Deux ans seulement de préparation, un mental et un physique au top, et en ligne de mire : Tokyo 2020. Quand, en mars dernier, tombe l’annonce du report, pour les athlètes sélectionnés en escalade – l’une des toutes nouvelles disciplines olympiques – c’est un choc. Mais aussi parfois un soulagement, expliquent Julia Chanourdie, Ludovico Fossali et Alberto Gines Lopez du team La Sportiva. Comment l’ont-ils vécu et comment sont-ils parvenus à se remobiliser ? A un an, jour pour jour, de l’ouverture des Jeux, prévue le 23 juillet 2021, ils témoignent.
Julia Chanourdie : « Surtout ne pas trop se prendre la tête »
Julia, c’est d’abord une nature. Puissante et solaire. Originaire de Charleville-Mézières, elle a grandi en Haute-Savoie, sa terre d’adoption. La grimpe ? Elle est tombée dedans très jeune : ses parents tiennent une salle d’escalade à Annecy. A quatre ans, ce sera son premier terrain de jeu. Et d’entraînement aussi. A huit, c’est la première compétition. A douze, elle intègre l’Equipe de France. S’enchaînent ensuite les victoires jusqu’aux premiers podiums internationaux seniors en 2017. D’abord aux World Games de Wroclaw en Pologne ou elle prend la troisième place, puis en coupe du monde à Wujiang en Chine ou elle termine également troisième. De quoi provoquer « un gros déclic au niveau psychologique » raconte-t-elle.
A 24 ans, Julia compte déjà des moments marquants en tant que grimpeuse. Son premier 8C, à 16 ans, « là, on passe un cran », dit-elle. Et quelques belles croix. Notamment en mars dernier, à Saint-Léger-du-Ventoux, où elle est entrée dans le cercle très restreint des grimpeuses qui ont gravi un 9a+. Seules quatre femmes dans le monde ont réussi ou dépassé ce niveau, Julia Chanourdie est devenue la première française.
« Les J.O marquent encore un autre tournant dans ma vie », dit-elle. « Pour un sportif, c’est tout ce dont on peut rêver ! C’est aussi une autre approche au niveau de l’entraînement, plus intense, car Il faut gérer trois disciplines – vitesse, lead et bloc, un format très complet, J’ai intégré ce combiné depuis un an déjà et travaille particulièrement la vitesse, qui m’était moins familière jusqu’à présent. Il faut être explosif, gérer la récup, ne pas se blesser. Je ne ferais pas que ça, mais ça va, ça me plait. J’ai une marge de progression. Je n’ai pas changé mon volume d’heures d’entraînement, seulement réorganisé le temps en incluant une à deux séances de vitesse par semaine.
Le report, je l’ai vécu assez bien, mais j’avoue que sur le coup, j’ai eu un petit coup de mou, le temps que l’information rentre, mais au final, c’est bien mieux. Cela m’a permis de passer le confinement plus sereinement. Je vais aussi pouvoir mieux me préparer. Avec du recul, ce report est positif.
Forcément, pour se remobiliser, ça n’a pas été simple. J’ai pu continuer à m’entraîner non-stop pendant toute la durée du confinement – la salle de mes parents est derrière la maison ! – et me refocaliser sur mes études de STAPS. Mais j’ai subi un contre-coup après, avec le besoin de prendre un peu de repos. Aujourd’hui, je grimpe, j’essaie de ne pas trop me prendre la tête et j’ai hâte de retourner en falaises !
Au niveau psychologique, les J.O vont être une grosse pression. Heureusement côté français je ne serai pas la seule femme, Anouck Jaubert étant également sélectionnée. Mais sur place, il me faudra rester dans ma petite bulle, me protéger, m’ont conseillé ceux qui en ont déjà fait l’expérience. Plus qu’un an, et là, je serai à fond ! »
Ludovico Fossali : « Mes pensées, mes efforts, mon énergie, ma vie quotidienne sont concentrés sur Tokyo 2021 »
Ludovico, c’est la détermination. L’Italien est entier et fort d’un solide palmarès. En 2016, sa dernière année en tant que junior, il remporte le championnat du monde en Chine. L’année suivante, inscrit en senior par défaut aux championnats d’Europe, il s’impose. « C’est là que j’ai réalisé que je pouvais faire quelque chose, même avec les « grands » «, raconte-t-il. En 2019, c’est la médaille d’or en vitesse au Climbing World Championships d’Hachioji.
Pour lui, le report a été un soulagement. « C’est ce qu’il fallait faire. Dès qu’on a commencé à parler de décaler la date plus tard en 2020, je me suis vraiment demandé si c’était pertinent de participer aux Jeux olympiques cette année-là en raison de la situation mondiale; je crois fermement que la santé, et pas seulement la mienne, passe avant tout.
Par ailleurs, cela me permet d’affiner ma préparation et d’avoir plus de temps pour récupérer d’un entraînement combinant désormais les trois disciplines. Mais je n’ai pas encore eu l’occasion de confronter mes adversaires et d’évaluer les résultats obtenus.
Pendant le confinement, j’allais bien mais j’étais un peu inquiet au début. Comme pour tous les athlètes, deux mois de congé, c’est long. Au niveau physique et psychologique, même si j’ai réussi à garder mon rythme d’entraînement. Grâce à ce report, avec les entraîneurs du Centre sportif de l’armée, que j’ai intégré en 2018, j’ai pu me fixer des objectifs à court et à long terme pour maintenir ma motivation et continuer à pratiquer au mieux de mes capacités. J’en ai profité pour corriger certains de mes points faibles.
Aujourd’hui je m’entraîne à raison de six à sept heures par jour. Dont trois à quatre heures d’escalade, le reste étant dédié au stretching notamment. « Le talent n’existe pas. Ce qui compte, c’est le travail, physique et mental », m’a dit un jour mon coach. C’est le meilleur conseil qu’on m’ait donné. La compétition, c’est 70% de mental. Un point que je travaille depuis deux ans avec une psychologue, Valentina, que j’ai trouvée moi-même. Je la vois une fois par semaine, et ça a changé beaucoup de choses. Par le passé, il m’est arrivé d’avoir peur de l’échec, aujourd’hui je suis beaucoup plus concentré, plus présent en compétition.
Enfant, j’habitais dans un petit village de montagne, mon père était entraineur de basket-ball. J’y ai touché un peu, ainsi qu’au rugby, au roller et au skate mais moi, c’était surtout le snowboard, le ski , et … la grimpe. Aujourd’hui, l’escalade, c’est mon travail, mon hobby, ma vie. »
Alberto Ginès Lopez : Mon but ? L’or aux JO
Un look très étudié, une passion pour les jeux vidéo et la musique, Alberto a 18 ans, il est encore lycéen et a déjà beaucoup de talent. Qualifié pour les Jeux Olympiques, le jeune Espagnol originaire d’Estrémadure fait lui aussi parti du team La Sportiva. Un contrat resigné pour trois ans avec l’équipementier italien qui le considère comme l’un de ses grimpeurs les plus prometteurs. En 2019, il attire tous les regards en remportant l’argent en difficulté au Championnat d’Europe d’Édinbourg. Seul Espagnol dans la catégorie escalade aux Jeux, il aura une lourde charge sur les épaules. Pas de quoi l’effrayer pour autant.
Certes, les J.O représentent indubitablement « le moment le plus fort » de sa courte carrière, et il s’y prépare avec passion. Confiné en Espagne, il a continué de travailler sans relâche doigts et bras. Le report ? « Une bonne chose, au final », dit-il. « Ça m’a touché au début, forcément, parce que j’étais super motivé, mais je sais que c’est une sage décision », dit-il. « Grimper, c’est ma vie. Cette passion m’a appris à organiser mon temps, à me concentrer sur mes objectifs. Cela m’a aussi beaucoup apporté au niveau des amitiés et des rencontres. » En novembre dernier, c’est avec Adam Ondra – son idole avec Alex Megos – qu’il s’est entraîné. « Il m’avait invité à le rejoindre », raconte-t-il. « Avec lui, j’ai énormément appris sur le plan technique mais aussi au niveau de la motivation. C’est quelqu’un de très inspirant. J’ai tant à découvrir encore, ma carrière ne fait que commencer. »
Pour découvrir la collection escalade de La Sportiva, c’est ici.
Photo d'en-tête : Giovanni Danieli / La Sportiva- Thèmes :
- Escalade
- Jeux Olympiques
- La Sportiva