Des kilos de plastiques, d’aluminium et d’acier… Nos chaussures de ski regorgent de précieux matériaux parfaitement recyclables. Plutôt que de laisser votre vieille paire hors d’usage prendre la poussière ou, pire, de la jeter, Tecnica, numéro un mondial du marché, propose maintenant de lui donner une nouvelle vie via le programme « Recycle Your Boots ». Une initiative parrainée par le programme LIFE – fonds européen pour l’environnement et l’action climatique, qui marque la naissance d’un nouveau modèle économique pour l’industrie du ski, celui de l’économie circulaire permettant d’économiser des ressources et de réduire les émissions de CO2.
Comment ça marche ? Explication en 7 points.
Pourquoi ce programme ? Qui est concerné ? Quel avantage pour le consommateur ?
« Une chaussure de ski compte plus de 120 composants. Produit aussi complexe à fabriquer qu’à recycler, il est aussi une source majeure de déchets et de CO2 », explique Giorgio Grandini, Responsable innovation de Tecnica, leader mondial du secteur. Car, en fin de vie les chaussures sont brûlées dans des usines de transformation ou, le plus souvent, finissent dans une décharge, contribuant ainsi à l’énorme accumulation de plastiques sur la planète ou à leur dispersion sous forme de microplastiques ».
Loin de baisser les bras, la marque italienne est donc convaincue que chaque geste individuel peut faire la différence : « Les problèmes de notre activité, on les connait », reconnait Maurizio Priano, directeur marketing de Tecnica. « Nous en sommes conscients et nous voulons faire notre part. » A son arrivée, il y a trois ans, il a donc lancé la réflexion sur le programme « Recycle your boots » (Recyclez vos chaussures), nouveau service de collecte et de recyclage permettant à tout acheteur d’une paire de chaussures de ski Tecnica de retourner son ancien modèle qu’elle s’engage à recycler intégralement, et ce, quelle que soit la marque. En sus, pour chaque nouvelle paire de chaussure achetée, Tecnica reversera 5€ à Mountain Riders et offrira un abonnement de six mois à Outside (valeur 42€ TTC).
Où est comment déposer mes chaussures ?
Au lieu de recourir à l’expédition, opération complexe à organiser pour le consommateur comme pour la marque, et surtout gourmande en énergie, Tecnica s’est associé à plusieurs détaillants pour mettre en place des sites de collecte. Pour trouver le magasin le plus proche de chez vous, il suffit de taper votre adresse ici.
A ce jour, le programme s’étend à 8 pays, la France, mais aussi l’Italie, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède, la Norvège et l’Espagne. En ce qui concerne l’Amérique du Nord, Tecnica a bon espoir de pouvoir résoudre les problèmes logistique pour inclure également cette région.
A ce jour, donc plus de 150 points de vente ont rejoint le réseau, dont 30 en France, notamment à Paris ou Annecy. Mais ce nombre est amené à augmenter selon les prévisions de la marque qui, pour la première saison, vise la collecte d’au moins 7 000 paires de chaussures de ski. Soit quelque 30 000 d’ici quatre ans, objectif fixé dans le cadre du programme LIFE – fonds européen pour l’environnement et l’action climatique.
Ok, mais comment est limité l’impact du transport ?
Le transport des chaussures à recycler peut effectivement s’avérer très coûteux en énergie. Aussi la logistique de toute l’opération a-t-elle été longuement travaillée. Une fois une grande quantité regroupée afin de réduire les émissions, les modèles hors d’usage sont donc transportés vers le centre de recyclage en Italie selon un plan de transport permettant de réduire au minimum le nombre de collectes et d’optimiser les itinéraires. En charge de l’opération, FERCAM, une société disposant d’une flotte de véhicules à l’impact environnemental faible. Cette dernière adoptera des mesures spécifiques de comptabilisation, de neutralisation et de compensation des émissions de CO2 pour ces cargaisons, dont l’impact, évalué en collaboration avec Carbonsink, s’élève à environ 52000 km , soit 42,5 t d’émissions de CO2, selon Francesco Comerlati, Directeur des ventes Tecnica.
Concrètement, comment se passe le démontage ?
Les chaussures de ski sont constituées de quelque 120 composants, dont 70 se trouvent dans le chausson ! Une fois arrivées au centre de recyclage basé en Italie, elles seront littéralement dépecées. Ses 120 composants seront présélectionnés et séparés, puis déchiquetés et lavés. Les métaux seront divisés en matériaux ferreux et non ferreux et les plastiques triés en polyuréthane et polypropylène. Toutes les pièces seront ensuite transportées vers l’usine voisine Laprima Plastics et retransformées en matières premières, sous la forme de granules de plastique ou d’aluminium, prêtes à être refondues et réutilisées dans la production industrielle. Quant aux revêtements, ils seront broyés pour fabriquer de nouveaux rembourrages. L’obtention de matériaux de seconde génération permettra d’utiliser moins de ressources naturelles.
Que vont devenir les matériaux récupérés ?
Des quelque 4 kg d’une paire de chaussure pourront être extraits des plastiques ainsi que de l’aluminium et de l’acier en provenance des boucles, des rivets et de la visserie. Tecnica souhaitant recycler 7 000 paires de chaussures sur la première année, 21 tonnes de plastiques devraient pouvoir en être dégagées. Intéressant, même si on ne pourra malheureusement pas en extraire de nouvelles paires de chaussures de ski entièrement composées de matériaux recyclés. La complexité et la variété des traitements subis par les plastiques des différentes marques, ne le permettant pas (question de qualité et de résistance), mais cette matière première trouvera bien d’autres débouchés.
« En ce qui concerne les plastiques », explique la marque, « deux types seront régénérés : le polypropylène (PP) et le polyuréthane thermoplastique (TPU). Les granulés de PP seront utilisés pour fabriquer de nouvelles chaises de bureau, des meubles de jardin, des revêtements de sol et des conteneurs. Cela permettra d’éviter de produire du PP vierge en utilisant des combustibles fossiles et de réduire les émissions de CO2. Le TPU sera utilisé dans le monde de la chaussure sportive et traditionnelle – pour fabriquer des semelles, des inserts, des renforts et des cales. Une partie de cette matière plastique sera intégrée directement dans la fabrication des composants des nouvelles chaussures de ski de nos marques. » A savoir, les cales à l’intérieur des coques, les renforts des poignets, les sections du talon et des orteils et les spoilers arrière.
Quant aux métaux récupérés au cours de ce processus de transformation, ils seront ensuite remis sur le marché pour fabriquer de nouvelles boucles de chaussures de ski, ou pour d’autres applications, comme des cadres de bicyclettes ou des éléments structurels.
La société italienne explique qu’elle travaille également sur « plusieurs applications possibles pour le recyclage des doublures, comme l’utilisation des matériaux récupérés dans la production de nouveaux matelas de protection pour les pistes de ski, en collaboration notamment avec la société Liski, ou la création de mobilier pour les magasins. »
Au niveau scientifique, comment est suivi ce programme ?
Organisé à grande échelle sur quatre ans à partir de l’automne 2021, le projet « Recycle Your Boots » couvre déjà huit pays : Italie, France, Suisse, Autriche, Allemagne, Espagne, Norvège et Suède. L’Université de Padoue, en Italie, en est un partenaire clé, sous la direction de Alessandro Manzardo. Le rôle du chercheur et de son équipe est en effet de mesurer l’impact écologique de l’élimination des chaussures de ski et la production qui en résulte pour, à termes, le réduire tant que possible. Ces travaux, dont les conclusions seront rendues publiques à l’issue de l’expérience, devraient avoir un impact significatif sur l’ensemble de l’industrie de la chaussure de ski. Les autres marques du secteur suivent donc très attentivement cette initiative, d’autant que son potentiel très prometteur lui a permis d’être parrainé par le programme LIFE, outil européen de financement pour les projets d’innovation environnementale destinés à lancer, étendre ou accélérer des pratiques de production, de distribution et de consommation propres et durables.
Qu’en attendre à long terme ?
A la fin de l’hiver 2021-2022, la marque devrait avoir recyclé 7 000 paires de chaussures collectés sur au moins huit pays. A l’issue de quatre ans, l’objectif est de 30 000, soit une réduction de 40% de son empreinte environnementale selon les calculs de l’agence italienne Cesqa (Centro Studi Qualità Ambiente / Centre de recherche sur la qualité de l’environnement). Il ne s’agit donc pas d’une simple opération de marketing mais bien d’une réorganisation du business model de Tecnica. « Nous sommes au début d’une nouvelle façon de concevoir le cycle de vie des chaussures de ski », conclut Giorgio Grandin. « Pour la première fois, on ne parle pas seulement de créer un produit et de le vendre, on met en place un système durable complet qui comprend la production, le transport, l’utilisation du produit et son recyclage. « Recycle Your Boots n’est pas une réponse définitive, pas encore, mais c’est assurément un espace d’innovation permanent. ».
Le programme est en effet voué à influencer la manière dont la marque va imaginer ses chaussures de ski à l’avenir. Le pôle innovation du groupe Tecnica réfléchit déjà à comment se servir des matières recyclées au cours du processus Recycle Your Boots pour fabriquer des nouveaux produits et composants pour les skis. Mais aussi, et c’est capital, il va intégrer les contraintes du recyclage en amont, dans la conception des nouveaux modèles, afin de faciliter et d’optimiser tout le processus. De quoi, on l’espère, inspirer d’autres marques de l’industrie du ski. Voire, pourquoi pas, plus largement, de l’outdoor.
Pour trouver un magasin du réseau « Recycle your boots », près de chez vous, c’est ici