L’ex hôtesse de l’air, ex championne de windsurf, avait déjà 45 ans quand elle s’est mise au VTT. Mais pas pour faire de la figuration. Depuis 30 ans, cette septuagénaire s’impose comme l’une des pilotes les plus impressionnantes du Canada. Et pas que pour son âge, admettent les plus riders les plus affutés qui la voient dévaler des lignes très engagées au plus profond des forêts humides du Nord de Vancouver, la « Mecque » du VTT. Une vie hors normes retracée dans « North Shore Betty », un film de 12 minutes produit par Patagonia. Inspirant !
En 1994, à 45 ans, l’âge où certains se mettent à la randonnée ou au yoga, Betty Birrell a acheté son premier VTT, et s’est vite montrée très douée. Rapidement « Old Rob », l’un de ses bons amis, lui fait découvrir « 7th Secret », un sentier du mont Fromme, au fin fond de la Colombie Britannique, au Canada. Pour sa deuxième sortie, il monte d’un cran et l’embarque dans « Executioner », une autre descente technique, raide et pleine de racines. Les deux sentiers sont toujours classés « black-diamond » et aujourd’hui encore les riders les mieux équipés disent qu’il faut avoir le coeur bien accroché pour s’y attaquer.
Au souvenir de ces premiers rides, le visage de Betty s’illumine : « J’ai tout de suite été accrochée », confie à la caméra du réalisateur Travis Rummel, cette petite femme, 73 ans aujourd’hui, qui s’est mise au VTT parce que « c’était l’activité parfaite pour une mère célibataire. Je pouvais en faire juste en face de chez moi, c’était d’accès facile pour mon fils Hayden, 6 ans à l’époque, et moi », explique-t-elle. « J’allais le chercher après l’école et on partait faire un tour à Fromme ! » « C’est incroyable quand on se retrouve sur une piste technique avec elle », raconte son fils, devenu un mordu lui aussi. « Elle se déplace à une vitesse dingue, c’est incroyable. Elle est meilleure que bien de mes potes ! ».
« La meilleure windsurfeuse du monde »
Pourtant, rien ne destinait cette championne de windsurf à devenir une grande figure du VTT canadien. Née dans la petite ville rurale de Chemainus, sur l’île de Vancouver, elle déménage à Vancouver pour étudier la géographie à l’Université de la Colombie-Britannique. Là, elle découvre l’escalade et l’alpinisme et le week-end elle enchaîne les plus hauts sommets de la région. Une passion qui ne la quittera pas mais qu’elle va compléter au début des années 1980 par le windsurf, Et là aussi, très vite elle devient l’une des meilleures véliplanchistes, surfant sur des vagues de 10 mètres, comme aucune femme ne l’avait fait auparavant. « Betty Birrell : la meilleure windsurfeuse du monde. », titrera en juin 1982 le magazine allemand « Surf ». « Betty Birrell était une superstar du sport…… classée au même niveau que la plupart des hommes de haut niveau », se souvient un journaliste du magazine Sail Boarder.
Betty est alors installée à HawaÏ et travaille comme hôtesse de l’air, surfe entre deux longs courriers tout en donnant des cours de windsurf. Elle épouse un compatriote canadien trois ans après son arrivée sur l’île, mais continue à faire la navette entre Hawaï et la Colombie-Britannique pendant un an pour poursuivre sa passion. Convaincue de rentrer au Canada, elle donne naissance à son fils Hayden. Elle a alors 39 ans. Juste avant le deuxième anniversaire d’Hayden, son mari la quitte. « Il m’a dit : « Tu penses que la vie n’est qu’une putain de partie de plaisir ! ». « Eh bien, oui ! », j’ai répondu. Je pensais que c’était un compliment ! » se souvient-elle en souriant malicieusement.
« The Shore », un terrain de jeu exceptionnel
Mère célibataire, Betty doit s’adapter. Fini le windsurf. Ce sera, le VTT, « plus pratique » et surtout tellement évident. En retrouvant la Colombie-Britannique, la quadragénaire redécouvre l’un des territoires les plus excitants qui soit pour un rider qui n’aurait pas froid aux yeux. Accroché aux pentes enveloppées de brume du mont Fromme, du mont Seymour et du mont Cypress au-dessus de North Vancouver, « The Shore » est au vélo de montagne ce que le Yosemite est à l’escalade ou ce que O’ahu est au surf : aucun autre spot n’a fait autant pour influencer ce sport. Et, comme Pipeline ou le Dawn Wall, ce n’est pas pour les âmes sensibles, explique son vieux pote Todd Fiander, un shaper local.
« Certains disent que c’est la Californie qui a inventé le VTT ». En fait, c’est Le North Shore qui l’a inventé », dit-il. Ce mix de pistes de BMX et de village Ewok est un invraisemblable labyrinthe mixant ponts, échelles en bois, sauts de blocs de rochers et « skinnies » – éléments étroits et surélevés. Certaines de ces structures en bois grimpent dans les arbres, obligeant les riders à naviguer sur des planches ressemblant à des passerelles, parfois larges de quelques centimètres seulement, le tout à plus de six mètres au-dessus de la forêt. D’autres lignes dévalent des parois rocheuses quasi verticales sur plusieurs étages. Des parcours de type « Shore » qui ont inspiré les riders dans le monde entier.
Chutes, fractures, rien ne l’arrête
Mais lorsque Betty commence à rouler, en 1994, les locaux ne les construisaient que depuis quelques années. Et à leur grande surprise, Betty n’est pas la dernière à se lancer sur les parcours les plus engagés. Elle a ainsi été la première personne à monter sur « The Monster », raconte dans le film son pote Digger, en se souvenant de son passage sur ce spot considéré comme le premier « grand huit ». « Je venais de poser la dernière planche et je lui ai demandé de le faire pour moi, alors j’ai sorti ma caméra et je l’ai filmée. La troisième fois, elle est tombée et s’est démis l’épaule, et j’ai dû la remettre en place. Je pense qu’elle avait bien 55 ans quand elle a fait ça ! » Des chutes, Betty en fera, beaucoup, et accumulera pas mal de fractures, d’autant qu’à l’époque, au début des années 90, la suspension intégrale et les freins hydrauliques n’existaient pas. Pas de quoi l’arrêter pour autant. « Je n’avais pas vraiment peur de tomber », raconte-t-elle « Pourtant, j’étais couverte de bleus, noirs et bleus. Je ne pouvais pas sortir en short parce qu’on aurait dit que j’avais été tabassée à coup de batte de baseball ! »
À 58 ans, Betty prit une retraite anticipée et créa sa propre entreprise d’aménagement paysager. Activité qu’elle continue d’exercer notamment auprès d’amis, histoire de rester active. Ce qui lui permet de gérer son temps et de rouler en semaine, plus tranquillement qu’en week-end. Souvent seule (ses amis, nettement plus jeunes travaillant en semaine) ou avec son fils Hayden, guide de haute montagne. Mais aussi avec d’autres rideuses pour lesquelles elle est une source constante d’inspiration, vu son niveau, encore très impressionnant à 73 ans.
« Avec l’âge, vous connaissez vos limites »
Près de 30 ans après ses débuts, Betty admet qu’elle a un peu modifier sa pratique – elle évite en particulier les skinnies – consciente qu’une mauvaise chute pourrait avoir des conséquences plus importantes que lorsqu’elle était plus jeune. Mais elle continue à envoyer. Pas parce qu’elle est une tête brûlée, mais tout simplement parce qu’elle sait de quoi elle est capable. « C’est calculé », dit-elle. « Avec l’âge, vous connaissez vos limites. Parfois, vous en faites un peu trop, mais ça passe. En fait, vous connaissez vos limites, et vous savez ce que vous voulez faire. Quand j’avais 50 ans, je n’aurais jamais pensé que je serais capable de descendre rapidement un sentier en VTT à 73 ans », avoue-t-elle. « C’est vraiment intéressant de voir comment votre perception de l’âge change avec l’âge. J’aimerais avoir à nouveau 65 ans. C’est fou, non ? Qui l’aurait cru ? Avec du recul, la chose la plus importante que j’ai apprise, c’est qu’il faut apprécier chaque instant. »
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