Sur l’île de La Réunion, l’eau est partout. Pourtant, malgré les pluies torrentielles qui inondent ses ravines, ses rivières s’amenuisent et ses nappes s’épuisent. Pression touristique, expansion urbaine et climat déréglé accélèrent une sécheresse qui menace désormais le quotidien des Réunionnais. Un paradoxe saisissant que raconte le documentaire « La Réunion, l’eau sur un fil », alors que l’île intense affronte déjà une sécheresse grandissante.
Le Trou de Fer, Takamaka, le Voile de la Mariée… À La Réunion, ces noms évoquent des cascades vertigineuses, où l’eau jaillit en torrents pour s’écraser dans des bassins ourlés de végétation tropicale. L’île intense, c’est aussi l’image des cyclones, des pluies diluviennes et des ravines gonflées par des crues soudaines. Tout cela est vrai. Et pourtant, derrière la carte postale, une réalité bien différente s’installe : l’île manque d’eau. Urbanisation, tourisme de masse et dérèglement climatique accentuent une sécheresse qui grignote ses ressources.
En 2025, le Comité Sécheresse tire la sonnette d’alarme : les précipitations sont bien en dessous de la normale. Les rivières s’amenuisent, certaines cascades autrefois rugissantes ne laissent plus couler qu’un mince filet d’eau. Sous terre, les nappes phréatiques peinent à se recharger. Même les pluies diluviennes n’y suffisent plus : elles dévalent trop vite les pentes pour nourrir les réservoirs naturels de l’île.
Le seuil de crise est déjà atteint
Selon Réunion La Première, plusieurs nappes phréatiques ont déjà franchi le seuil de crise, notamment à Saint-André et dans la zone du Port. À Saint-Denis, le chef-lieu, la situation est jugée préoccupante : le seuil d’alerte y est désormais atteint. Même les rivières emblématiques de l’île, comme celle des Marsouins, sont placées sous surveillance rapprochée.
Si 2025 affiche des pluies inférieures aux moyennes, le problème va bien au-delà des chiffres. L’urbanisation galopante recouvre les sols et empêche l’eau de s’infiltrer vers les nappes phréatiques. Le dérèglement climatique aggrave encore la situation : les précipitations se font plus rares, mais quand elles tombent, c’est en trombes. Résultat, l’eau dévale les pentes sans jamais s’enfoncer dans le sol, laissant les réservoirs naturels désespérément vides.
Plan ORSEC pour l’eau potable
L’île s’assèche. Les champs jaunissent, les arbres se fanent, la végétation ploie sous le manque d’eau. Et les habitants, eux, commencent à manquer d’eau potable. Des associations locales tentent d’alerter : un recours a même été déposé devant le tribunal pour dénoncer l’absence de plan ORSEC dédié à l’eau en cas de cyclone majeur. Sans succès jusqu’ici. Or, le danger est bien réel : en décembre 2024, le cyclone Chido a ravagé Mayotte. Un phénomène similaire frapperait La Réunion, et la crise de l’eau serait immédiate.
Limiter, voire réduire, le tourisme fait désormais partie des pistes envisagées pour faire face à la pénurie. Car la notoriété de l’île a un prix : de 400 000 visiteurs au début des années 2000, on est passé à plus de 550 000 aujourd’hui, pour une population locale d’environ 900 000 habitants. Une pression énorme sur une ressource déjà fragile. Difficile, dans ce contexte, de justifier que les vacanciers profitent de l’eau quand habitants et agriculteurs en manquent cruellement.
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