Et si la plus grande gagnante de l’UTMB était Courtney cette année ? 24 heures après son arrivée en 10e position en 25h50, l’immense championne américaine – trois victoires sur cette épreuve à son actif – impressionne encore. Ce que l’on retient de sa course, ce n’est pas sa défaite, ce n’est certainement pas le terme qui s’impose. Parlons plutôt de sa victoire sur la souffrance. Et sur son ego aussi. Car il faut un immense courage, autant d’humilité, mais aussi une extrême élégance pour puiser au plus profond de soi la force de poursuivre la course quand les jambes vous manquent, que seules subsistent la douleur et la fatigue, et que tout espoir de podium s’est définitivement évanoui. C’est ce qu’a montré la plus grande traileuse de l’histoire hier, en poursuivant sa course quand tout la poussait à renoncer. La foule massée à son arrivée à Chamonix pour l’acclamer et la soutenir ne s’y est pas trompée. La Reine Courtney a vacillé, mais elle n’est pas détrônée. Mieux, elle est définitivement entrée dans la légende, en ajoutant un supplément de grâce et d’âme à un sport de plus en plus aseptisé. À ce stade, un seul mot : merci Courtney. Respect, Madame Dauwalter.
Jamais sans doute Courtney Dauwalter ne sera allée aussi profondément dans sa « pain cave », sa caverne de la douleur, que comme tout coureur d’ultra elle sait devoir explorer à un moment ou un autre. Cet instant-là, plutôt que de le fuir, elle l’attend et se prépare à l’accueillir pour mieux le vivre. Tant qu’à faire. Puisqu’il faut en passer par là. Son mental dit : « OK », quand son corps dit : « stop ! ». Hier, en la suivant dans la montée de la Flégère, le visage creusé, les jambes lourdes, comme jamais on ne l’avait vue, on avait mal pour elle.
Toute la nuit, on avait suivi sa course. Comme d’habitude, elle avait pris la tête sur ses concurrentes féminines, et, du côté des hommes, on commençait même à s’inquiéter. Puis l’invraisemblable s’est produit. On l’a vue faiblir, perdre du terrain et se laisser dépasser par la Néo-Zélandaise Ruth Croft et la Française Camille Bruyas. Du jamais vu pour elle à Chamonix. À ce stade, deux options : renoncer. Elle n’aurait pas été la première, ni la dernière. Les meilleurs l’ont fait, et tous avaient leur raison. Ou poursuivre. C’est ce que la plus grande traileuse de l’histoire a choisi hier. Pas par goût de la douleur – cette femme-là incarne la joie de vivre – mais, on l’imagine, pour aller au bout de son aventure. Et aussi pour honorer sa course, son dossard et son public. C’est donc avec près de trois heures de retard sur la gagnante, Ruth Croft, qu’elle a franchi l’arche d’arrivée, tout sourire, portée par un public qui l’adore. Aujourd’hui plus encore qu’hier, si l’on en juge par les centaines de messages postés sur les réseaux sociaux.
Courtney est passée de grande championne à légende.
Une guerrière !
J’ai encore plus de respect pour elle après ça 🙏 (même si elle était déjà au max sur mon échelle du respect 🔥). Quelle résilience !
C’est vraiment une queen, humaine. Elle nous donne une belle leçon. Elle ne se trouve pas d’excuses. Elle avance. Un exemple.
Elle a vécu l’expérience du simple amateur. Souffrir en sachant parfaitement qu’elle ne va pas gagner. Lutter juste pour aller jusqu’au bout, ce qui devient un but en soi. Incroyable cette femme !
En lisant ce dernier commentaire, on ne peut s’empêcher de penser que Courtney vient de réussir un nouveau tour de force : se hisser au plus haut du Panthéon des coureurs, et même plus largement du public, car son aura dépasse depuis longtemps cette audience, notamment en France. Tout en permettant au commun des mortels de s’identifier à elle… au moins une fois dans leur vie.
Photo d'en-tête : UTMB / Gabriele Facciotti- Thèmes :
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