Il aura fait mentir le calendrier, les statistiques et les idées reçues sur l’âge. Fauja Singh, coureur mythique devenu à plus de 100 ans une légende mondiale de l’endurance, est mort ce lundi 14 juillet à l’âge de 114 ans, percuté par une voiture alors qu’il traversait une route de son village natal, Beas Pind, dans l’État du Pendjab, en Inde.
« Ma Tornade en turban [son surnom] n’est plus », commente sur son compte X l’écrivain Khushwant Singh, « Repose en paix mon cher Fauja ». Enorme émotion en Inde et en Angleterre, son pays d’adoption à l’annonce hier de la disparition de Fauja Singh, plus qu’un marathonien, une légende qui aura vécu 114 ans. Plus d’un siècle.
Né en 1911, alors que l’Inde est encore sous domination britannique, Fauja Singh aura vu défiler deux guerres mondiales, la partition des Indes, et le XXIe siècle. Mais c’est à un âge où la plupart rangent définitivement leurs baskets qu’il décide de prendre le départ de sa deuxième vie. À 89 ans, il entreprend de se mettre sérieusement à la course à pied et enfile pour la première fois un dossard. Ce qui le motive ? Sans doute la mort d’un de ses cinq fils dans un accident sur un chantier au milieu des années 90.
A 90 ans, il entre dans la légende
Sa première course, il la termine en trottinant. A l’instinct. Mais il y prend goût et enchaîne les marathons comme d’autres les promenades. En 2000, il a alors 90 ans, à Londres, il boucle ses 42,195 km en 6 h 54 min : un record mondial dans sa catégorie !Trois ans plus tard, à Toronto, il améliore encore son temps avec un chrono de 5 h 40 min, son meilleur.
Impressionnant, mais c’est en 2011, à 100 ans tout ronds, qu’il entre dans la légende. Ce jour-là, toujours à Toronto, qui, décidément lui porte bonheur, il devient le premier centenaire au monde à courir un marathon jusqu’au bout, sans jamais se départir de son sourire. Détendu, donc. Il ne courait plus après le chrono, mais après le symbole. A ce palmarès sur la distance reine, il faut aussi ajouter des records saisissant. Record du 100 mètres le plus rapide pour un centenaire, du 200 mètres, du 400 mètres, du 800 mètres, du 1 500 mètres, du mile, du 3 000 mètres et du 5 000 mètres. Mais faute de certificat de naissance, non conservés en Inde en 2011, ils ne seront pas homologués par le Guinness World Records. Fauja Singh ne s’en émeut pas, le vieil homme courait non pour gagner, mais pour exister pleinement. Adepte d’une vie simple, sobre, tournée vers l’effort et la résilience, il a longtemps couru une quinzaine de kilomètres par jour et aimait marcher en forêt.
Une figure mondiale, mais une icône humble
Toujours vêtu de son turban, mince et droit comme un bâton de pèlerin, Fauja Singh avait l’élégance discrète des très grands. Il ne buvait pas, ne mangeait ni viande ni aliments transformés, mais avait un faible pour et le laddu, une pâtisserie locale, et lait caillé. Il vivait avec son fils à Ilford, dans l’est de Londres, où il avait émigré après la mort de sa femme, Gian Kaur, restée au Pendjab.
« C’est avec une profonde tristesse que nous confirmons la mort de notre icône de l’humanité et source inépuisable d’énergie positive », a écrit son coach de toujours, Harmander Singh, dans un message publié sur Facebook. « Fauja s’est éteint à l’âge de 114 ans, des suites d’un accident de la route, près de chez lui. »
En hommage au coureur, son club auquel il a toujours été fidèle, Sikhs in the City, a annoncé que les prochaines épreuves organisées à Ilford lui seraient dédiées. Fauja Singh y avait lancé de nombreuses initiatives caritatives, convaincu que « courir pour les autres » avait plus de sens que courir pour soi.
Devenu une figure de la communauté sikhe dans le monde entier – on l’a vu dans des publicités pour Adidas avec David Beckham et Mohammed Ali) FaujaSingh aura inspiré bien au-delà des stades. Des écoles primaires aux maisons de retraite, il portait un message simple : « L’âge n’est qu’un chiffre. Le mental, lui, n’a pas d’âge ».
2011- 2025 : les dates clés de Fauja Singh, coureur au destin hors norme
- 1er avril 1911 : Naissance à Beas Pind, dans le Pendjab (Inde britannique), au sein d’une famille de fermiers. Il est le plus jeune de quatre enfants.
- 1994 : À 83 ans, il perd sa femme Gian Kaur. Il rejoint son fils à Ilford, dans l’est de Londres.
- 2000 : À 89 ans, il court son premier marathon à Londres en 6 h 54 min, établissant un record mondial dans la catégorie des plus de 90 ans.
- 2003 : Il réalise son meilleur temps personnel lors du marathon de Toronto : 5 h 40 min.
- 2004 : Il porte la flamme olympique à Athènes.
- 2011 : À 100 ans, il entre dans l’Histoire à Toronto en devenant le premier centenaire à terminer un marathon complet.
- 2013 : À 101 ans, il prend le départ de sa dernière course officielle, un 10 km à Hong Kong. Il annonce sa retraite sportive.
- 2021 : Il célèbre ses 110 ans, toujours actif au sein d’associations et de causes humanitaires.
- 2025 : Décès à 114 ans. Le 14 juillet, il est percuté par une voiture dans son village natal, au Pendjab.