Film : « Yukon – Un rêve blanc », la fascinante expédition du photographe Jérémie Villet dans le grand nord canadien

  • 10 février 2022
  • 3 minutes

Silencieux, lourdement chargé, Jérémie Villet, 27 ans, arpente depuis près de dix ans le « nord du monde », par les températures les plus extrêmes. C’est un solitaire, silhouette fragile saisissant un univers onirique, baigné de blanc, brouillard ou neige. Aussi est-ce un privilège que de pouvoir le suivre au nord-ouest du Canada, une des régions les plus sauvages de la planète, où il est parti en quête d’une emblématique, mais discrète, chèvre des montagnes tout droit sortie de la dernière période glaciaire. Une expédition éprouvante dans ce désert immaculé et glacé dont le réalisateur Mathieu Le Lay a su saisir toute la beauté et les émotions dans ce documentaire de 52 minutes.

« Pour moi, une bonne photo, ce n’est pas quand il n’y a rien à ajouter. C’est quand il n’y a rien à enlever. », explique Jérémie Villet. L’épure, l’ascèse, fil rouge de ce photographe animalier multiprimé – prix de l' »étoile montante » du Wildlife Photographer of the Year 2019 – qui n’aime rien que de se laisser surprendre par un lagopède, un loup, ou un caribou émergeant du grand blanc. La neige, son terrain de prédilection qui lui permet de réunir l’harmonie, la pureté, et de retranscrire l’émotion complète qu’il ressent dans la nature, poursuit-il.  Un éternel rêve d’enfant dont les racines remontent à l’époque où ce fils d’agriculteur, né au milieu des champs dans les Yvelines, à l’orée de la forêt de Rambouillet écoutait, fasciné, le brame des cerfs. Premiers bivouacs avec son frère dans les bois, puis en solo, l’adolescent observe la nature et ne trouve rien de mieux pour partager ses émotions que de photographier ses découvertes.

Seul, déjà, il parcourt la Norvège et la Finlande, à bord de son van, pendant deux à trois mois, trois hivers durant. Avant de filer vers l’Alaska, les Alpes et aussi le Canada, l’un de ses territoires de prédilection où il a bien voulu embarquer son ami Mathieu Le Lay, réalisateur installé en Haute-Savoie, spécialiste des films sur la nature et la vie sauvage auquel on doit déjà de très beaux documentaires : Alexandre Deschaumes en 2012 (La Quête d’inspiration), Paul Zizka en 2018 (In the Starlight), ou Laurent Baheux en 2021 (Félins, noir sur blanc).

Jérémy Villet photographe
Jérémy Villet (Mathieu Le Lay)

Une ascension de 7 jours en autonomie complète dans la poudreuse

Au cours de deux expéditions de trois semaines chacune, entre novembre 2019 et février 2020, les deux hommes vont explorer le Yukon, territoire sauvage du nord-ouest canadien, voisin de l’Alaska, pour immortaliser, sous leurs yeux émerveillés, l’emblématique chèvre des montagnes, (Oreamnos americanus), une espèce cachée dans les hauteurs nord-américaines, reconnaissable à sa robe blanche épaisse et ses cornes sombres. Tout droit sortie de la dernière période glaciaire, cette espèce est particulièrement difficile à photographier en hiver en raison des conditions extrêmes dans lesquelles elle évolue. 

Au cours de leur périple, une foule d’animaux revêtus de leur pelage hivernal passent devant leurs objectifs : lièvres, lagopèdes, martres, loup, lynx, renards et caribous… avant l’apparition des chèvres des montagnes. Fantômes puissants et vifs, immortalisés au terme d’une ascension éreintante. Sept jours en autonomie complète dans la poudreuse et le blizzard. Des rencontres fugaces, d’une poésie inouïe dont seules subsistent quelques traces dans la neige et … une photo. Témoin que tout cela n’est pas un rêve. 

L’envers du décor pour le photographe, ce sont les repérages auprès des autochtones, fins connaisseurs du terrain, et les conseils recueillis auprès des photographes Peter Mather et Nicolas Dory, sans lequels rien n’aurait été possible, raconte Jérémie Villet. Mais aussi le froid, la fatigue, les longues heures d’affût par des températures de -30°C—40°C, et la lecture experte des traces laissées par les animaux. Une intimité dans le quotidien difficile d’un photographe animalier qu’on aura rarement montré aussi bien que sous l’objectif de Mathieu Le Lay.

Le film n’est pas disponible pour le moment.


En savoir plus sur Jérémie Villet, le soutenir dans son travail

Jérémie Villet essaie de vivre de ses tirages. Ce qui n’a rien d’évident : en photographe exigeant, seules cinq ou six bonnes photos par an trouvent grâce à ses yeux. Il ne les retouche jamais car il dit ne vouloir rien créer et être «  juste un témoin. ». En 2021, il a publié son premier livre « Première Neige », résultat de six hivernages en solitaire dans un monde sauvage et tout blanc. Pour soutenir son travail, n’hésitez pas à aller visiter son très beau site.

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