A l’arrière du tandem de l’ingénieur indien Naresh Kumar, la place est vide. Offerte à qui veut bien se joindre à lui le temps d’un tour du pâté de maison ou de quelques kilomètres. L’occasion de faire des centaines de rencontres et de sensibiliser ses passagers au fléau de l’esclavagisme : 40 millions de personnes en sont actuellement victimes dans le monde. Grâce à son action et aux fonds qu’il a ainsi drainés, certains ont pu sortir de cet enfer. Son film de 26 minutes, qui en 2021 a fait la tournée des festivals internationaux, raconte son aventure et son passionnant combat.
« Pourquoi t’es tout seul ? Tu t’es disputé avec ta copine et elle t’a laissé tomber ? « C’est souvent ainsi que Naresh Kumar, seul sur son tandem, est questionné au cours de son périple qui en 87 jours lui a permis de relier l’Inde à l’Allemagne. Un tandem, ça étonne toujours un peu. Alors un tandem à moitié vide roulant en Iran, ou en Slovénie, ça interroge vraiment.
C’était tout le propos de cet ex ingénieur informatique lorsqu’en 2019 il décide de se lancer sur les routes et les chemins sur son cycle baptisé « Kindness » (gentillesse en anglais). Un nom bien choisi pour un homme convaincu qu’arriver seul, à vélo dans les endroits les plus reculés « ça te rend vulnérable », explique-t-il dans le film qu’il a tiré de son voyage. Alors les gens font tomber leurs barrières, montrent leur propre vulnérabilité et s’ouvrent. Révèlent leurs secrets bien souvent. Et aussi écoutent. Car Naresh Kumar a un message à faire passer : 40 millions de personnes sont encore tenus dans l’esclavagisme. Un fléau qui génère 190 millions de dollars chaque année.
Il est bien placé pour le savoir. Dans son pays, l’Inde, le phénomène existe, affectant principalement des femmes et des enfants. Lui a eu plus de chance. Il a grandi au nord de Chennai, ex Madras, dans une famille très pauvre. Mais grâce à une bourse il a pu étudier, devenir ingénieur informaticien et rejoindre la « Mecque « de cet industrie, la Silicon Valley. Une situation confortable dont il va pourtant sortir suite à un voyage au Népal. C’est là qu’un inconnu l’approche pour lui proposer des petites prostituées. Dès lors, il va se donner pour mission d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le phénomène de l’esclavage.
Le tandem : tout un symbole
Comment ? Via la prévention d’abord, en éduquant les gens pour qu’ils ne tombent pas dans ces pièges. En travaillant avec les forces de l’ordre pour que la justice soit rendue. En réhabilitant les victimes après les années de traumatisme qu’elles ont dû endurer. Et enfin, en leur rendant leur autonomie. A savoir « rendre les gens à nouveau humains en leur donnant les moyens de créer une entreprise et d’apprendre à vivre de leurs propres ailes. »
Ses moyens ? Une inépuisable énergie, et un tandem. Pas un gadget, tout un symbole. « Lorsque vous faites du tandem pour la première fois, vous ressentez une peur bleue de ne pas pouvoir contrôler cette machine qui tient en équilibre sur deux roues. On ne peut pas aller où on veut. On ne peut pas s’arrêter quand on veut. Il faut faire vraiment confiance à la personne qui roule au hasard sur le vélo à l’avant. Perdre ce sentiment de liberté est effrayant. Sans liberté, vous n’êtes même pas un être humain ». En quelques minutes, il fait comprendre ce que perdre sa liberté veut dire.
Ce message, avant de mettre le cap sur l’Allemagne sur son tandem, il l’a fait passer lors de sa traversée en sandales du célèbre Te Araroa Trail en Nouvelle Zélande : 3054 km, en totale autonomie en 87 jours. Elle lui permet de drainer des fonds pour une association luttant contre l’exploitation sexuelle et lui vaudra d’être nommé « Wilderness Outdoor Hero of the Year ».
Après la Nouvelle Zélande, cap sur l’Allemagne
En 2017, toujours en Nouvelle Zélande, il se lance dans sa première expédition en tandem, Freedom Seat, toujours pour la même cause. Deux ans plus tard, du 27 février 2019 au 24 mai, il réédite l’expérience de l’Inde à l’Allemagne. En chiffres, cela se traduit par 8646 km, 12 pays traversés, deux continents continents, 48768 m de D+, 87 jours (74 sur la route), 180 inconnus et amis sur sa selle arrière, âgés de 4 à 84 ans.
Actuellement, c’est aux Etats-Unis qu’il roule (Freedom Seat USA). D’ Astoria, dans l’Oregon, vers Washington, DC. On peut le suivre en ligne, lui envoyer un message via ses réseaux sociaux, rouler avec lui, lui donner un coup de pouce ou quelques euros, voire lui permettre d’organiser une conférence pour sensibiliser au fléau de l’esclavage.
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