommets encore jamais atteints par l’homme, à la frontière népalo-tibétaine. Une véritable leçon de persévérance ! L’histoire avait commencé en 2015, lors de la première expédition au Népal de David Lama, le pays d’origine de son père. À cette époque, la région venait d’être frappée par un important tremblement de terre. Accompagné de la légende américaine de l’alpinisme, Conrad Anker, il s’était rendu au pied du Lunag Ri. Avec un objectif en tête : réaliser la première ascension de ce mythique sommet. Mais une erreur tactique forcera le duo à rebrousser chemin. À seulement 300 mètres du sommet… 

L’année d’après, le scénario de la précédente expédition les ayant particulièrement mis en confiance, les deux alpinistes retournent sur place. Sauf que tout ne se déroule pas comme prévu. Conrad Anker est victime d’une crise cardiaque pendant l’expédition. Ce qui a évidemment mis un terme à cette nouvelle tentative. La mission était encore une fois un échec.

« L’idée que je ne pouvais me permettre aucun faux pas prenait le dessus sur tout le reste »

Après deux ans d’attente, et de rémission pour Conrad Anker, ce dernier annonce à son compagnon de cordée renoncer à une troisième tentative sur le Lunag Ri, refusant de faire subir une angoisse trop forte à son entourage. C’est donc seul que David Lama va terminer ce projet. 

« J’ai marché les derniers mètres sur une neige soufflée par le vent, qui s’accrochait au granite de la montagne » se souvient Lama. « Mon cerveau était totalement concentré sur les décisions que je devais prendre là-haut. L’idée que je ne pouvais me permettre aucun faux pas prenait le dessus sur tout le reste. Cela m’obligeait à une concentration extrême de tous les instants. C’est un sentiment particulier que je retrouve souvent lors de mes ascensions en solo sur des montagnes compliquées […] Puis soudain, je me suis rendu compte qu’il ne me restait que quelques pas à faire. En face de moi se trouvait l’éperon du sommet du Lunag Ri. Je me souviens encore très bien comment Conrad et moi, assis devant notre tente en 2015 au camp de base avancé avec des jumelles à la main, nous demandions si le sommet que nous croyions voir à l’époque était bien celui-là. […] Cela a contribué à rendre ces derniers mètres d’ascension encore plus intenses ».  

Quelques mois plus tard, le 16 avril 2019, David Lama, ainsi que l’Autrichien Hansjörg Auer et l’Américain Jess Roskelley, disparaissent en montagne. Ils tentaient la répétition de « M16 », ouverte en 1999 dans la face est du pic Howse (3295 m), dans une zone reculée du parc proche de la frontière avec la province de la Colombie-Britannique.

Un Piolet d’or posthume lui sera décerné le 23 septembre 2019 pour son ouverture au Lunag Ri en 2018.

Thèmes :