Flamboyant, aussi audacieux que talentueux, ce navigateur insatiable, fut tour à tour contrebandier, photographe, dessinateur et écrivain prolifique. Mais celui qu’on vit pêcheur de perles, marchand d’armes et de haschich, et même espion, avait aussi sa part d’ombre et un sens des opportunités peu glorieuses. Aussi est-il toujours difficile d’aborder la vie d’Henry de Monfreid sans risquer de se prendre une volée de bois vert. C’est pourtant ce qu’est parvenue à faire Valérie Manns, dans ce passionnant documentaire de 66 minutes. Présenté en off au FIFAV de La Rochelle il y a quelques jours, il y a fait salle comble un samedi matin pluvieux, c’est dire. Et, chance, il est actuellement en libre accès sur France Télévision jusqu’au 11 mai 2025. Une pépite à découvrir fissa. Tant pour l’incroyable parcours de Monfreid que pour la beauté des centaines de clichés qu’il a colorisés à la main, racontant avec poésie son épopée africaine.
Ceux qui ont suivi Joseph Kessel dans ses pérégrinations journalistiques auront déjà croisé Henry de Monfreid. C’est à lui, en effet, que l’écrivain fit appel lorsqu’il partit pour l’Éthiopie sur la route des derniers marchands d’esclaves. Monfreid parlait l’arabe, et connaissait mieux que quiconque la région. Il lui fut un allié précieux mais pas toujours très fréquentable. Car le Français, parti en 1911 pour l’Abyssinie, au cœur des régions interdites du Yémen et de l’Éthiopie, n’avait pas que des amis dans la région. Depuis qu’à 18 ans, il avait mis un pied en Afrique, ce fils de notable était passé de pêcheur de perles à marchand d’armes et de haschich, et même espion. Autant dire que certains auraient donné cher pour le mettre à l’ombre ou le refroidir pour l’éternité. Aussi Monfreid crut-il bon de s’esquiver en cours de route. Les opportunités ne manquaient pas pour lui.
Navigateur insatiable, on le voit ainsi affronter la mer Rouge et ses tempêtes, devenir contrebandier, mais aussi exceller en tant que photographe, dessinateur et écrivain. Entre autres talents, l’homme sait aussi saisir les opportunités. Il se convertit à l’islam pour mieux s’intégrer et développer ses multiples business. Et n’hésite pas un instant à l’heure de frayer avec Mussolini quand l’occasion se présente de récupérer ainsi ses propres biens confisqués par le Négus. C’est un aventurier sans doute peu scrupuleux, mais qui a fasciné des générations de lecteurs, qu’on découvre ici, tout droit sorti d’une époque révolue où le monde était infini et plein de ressources. Un monde où il suffisait de s’armer de courage et, sans doute aussi, d’inconscience pour embarquer sur les mers en ignorant à quoi ressemblerait sa route.

