En 2003, à 13 ans, l’Américaine est victime de l’attaque d’un requin tigre de 15 pieds. A peine remise, elle se relance dans le circuit pro. Un bras en moins. Depuis, Bethany est « Unstoppable», titre du documentaire biographique qui retrace son histoire. En marge de ce long métrage diffusée en 2018, vient de sortir « In the night », un petit bonus de surf nocturne. A découvrir avant de se replonger dans l’incroyable parcours de la surfeuse.
C’est aux Maldives, sur Pasta Point, un des meilleurs spots de la région selon Bethany Hamilton, qu’Aaron Lieber, réalisateur de « Unstoppable » a shooté la session nocturne de l’Américaine, accompagné de la jeune surfeuse pro, Lakey Peterson. « Il y a juste quelque chose de magique dans l’idée de surfer dans l’obscurité. De quoi retrouver votre âme d’enfant. Et bien que le surf de nuit comporte de nombreux défis, le résultat final est à la fois cinématographique et inspirant », explique le réalisateur.
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« Bethany Hamilton, bien plus que la « fille mutilée par un requin »
Article de Susan Casey, initialement publié dans Outside le 16 février 2019
Le choix des mots est essentiel quand on parle de Bethany Hamilton. En 2003, son histoire fait le tour du monde : elle a 13 ans et un requin-tigre vient de changer le cours de sa vie en lui prenant le bras gauche, alors qu’elle surfait sur la côte nord de Kauai, à Hawaï. “La fille mutilée par le requin”, “l’athlète handicapée” : Bethany Hamilton, 29 ans aujourd’hui, ne s’est jamais reconnue dans ces catégories. “À l’époque, j’étais tellement jeune, tellement résiliente… Je fonçais dans ce qui arrivait tête baissée comme un bélier. Perdre un bras n’a été pour moi qu’un accident de parcours, dit-elle. Un simple obstacle à contourner.” La gamine casse-cou était déterminée à devenir surfeuse professionnelle : mission accomplie.
Ce qui ne signifie pas ce que cela ait été facile. Ce jour de 2003, Bethany Hamilton a perdu 60% de son sang. Moins d’un mois plus tard, les points de suture à peine retirés, elle retournait dans l’eau pour réapprendre à surfer. Son père avait installé une poignée au rail de sa planche pour qu’elle puisse faire le canard et passer sous les vagues, et elle trouva le moyen de se propulser en battant des pied pour compenser le fait de ne ramer que d’un seul bras. Au bout de deux mois, elle participait déjà à des compétitions… En 2005, elle remportait une épreuve nationale et, en 2007, elle passait professionnelle.
Bethany Hamilton a été pas mal occupée ces cinq dernières années : elle s’est mariée avec un jeune pasteur rencontré en 2012, a terminé troisième de l’émission de course autour du monde “The Amazing Race”, a fini première lors d’une compétition pro féminine à Pipeline (Hawaï), a bravé le tube de Teahupoo, encore plus traître que Pipe. En 2014, elle s’est envolée à Padang Padang, un spot balinais, afin de pratiquer ses techniques d’aérien — elle y est tombée plusieurs fois, se blessant jusqu’au sang, mais a réussi à la fin un air reverse 360. “Le truc le plus incroyable que j’ai fait”, dira-t-elle à l’époque. C’était avant la naissance de son premier fils, Tobias, en juin 2015 et de son petit frère, Wesley, en 2018.
Un documentaire, “Bethany Hamilton : Unstoppable”, qui devrait sortir en France cette année, fait le récit de son étonnant parcours. Ses moments de triomphe alternent à l’écran avec des tranches de la vie quotidienne : on la voit allaiter Tobias après une compétition, faire du surf près de chez elle à Kauai et lever de la fonte à huit mois de grossesse, enceinte de Wesley.
Se faire Jaws
“Unstoppable” met en évidence ce qui particularise Hamilton : son noyau en titane. Elle s’entraîne jusqu’à cinq heures par jour : un mélange de surf, natation, séances de HIIT (fractionné à haute intensité), de trampoline et de Pilates, avec des séries de sprints sur la plage et de l’aquarunning lestée d’une grosse pierre. Le documentaire montre une femme déterminée à gagner, ne craignant ni la douleur, ni la pression de se fixer les objectifs les plus extraordinaires. Pour autant, Bethany ne prétend pas avoir laissé ses peurs derrière elle. Elle dit “respecter” les requins, mais ce ne sont pas ses animaux préférés… Ses véritables ennemis sont plutôt sa propre frustration et sa déception quand elle n’atteint pas son but.
En 2016, sept mois après la naissance de Tobias, elle repère un incroyable swell sur les cartes météo et décide de faire un saut sur l’île voisine de Maui, à la poursuite de l’une des vagues les plus mythiques de la planète : Jaws. Elle se fait d’abord tracter et chevauche une vague de plus de 12 mètres. Mais ce n’est pas suffisant pour Bethany.
Elle décide donc d’augmenter la difficulté, en ramant elle-même. Ses premières tentatives se soldent par des wipeouts (des chutes) mémorables, mais elle retourne au line up et réussit finalement l’un des meilleurs rides de la journée. Elle raconte en riant : “C’était sans doute l’une des séances les plus effrayantes de ma vie, et en même temps, c’était… l’éclate ! Un truc bizarre, drôle et fou à la fois”.
Tobias n’a même pas encore un an lorsqu’il atterrit avec ses parents aux Fidji. Bethany Hamilton a reçu une wildcard pour participer au Fiji Pro 2016, une des étapes de la World Surf League. Peu d’experts misent sur elle. Elle bat alors Stephanie Gilmore, six fois championne du monde et Tyler Wright, considérée alors comme la meilleure du circuit pro féminin. “Ce n’était vraiment pas censé se passer comme ça” pourra-t-on lire sur le site du magazine Sports Illustrated.
Une citoyenne engagée
Après la performance de Bethany Hamilton aux Fidji, l’icône du surf Kelly Slater s’est déclarée “incroyablement impressionné”. Quant au légendaire Laird Hamilton – aucun lien de parenté avec Bethany – il a déclaré : “C’est une surfeuse dans l’âme. Son ambition et sa passion pour ce sport l’ont poussée à faire des choses dont même les surfeurs qui ont leurs quatre membres sont incapables”.
Même la charge cumulée de deux enfants en bas-âge ne saurait ralentir la tornade Bethany Hamilton. “Je veux améliorer mon aérien, annonce-t-elle. C’est un défi fascinant et excitant”. Il y a quelques mois, elle a publié Unstoppable Me, un album pour enfants co-écrit avec son mari pasteur. Bientôt, elle lancera sa propre application à destination des jeunes femmes avec des conseils sur la forme, la nutrition et des pensées inspirées de ses valeurs chrétiennes. Dans sa ligne de mire : le système alimentaire industriel américain qui, estime-t-elle, fait des ravages : “Il nous faut prendre conscience de l’impact de notre alimentation sur notre santé et sur la planète”, explique-t-elle.
Alors, Bethany Hamilton, nutritionniste ? Militante locavore ? Auteure de livres pour enfants ? Développeuse d’applis ? “C’est presque comme si j’avais besoin de défis”, glousse-t-elle, consciente de la litote, et mettant par la même occasion le doigt sur l’une des raisons pour lesquelles son histoire émeut toujours. On a tous besoin d’un challenge de temps en temps, mais nous choisissons nos héros parmi ceux qui affrontent les épreuves les plus dures avec grâce et courage. Grâce et courage, sans doute les termes les plus adaptés pour définir Bethany Hamilton.
Photo d'en-tête : Aaron Lieber & Noah Alani- Thèmes :
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