Quoi de commun entre une veste d’outdoor et l’alunisseur IM-2 Athena ? Deux matériaux isolants, l’Omni-Heat™ Reflective et l’Omni-Shade™ Sun Deflector, mis au point par Columbia pour ses vêtements techniques, mais également utilisés par la NASA pour l’exploration de la lune, dans le cadre de sa mission Artemis. Un projet parmi les dizaines sur lesquels travaille le professeur Haskell Beckham, responsable du laboratoire de recherches de l’une des marques de l’outdoor les plus innovantes du moment.
« Une navette spatiale pour la Lune. Ça a l’air dingue, il faut les rencontrer ! », s’est exclamé Joe Boyle, Président de Columbia, en apprenant le lancement du nouveau programme spatial américain, Artemis. « Mais là, on parle de la NASA, alors vous venez avec moi, on va discuter avec eux ! », se souvient Dr Haskell Beckham, Directeur du centre de recherches de la marque. Ce chercheur en chimie, récompensé par la Olney Medal – la plus haute récompense dans l’industrie textile – avait été débauché du Georgia Institute of Technology, par l’industriel de Vancouver pour booster son laboratoire de Portland. Aussi ne s’était-il pas fait prier pour filer à Houston avec son patron.
En digne descendant de sa grand-mère, Gert Boyle – plus connue dans la société sous le nom de « Ma » Boyle [maman Boyle], maîtresse femme dont le flair a rarement été démenti – Joe Boyle sait lui aussi saisir les opportunités. Dans la saga familiale, nul n’a oublié comment, dans les années 50, elle avait tourné vers le marché de l’outdoor la Columbia Hat Company, modeste fabrique de chapeaux dont elle avait héritée de ses parents. Et surtout, comment, après avoir frôlé la faillite en 1971, elle avait fait un coup de génie en introduisant du Gore-Tex dans ses vestes. L’affaire avait décollé pour ne plus jamais replonger. Et en plus de 85 ans d’existence, quatre générations s’y sont déjà succédé. Toutes ont fait de l’innovation une obsession. Pas seulement par le design, via la veste technique Bugaboo, produit « 3 en 1 » qui fit sensation à sa sortie en 1986. Mais aussi et surtout, via les membranes techniques développées par la marque.
Des innovations à des prix accessibles
Depuis sa création, Columbia a ainsi déposé plus de 240 brevets. Au point qu’en 2021, 70 % de ses revenus provenaient de ses propres technologies. « Notre première innovation a probablement été l’OmniTech™, un tissu imperméable et respirant », lancé en 1991, explique Haskell Beckham. « À l’époque, Columbia utilisait encore beaucoup de Gore-Tex, jusqu’à ce que nous réalisions que nous pourrions peut-être créer quelque chose de mieux, et de moins cher. C’est ce qui a lancé Columbia : développer ses propres technologies pour fournir des solutions aux consommateurs à des prix accessibles. Et aussi pour répondre à des besoins dans l’industrie ».
« L’OmniTech™, a donc marqué une étape clef, le début de toute une série d’innovations », poursuit-il. « En 2017, nous avons introduit une nouvelle membrane extérieure, l’Outdry™ Extreme. Complètement différente de ce qu’on pouvait trouver sur le marché, elle résolvait la plupart des problèmes liés à l’humidité. Mais notre plus grande innovation, c’est sans doute l’arrivée, en 2010, d’un procédé révolutionnaire utilisant le rayonnement infrarouge venant de votre corps qui est réfléchi et retenu. La solution était simple, mais il fallait y penser. Il suffisait d’appliquer une feuille d’aluminium sur le tissu sous la forme de petits points. Les points eux-mêmes reflètent la chaleur et les espaces entre les points ont les mêmes propriétés que le tissu normal, ce qui lui permet de respirer. Nous avons juste trouvé comment appliquer la même technologie sans compromettre la respirabilité du textile », résume le chercheur.
Une technologie développée pas à pas, afin de voir jusqu’où elle pouvait aller. Dans un premier temps, est lancé l’« Omni-Heat™ Reflective », en version argent, couleur originelle de l’aluminium. Il faudra des années de recherches – et deux autres étapes, Omni-Heat™ 3D et Omni-Heat™ Black Dot – au chercheur et à son équipe pour déterminer le taux de transfert de vapeur d’eau en fonction de la couverture de la surface, avant de constater qu’il n’y avait pas de baisse de la respirabilité, à condition de se limiter à 65 % de couverture du textile. Ce procédé sera encore affiné, dans la version la plus récente, en version feuille réfléchissante couleur or, l’OmniHeat™ Infinity, lancée à l’automne 2021.
« Nous parlions le même langage que les ingénieurs de la NASA »
« C’est juste avant son lancement, que la NASA nous a appelés », raconte Haskell Beckham. Le centre de Houston travaillait alors sur la mission IM-1, dans le cadre son programme Intuitive Machines. Nous nous sommes rendu compte que nous parlions le même langage que leurs ingénieurs chargés de mettre au point un alunisseur. Des termes techniques comme « réflectivité solaire », « émissivité thermique », ne signifient rien pour la plupart des gens, mais pour nous qui travaillons pour isoler les vêtements des skieurs ou des randonneurs, comme pour l’équipe d’Intuitive Machines chargée d’isoler une navette spatiale, ils signifient la même chose : c’est de la science fondamentale ! Et ce que nous avons également découvert, c’est que certains des matériaux que nous avions développés pour nos vestes d’hiver étaient vraiment bien adaptés pour protéger ce vaisseau spatial des températures extrêmes dans l’espace, pouvant varier de moins 250 °F à plus 250 °F [- 156 °C et + 121°C].
Ce premier succès a ouvert la voie à la deuxième mission, l’IM-2 lander, lancée il y a quelques mois. Cette fois, outre l’OmniHeat Infinity, nous avons introduit l’OmniShade™ Sun Deflector, un matériau parsemé de minuscules points blancs, utilisé pour repousser la chaleur. On le retrouve sur certaines de nos chemises d’été, par exemple. Imprimé sur l’extérieur d’un vêtement pour réfléchir les rayons du soleil et donc la chaleur. Dans l’industrie spatiale, il remplace avantageusement la coûteuse peinture blanche réflective utilisée jusqu’à présent, dont la durée de vie est très courte. Notre matériau possède de meilleures propriétés, et s’avère beaucoup plus facile à manipuler, vous pouvez l’appliquer comme du papier peint. La NASA est donc particulièrement emballée par cette innovation ».
Une veste extra-chaude inspirée du programme spatial
« Ce qui laisse la porte ouverte à d’autres perspectives dans le domaine spatial », ajoute le chercheur. « Cela peut sembler étrange pour une entreprise spécialisée dans les chaussures et les vêtements outdoor, mais la question se pose. D’ailleurs, depuis ces deux missions spatiales, nous avons reçu beaucoup de demandes d’autres entreprises intéressées par nos matériaux ».
« Reste à savoir si, et comment, Columbia pourrait se positionner dans l’industrie aérospatiale », s’interroge-t-il. « C’est vraiment un métier différent. Notre mission principale reste de rendre la nature accessible à tous, mais c’est vraiment intéressant de travailler dans ce nouveau contexte, compte tenu des performances de nos matériaux. D’autant que ce type de collaboration fonctionne dans les deux sens.
Nous avons beaucoup appris de notre collaboration avec Intuitive Machine. Une navette spatiale, c’est une isolation multi-couches de très haute technologie, cela nous a inspiré la création d’une veste lancée à l’automne 23, la Arch Rock. Dotée d’une couverture d’isolante multi-couches, c’est probablement la veste la plus chaude que Columbia ait jamais produite pour un poids minime. À ce stade, on peut dire qu’on parvient quasiment à un cercle complet sur le plan de la collaboration avec l’industrie spatiale », s’enthousiasme Haskell Beckham.
« Mais en matière d’innovation, nos sources d’inspiration ne s’arrêtent pas là », poursuit-il. « Nous observons avec beaucoup d’intérêt l’industrie de la construction et ses techniques d’isolation thermiques et réflectives. Ou encore l’industrie du nautisme. La conception des coques de bateaux rapides nous a ainsi inspiré une semelle intermédiaire absorbant les vibrations pour prévenir la fatigue. Enfin, je suis passionné par la biomimétique, l’utilisation de la nature comme modèle. Notre membrane, l’OmniHeat™ Arctic, lancée à l’automne dernier, que l’on retrouve dans nos doudounes ultra chaudes, s’appuie sur notre étude du poil de l’ours polaire. Dans le même esprit, la remarquable adhérence des geckos nous a également inspiré la conception d’une semelle extérieure, utilisée notamment dans notre gamme de chaussures PFG Pro Sport. Les pistes de recherches sont infinies. C’est absolument fascinant ! », conclut le directeur de recherche.
Pour en savoir plus sur les technologies Columbia, visitez www.columbiasportswear.fr.
Photo d'en-tête : Columbia- Thèmes :
- Columbia
- Équipement
- Outdoor
- Technologie