Au pied des falaises de l’Atlantique marocain, Safi – surnommée « Le Jardin » par ceux qui l’ont découverte dans les années 80 – est devenue l’un des spots les plus fascinants et redoutés au monde. Longtemps gardée secrète par un petit groupe de surfeurs casablancais, cette droite parfaite est aujourd’hui un mythe mondial. Entre héritage local, arrivée des masters étrangers et surfréquentation croissante, son avenir est désormais au cœur d’un fragile équilibre, raconte ce documentaire de 40 minutes bien rythmé, mêlant images d’archives saisissantes et témoignages des pionniers marocains.
Tout a commencé comme un pacte entre amis. Au début des années 1980, quelques surfeurs marocains – parmi eux Laurent Mirramon, Henri Elgrichi ou encore Mehdi Serghini – tombent sur une droite hallucinante qui déroule sans fin sous les falaises de Safi, port de pêche alors plus connu pour les sardines que pour le surf. Ils se jurent le silence. Pour la désigner et la garder secrète, un nom de code « Le Jardin ». Car c’est depuis le jardin de leur petite maison dominant l’océan qu’ils peuvent l’observer.
Pendant quinze ans, ils surfent quasiment seuls ce tube interminable, sculpté par l’Atlantique et le sable du Sahara. Mais le secret finit fatalement par s’ébruiter, et avec lui, une nouvelle page de l’histoire du surf marocain s’ouvre.
Dans les années 1990, des légendes venues d’Australie et d’Hawaï vont repousser les limites : Ross Clarke-Jones inaugure le take-off au rocher avec des tubes de vingt secondes, bientôt suivi par Tom Carroll, Jeff Hakman ou Gary Elkerton. Leur passage fait basculer Safi dans une autre dimension, révélant son potentiel hors norme. Une nouvelle génération marocaine va s’engouffrer dans leur sillage et se former : Ramzi Boukhiam, devenu premier surfeur marocain à percer sur le circuit mondial, Jérôme Sahyoun, figure du big wave riding, ou encore de jeunes talents qui voient en Safi un symbole national.
Mais si cette droite mythique a permis à une scène marocaine unique d’éclore, elle est aujourd’hui victime de sa réputation. À chaque swell d’hiver, le spot attire des surfeurs du monde entier, et la surpopulation devient source de tensions. Entre fierté locale, volonté de préserver un héritage, et pressions d’un surf business en pleine expansion, la Safi vit désormais au rythme d’un dilemme : partager ou protéger.
Photo d'en-tête : Now Now Media