Cinq ans ! Il aura fallu cinq ans de mobilisation citoyenne pour annuler les autorisations du projet de retenue d’altitude sur le plateau de Beauregard, à La Clusaz (Haute-Savoie). La décision du tribunal administratif de Grenoble vient de tomber, au grand soulagement de Mountain Wilderness, France Nature Environnement Haute-Savoie et Auvergne-Rhône-Alpes, la LPO Auvergne-Rhône-Alpes, La Nouvelle Montagne et le collectif Fier-Aravis, au cœur d’une bataille juridique pleine de rebondissements.
Depuis 2020, La Clusaz projetait de construire une retenue d’altitude sur le plateau de Beauregard, en la justifiant par le besoin d’eau potable. Le projet permettait surtout de stocker 150 000 m3 d’eau, dont les deux tiers à des fins d’enneigement artificiel, rappellent dans un communiqué diffusé aujourd’hui les associations mobilisées contre ce projet.
Sous l’argument fallacieux de l’eau potable, c’est l’autorisation de détruire 8 ha d’habitats naturels, impactant de fait plus d’une cinquantaine d’espèces et d’habitats protégés qui était en jeu. Sans compter que ce projet augmentait d’autant plus la pression sur la ressource en eau du territoire, déjà très tendue, pour enneiger artificiellement des pistes situées à 1500 m d’altitude.
C’est d’ailleurs ce qui avait conduit à ce que le juge donne raison aux associations en suspendant en 2022 les autorisations délivrées pour l’aménagement de cette retenue : « l’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite. » avait-il conclu.
En cohérence avec ce jugement de suspension, les juges ont suivi l’avis de la rapporteure publique, qui préconisait l’annulation totale de l’arrêté d’autorisation de la retenue en l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM).
Un revers de plus pour La Clusaz, déjà épinglé en juillet dernier pour avoir pompé l’eau d’une source pour fabriquer de neige artificielle… sans autorisation. Et ce, pendant plus de vingt ans, avait dévoilé Blast le 17 juillet dernier, s’appuyant sur une enquête judiciaire de l’Office français de la biodiversité (OFB).
La décision de l’annulation est « un soulagement pour les défenseurs de nos biens communs et un avertissement pour les partisans de la fuite en avant dans nos territoires alpins. Elle vient légitimer davantage – si besoin en était – 5 années de mobilisation citoyenne, d’analyse du projet et de ses impacts et d’actions en justice », se sont réjoui les opposants au projet. Avant d’ajouter, réalistes : « Cette mobilisation exemplaire n’est probablement pas la dernière, puisque d’un point de vue de la concertation autour de l’eau et de l’avenir des territoires de montagne, peu de choses ont changé hélas. Contrairement à la prise de conscience croissante des citoyens de nos massifs alpins. »
L’exemple de Beauregard augure-t-il d’un changement de paradigme dans les stations de ski / massifs des Alpes du nord ? A l’issue de cette longue bataille juridique, on est en droit de l’espérer. Car rien n’est plus urgent pour espérer une adaptation de ces territoires au changement climatique en cours.
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