« L’accident qui m’est arrivé en Russie sur le mont Elbrus en 2017 n’a pas seulement failli me tuer, il a également réveillé en moi une angoisse obsessionnelle contre laquelle je me suis battu toute ma vie », explique Simon Akam, journaliste et auteur britannique multiprimé. Six ans plus tard, sa prochaine ascension vise à faire taire les fantômes qui le hantent toujours. Installé dans les Alpes suisses, il s’est donné quatre mois pour se réapproprier les techniques du ski de montagne. Un long cheminement physique et psychologique qu’il partagera avec nous dans cette chronique hebdomadaire et qui devrait le conduire à terme à relever un défi majeur : la Patrouille des glaciers. Cette semaine, retour sur l’avalanche qui a failli lui coûter la vie.
Il y a six ans, j’ai failli mourir sur une montagne en Russie. Aujourd’hui, j’entame une nouvelle ascension au-dessus de la ligne des neiges. À la fin du printemps 2017, j’accompagnais – en tant que journaliste – une expédition commerciale de ski-alpinisme sur l’Elbrouz, le volcan à deux sommets de 5 642 mètres. Situé dans les montagnes du Caucase, il est considéré comme le plus haut sommet d’Europe, selon l’endroit où l’on trace les frontières du continent.
Entre la montagne et moi, c’était une longue histoire. Adolescent, j’avais passé un hiver dans les Alpes européennes et j’étais tombé – les yeux fermés et indéfectiblement – amoureux du ski-alpinisme dont l’équipement spécialement adapté au ski en montée comme en descente permet de traverser en hiver des zones qui, autrement, seraient impraticables. Par la suite, arrivé en fac, j’ai continué à m’y adonner régulièrement, mais cette passion s’est progressivement émoussée dans les années suivantes. Envoyé à l’étranger, en Afrique de l’Ouest, j’ai poursuivi ma carrière de journaliste sous des climats étouffants où la seule pensée d’une précipitation gelée était inimaginable. Sans compter que je n’avais pas non plus l’argent nécessaire pour aller en montagne.
« On m’a proposé l’Elbrouz, j’ai dit oui, bien évidemment »
Mais en 2017, l’année de mes 32 ans, j’ai renoué avec mes amours d’adolescence. J’ai écrit sur le ski de fond en Écosse pour un grand média. En Suisse, j’ai remonté une piste de ski alpin de la Coupe du monde dans le cadre de la Vertical up, un événement relevant du masochisme. Et puis on m’a proposé de couvrir une ascension de l’Elbrouz, un sommet qui n’est pas vraiment technique mais qui est quand même 800 mètres plus haut que tout ce qu’on peut trouver en Europe occidentale. J’ai dit oui, bien évidemment. J’étais physiquement en forme et, ce qui est tout aussi important, psychologiquement, je m’en sentais à la hauteur.
Cette année-là, j’avais enfin le sentiment que ma vie était bien établie. J’avais signé un contrat avec un grand éditeur britannique à l’issue d’une belle joute avec la concurrence, et j’étais profondément engagée dans ce projet. Ma carrière dans les magazines était en plein essor – en février, alors que j’étais aux États-Unis pour une résidence d’écrivains, j’avais fait le tour des rédacteurs en chef à New York. Et au cours de cette incursion dans les gratte-ciel de Manhattan aux murs de verre, je m’étais senti sinon totalement accepté, du moins pris au sérieux, un frisson enivrant.
Depuis l’enfance, j’avais périodiquement des soucis de santé mentale – avec une forte tendance à nourrir une inquiétude obsessionnelle et intrusive. Mais, après avoir travaillé intensivement avec un thérapeute pendant plusieurs années, j’étais parvenu, au début de la trentaine, à beaucoup mieux gérer cette tendance.
Lorsque j’ai embarqué dans un avion à Heathrow à destination de Moscou il y a six ans – les skis dans la soute de l’Aeroflot et un taux de graisse corporelle inférieur à 12 % grâce à l’entraînement intensif que j’avais suivi – j’étais profondément satisfait de ma vie.
Cependant, cette année-là, dans le sud de la Russie, à plus de 3 000 mètres d’altitude, alors que ma carrière d’écrivain en pleine expansion et ma vieille passion pour la montagne convergeaient, j’ai découvert que l’emprise que j’avais sur mon esprit était nettement moins sûre que je ne l’avais imaginé. J’ai failli trouver la mort, mon esprit a volé en éclats, et par la suite il m’a fallu beaucoup de temps pour me reconstruire. Le nouveau projet que j’entreprends aujourd’hui est donc une tentative de mettre tous ces fantômes au repos.
« Deux membres du groupe ont été emportés »
Le flanc sud du mont Elbrouz est équipé d’un certain nombre d’infrastructures – les téléphériques et les télésièges descendent jusqu’à environ 3 800 mètres. Mais notre groupe l’abordant par le nord, plus sauvage, notre ascension – plus de 3000 mètres depuis la route – devait donc se faire en ski de rando.
La préparation au séjour en altitude est comparable au mouvement d’une pendule – on monte aussi haut que possible dans la journée avant de redescendre pour dormir plus bas. Le premier jour, notre groupe, dirigé par un guide britannique et un russe, a traversé une région de petits ravins jusqu’à un affleurement situé à 3 200 m, connu sous le nom de « Mushroom Rocks ». Au nord, les plateaux couleur bronze du sud de la Russie s’étendaient à l’horizon. C’est alors qu’un skieur américain s’est déclaré souffrant. Il est descendu avec le guide britannique, et le reste du groupe, encadré par le Russe, est remonté un peu. Nous avons atteint un rocher proéminent, à 3 450 mètres, avant de retirer les peaux de nos skis et de nous tourner vers notre première descente.
A bout d’une centaines de mètres, notre passage a déclenché une avalanche. C’est le danger classique du ski-alpinisme. Éviter les avalanches requiert un mélange de connaissances techniques et d’expérience. Rétrospectivement, je crois que nous avions partiellement éteint notre cerveau, comme on peut facilement le faire lorsqu’on est guidé. Nous nous sommes retrouvés sur une pente d’environ 35 degrés au moment le plus chaud de la journée – des conditions classiques pour un glissement.
La masse neigeuse s’est rompue sur environ soixante-dix mètres à l’horizontale, créant un grondement surnaturel. L’avalanche, qui s’est poursuivie sur plusieurs centaines de mètres, a emporté deux membres du groupe, l’un en surface, l’autre immergé, avant de les rejeter tous deux, vivants et indemnes. La pente auparavant lisse n’était plus qu’un enchevêtrement de blocs de neige plats, noyés dans une bouillie blanche.
« La pente était raide, j’étais le dernier de la file »
Le soir venu, le guide britannique, parfaitement impassible, nous a fait un compte-rendu de l’accident au camp de base. À ce moment-là, je me sentais encore en pleine possession de mes moyens émotionnels. Personne n’avait été blessé. Et je ressentais peut-être aussi un peu d’excitation à l’idée de ce qui s’était passé, le genre d’histoire qu’on raconte plus tard, une fois rentré à la maison. Mais le lendemain, lors de notre deuxième sortie d’acclimatation, un autre incident s’est produit. Beaucoup plus dangereux pour moi cette fois.
Après avoir traversé un large plateau brûlant sous un soleil impitoyable, nous nous sommes engagés dans un autre vallon. Lorsque le terrain se raidissait, nous évitions le versant central pour minimiser le risque d’avalanche. Cependant, notre décision de passer sous une avancée de roche volcanique meuble a eu de sérieuses conséquences. La pente était raide, et j’étais le dernier de la file. À 3 350 mètres, le ciel s’est effondré. Une salve de pierres, c’est l’image qui est restée gravée dans ma mémoire.
Le soleil avait fait fondre la glace liant l’affleurement. Depuis ma position, en regardant vers le haut, les rochers semblaient avoir la taille de kettlebells. Les autres personnes qui se trouvaient au-dessus de moi m’ont dit plus tard qu’elles en avaient vu quatre à six ayant les dimensions d’une brouette s’abattre devant moi. Aucun de nous ne portait de casque, mais cela n’aurait pas fait de différence. C’était des pierres tueuses. L’événement n’a duré que quelques secondes.
Quand j’ai touché mon visage, j’ai senti de l’humidité sur mon gant. En émergeant de la crête, mon visage ensanglanté a alarmé les autres. En fait, les dommages physiques étaient insignifiants – ma lèvre était coupée mais mes dents n’étaient pas cassées. Un neurochirurgien présent dans notre groupe a effectué une réparation courante à l’aide de stéristrips. Nous avons continué à grimper en direction du glacier. Cette nuit-là, nous sommes redescendus au camp de base. Là, je me souviens d’avoir emballé et remballé mon matériel, comme dans une sorte de rituel. Nous avons déplacé notre campement vers une cabane austère située sur une moraine à 3 760 mètres et nous avons attendu une fenêtre météo pour tenter le sommet.
Finalement, nous avons pris le départ à minuit, nous avons remonté la pente, et au matin, nous étions parvenus entre les deux pics. À partir de 4 800 mètres, j’ai commencé à avoir la nausée, mais nous avons atteint le sommet. C’est là que j’ai fait le vieux geste de Tenzing Norgay sur l’Everest, piolet en l’air. En redescendant, nous avons fait l’expérience de tout ce qu’il y a de plus jouissif dans le ski de montagne, une descente en piqué sur un glacier légèrement incliné, large comme une autoroute, surplombé de falaises de glace. Nous sommes arrivés au refuge à l’heure du déjeuner. La pression ayant disparu, mon esprit s’est mis à divaguer.
« Le choc d’une expérience de mort imminente »
Mon expérience de l’inquiétude périodique, obsessionnelle et intrusive remonte à l’enfance. Mon première souvenir de cette expérience – même si j’ai sans doute connu d’autres épisodes plus tôt – c’était, je crois, en 1995. J’avais 10 ans, un épisode de l’émission pour enfants « Blue Peter » de la BBC sur les bombardements atomiques du Japon a déclenché chez moi une peur obsessionnelle de la guerre nucléaire. En grandissant, la peur d’Hiroshima a été remplacée par des terreurs plus adultes, souvent hypocondriaques. Le sentiment diffus que quelque chose n’allait pas chez moi, notion avec un lien ténu avec la réalité, dans le meilleur des cas. Ces états pouvaient durer des mois, voire des années, et ils étaient binaires. Soit mon esprit fonctionnait normalement, soit je vivais un carrousel de pensées intrusives, comme si j’étais frappé trente fois par minute sur la tête par la pire idée du monde. Avec le temps, en l’honneur de sa nature « ruminative » et de son effet débilitant, j’ai baptisé cette condition le « rumothorax ». (Un pneumothorax est un poumon affaissé).
Sur l’Elbrus, j’avais attrapé un gros coup de soleil. Il s’agissait d’un état passager, mais, combiné au choc d’une expérience de mort imminente, le fait de regarder mon visage dans un miroir rudimentaire fixé à l’extérieur du refuge a déclenché un brusque changement. En une seconde, mon esprit, est passé de l’état A, fonctionnement normal, à l’état B, craintes obsessionnelles intrusives, d’une infection de la peau, cette fois.
À 31 ans, c’était probablement la cinquième fois de ma vie que je vivais ce changement d’état soudain. J’en savais suffisamment maintenant pour deviner ce qui allait se passer et en être terrifié. Au pied de la montagne, nous avons visité l’ancienne maison de Mikhail Lermontov, un écrivain russe que j’aimais beaucoup. Il y avait des fleurs printanières à l’extérieur et de beaux meubles à l’intérieur, mais mon esprit était ailleurs, en ébullition. De retour à Londres, j’ai consulté un médecin qui n’a rien noté d’inquiétant, puis j’ai demandé à passer divers examens médicaux, qui se sont tous révélés négatifs. Dans le passé, cela avait suffi à me sortir de ces boucles mentales. Mais pas cette fois.
« Je n’ai jamais écrit sur ce sujet auparavant »
Dans ce type d’inquiétude obsessionnelle, les psychologues pensent que le sujet – ce qui vous préoccupe réellement – n’est pas pertinent en soi. La pathologie est l’acte obsessionnel d’inquiétude lui-même. Je n’ai jamais écrit publiquement sur ce sujet auparavant, et je le fais avec une certaine appréhension. Je pense que c’est utile. Mais je crains aussi qu’il n’y ait rien d’aussi ridicule, rien d’aussi facile à classer dans la catégorie des choses manifestement fausses, que l’anxiété de quelqu’un d’autre. Mais, par Dieu, combien débilitante aura été la mienne !
En fin de compte, il m’a fallu trois ans, avec l’aide d’un professionnel, d’une relation amoureuse et de médicaments, pour me sortir du « rumothorax ». Je suis maintenant de retour dans l’état A, et ce depuis plusieurs années. Mais je me soupçonne d’avoir conservé toutes les capacités à revenir dans l’état B. L’état mental que j’ai ramené de l’Elbrus était sans aucun doute autant lié à ce que j’avais subi sur cette montagne qu’à tout ce qui s’était passé au-dessus de la « ligne de neige ». Mais c’est sur la montagne que le déclic s’est fait.
C’est au cours de mon processus de reconstruction, alors que je semblais avoir encore peu de contrôle sur mon monde intérieur, que l’idée de retourner en haute montagne a fait surface. J’ai conscience que ce désir n’était pas totalement rationnel : j’avais failli y mourir. Mais ce paysage résonnait profondément en moi à un niveau esthétique et personnel. Et, paradoxalement, à mesure que je me familiarisais avec leurs caprices, les sommets enneigés m’apparaissaient comme des lieux sécurisants. C’était précieux pour moi.
Le ski-alpinisme, « une activité magique, méditative »
Le ski-alpinisme reste mon premier et plus grand amour dans mon expérience de la haute altitude. Pour être un skieur alpiniste compétent, il faut maîtriser de nombreuses sous-disciplines, avoir une bonne technique en ski, une bonne condition physique en montée, maîtriser la prévision des avalanches et le travail sur corde. (Les germanophones appellent le ski-alpinisme la « Koenigsdisziplin », la discipline royale ou suprême). C’est aussi, contrairement à la marche, une activité où la force physique ne suffit pas. L’individu le plus fort flanche sur les skis si sa technique n’est pas bonne. Cela relève d’une connexion entre l’esprit et le corps, plus proche du ballet ou du yoga que de l’effort d’un sport d’endurance conventionnel.
C’est en Allemagne avec l’armée britannique, lors d’une année entre le lycée et l’université, que j’ai découvert ce sport. J’y ai trouvé une activité magique, méditative et absolument fascinante détenant la capacité de tuer régulièrement ses pratiquants. Il n’est pas facile d’expliquer pourquoi j’ai eu un tel coup de foudre pour le ski-alpinisme – c’était vraiment un engouement d’adolescent. Mon amour n’était pas vraiment lié à la descente. Il était plutôt lié à la façon dont le ski de randonnée permettait de traverser des terrains montagneux, de gravir des sommets et des cols, et de se trouver dans un environnement d’une tranquillité et d’un calme absolus. De même, je trouvais que le glissement régulier de la peau en montée était profondément apaisant. C’était une activité régulière que la course à pied ou la marche ne pourraient jamais égaler. Une façon de traverser un paysage totalement différent, blanc et feutré, calme et lisse. Et, technique médiocre ou pas, vous pouviez exploiter la gravité pour la descente.
De même, j’aimais tout simplement la neige. Avec le recul, il y a peut-être quelque chose dans ma vénération pour la neige qui correspond aux traits obsessionnels qui m’ont causé des problèmes à d’autres moments. La neige est propre, la neige est (parfois) lisse, la neige cache tout le désordre et les inégalités du monde. Mais il y a de pires poudres dont on peut s’enticher.
« Il me fallait un objectif : la Patrouille des glaciers »
J’ai fini par décider que bien que j’y eut frôlé la mort, je retournerais en montagne. Mais cette fois-ci, je voulais le faire correctement – avec l’entraînement et la préparation adaptés, mais aussi avec la bonne philosophie. Si par le passé j’avais déjà entrepris de nombreuses aventures en montagne, c’était généralement grâce à l’expertise d’autres personnes, souvent des guides professionnels. Mais j’avais vu, avec l’avalanche en Russie, que confier complètement sa sécurité à d’autres n’était pas une bonne approche. Je voulais apprendre l’indépendance.
Je n’avais pas le désir – ni, pour être franc, la capacité – de battre de nouveaux records d’alpinisme ou de repousser les limites des capacités humaines. Mais je voulais, en mon for intérieur, être le plus compétent possible. Espérant qu’apprendre à évoluer dans un environnement sauvage, où le risque était réel, m’aiderait à gérer mon monde intérieur, où j’avais tendance à être obsédé par des choses qui ne l’étaient pas.
Pour mon retour en montagne, il me fallait un objectif, un point d’ancrage pour mes aspirations. Je l’ai trouvé dans la Patrouille des Glaciers, une course de ski-alpinisme qui a lieu tous les deux ans à travers l’épine dorsale des Alpes suisses. Le parcours complet est impressionnant : 57,5 kilomètres et plus de 4 000 mètres de dénivelé. J’espère pouvoir y participer l’année prochaine. Je ne sais pas si c’est un objectif réalisable, mais je sais que j’ai besoin d’un but à atteindre.
» J’apprendrai à me déplacer sur glaciers, à manier cordes et piolets »
Je skie depuis l’enfance mais, comme beaucoup de Britanniques, ma technique est encore imparfaite. Je me suis donc arrangé pour retourner dans le petit village suisse de Chandolin, où, à l’âge de 11 ans j’avais séjourné dans une famille du coin. Il surplombe le Val d’Anniviers, une région beaucoup moins développée que les grandes stations. J’y reste tout janvier cette année, puis en février je remonterai la vallée. J’ai informé l’école de ski locale que j’avais besoin d’elle pour corriger mes défauts enracinés depuis l’enfance. Il s’agit de ma technique de ski, mais j’ai l’impression d’avoir chargé ces montagnards d’une tâche bien plus profonde.
Chandolin, l’un des villages les plus élevés d’Europe, possède également une riche histoire culturelle. L’écrivaine suisse Ella Maillart, qui a traversé la Chine en 1935, y a vécu une partie de l’année pendant les 50 dernières années de sa vie. Elle est décédée en mars 1997, trois mois après ma visite, je n’étais alors qu’un enfant. D’autres personnalités, telles que le romancier Charles Ferdinand Ramuz – dont le visage figure sur les billets de banque suisses – sont aussi associées à ce village. Et, dans un élan de métafiction, j’ai également découvert l’année dernière un roman graphique des années 1980 intitulé « À la Recherche de Peter Pan, » dans lequel un écrivain anglais des années 1920 visite une vallée alpine qui ressemble plus que de loin au Val d’Anniviers.
Puis, en mars et avril, je vais poursuivre mon initiation au sein du Bergpunkt, une école d’alpinisme suisse germanophone qui semble traiter l’alpinisme avec la même rigueur que ses compatriotes appliquent à l’horlogerie. Là encore, il s’agira d’une immersion linguistique totale. Lorsque je ne serai pas en montagne, je vivrai avec le directeur de l’école, mais il faudra voir comment avec mon « haut » allemand je me débrouille avec ces dialectophones. Au cours d’une série de stages, j’apprendrai à me déplacer sur glaciers, à manier cordes et piolets, la base d’une activité autonome. Ensuite, nous effectuerons une série de randonnées à ski dans les Alpes, dont la classique Haute Route Chamonix-Zermatt. Tout en m’entraînant, je vais aussi m’intéresser à l’histoire de cette traversée à ski de 120 km reliant la vallée de Chamonix à Zermatt, l’itinéraire de ski-alpinisme le plus célèbre du monde. Je n’écrirai pas seulement sur les athlètes, mais aussi sur les écrivains et les artistes dont la vie m’intéresse.
« Un an pour préparer cette course »
Mon objectif d’ici la fin de l’hiver est d’être capable d’évoluer de manière autonome en montagne mais aussi d’apprendre deux-trois choses sur mon état d’esprit intérieur. J’aurai alors un an pour me préparer sérieusement à la course. Pendant toute cette période, j’écrirai une chronique hebdomadaire dans le Globe and Mail (quotidien national canadien, ndlr), relayé ici, dans Outside, et j’en publierai régulièrement des mises à jour sur les médias sociaux.
Dans les semaines à venir, tant de choses peuvent bien sûr mal tourner. La blessure est l’obstacle le plus probable. Je pourrais me casser une jambe la semaine prochaine. Moins dramatiquement, ces dernières années, alors que je domptais ma tête, je me suis battu avec l’autre extrémité de mon corps : d’abord une fasciite plantaire, une douleur dans la plante du pied, puis une tendinite d’Achille. Deux problèmes résolus grâce à une physiothérapie assidue, mais je me suis ensuite froissé un autre tendon du côté droit de ma cheville. Là encore, j’ai fait consciencieusement mes étirements et je viens de terminer un plan d’entraînement spécifique de dix semaines pour le ski alpinisme. Je suis dans la meilleure forme possible. Mais, comme pour mon esprit, je dois être doux avec mon corps.
Les caprices de la météo et des conditions d’enneigement ne sont pas non plus de mon ressort, même si, heureusement, la neige est maintenant arrivée dans les Alpes. Au final, je ne peux pas vraiment prédire tout ce qui va se passer. Je suis conscient que certains lecteurs auront une expérience et une culture de la montagne très différentes de la mienne, et je suis curieux de connaître leurs points de vue et d’entendre leurs recommandations. Mais surtout, j’espère que vous vous joindrez à moi pour ce voyage.
Simon Akam est un journaliste et auteur britannique. Son premier livre, « The Changing of the Guard – The British Army since 9/11 », publié en 2021, a fait partie des livres de l’année du Times Literary Supplement, il a remporté le Templer First Book Prize.
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